L’impuissance de l’Opep

18 juillet 2019

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Plateforme pétrolière
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L’impuissance de l’Opep

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L’annonce il y a deux semaines d’une reconduction des restrictions de production par les 14 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs dix partenaires (dont la Russie, le Kazakhstan et le Mexique), a été présentée comme une victoire. Il s’agit de tout sauf d’une victoire. Les cours du baril ont à peine […]

L’annonce il y a deux semaines d’une reconduction des restrictions de production par les 14 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs dix partenaires (dont la Russie, le Kazakhstan et le Mexique), a été présentée comme une victoire. Il s’agit de tout sauf d’une victoire. Les cours du baril ont à peine réagi à cette prolongation de neuf mois des restrictions qui a pour but de soutenir les prix. Une décision qui en fait avait été déjà annoncée quelques jours auparavant lors du sommet du G20 à Tokyo par Vladimir Poutine.

L’Opep et ses alliés, l’Opep +, s’étaient entendus au mois de décembre 2018 pour abaisser leur offre cumulée de 1,2 million de baril par jour. La stratégie a été un temps gagnante puisque le prix du baril a augmenté de près de 30% au premier trimestre, avant de refluer. Sur le marché pétrolier, le pouvoir est aujourd’hui plus entre les mains des consommateurs que des producteurs. Et même une alliance des 14 membres de l’OPEP, autrefois un club très fermé, avec dix autres pays producteurs ne peut plus changer cela.

Production record américaine

Le bouleversement fondamental auquel les pays exportateurs de pétrole et de gaz sont confrontés est l’impact sur le marché d’un producteur qui n’était pas présent à Vienne et qui est redevenu le numéro un mondial, les Etats-Unis. La production de pétrole de schiste américaine a atteint 8,5 millions de barils par jour en mai et devrait continuer à croître au cours des cinq prochaines années. Elle a transformé le marché du brut et permis d’absorber facilement les pertes de production du Venezuela, de la Libye et de l’Iran et l’augmentation de la demande venue notamment de Chine et d’Inde. Au total, les Etats-Unis pompent 12,3 millions de barils par jour et ils pourraient passer à 13,4 millions de barils par jour à la fin de l’année

A partir du moment ou l’Opep a perdu le contrôle de l’offre, les évolutions des cours du baril dépendent de la demande. Et les perspectives sont plutôt moroses. Le risque d’un conflit commercial majeur entre Washington et Pékin existe toujours et les signes d’un ralentissement de la croissance économique chinoise se multiplient. Les importations de pétrole chinoises, 9,5 millions de barils par jour, sont étroitement liées à la vigueur de l’activité économique. Un seul des cinq grand pays consommateurs de pétrole, l’Inde, importe plus depuis le début de l’année qu’en 2018. L’Inde est d’ailleurs le troisième importateur de brut au monde devant le Japon maintenant. Et parmi les quatre autres, les Etats-Unis sont absents du marché international car ils sont redevenus autosuffisants.

L’année 2020 ne s’annonce pas non plus très favorable aux producteurs de pétrole. Le mois dernier, le Fonds monétaire international a révisé à la baisse à 6% sa prévision de croissance de la Chine, la plus faible depuis 1990. Le risque que les Etats-Unis entrent en récession l’an prochain n’est pas négligeable, la production faiblit et les incertitudes commerciales sont importantes. En Allemagne, le chômage remonte un peu et la production industrielle est peu dynamique. Il en est de même au Japon. «Toutes les données sont alignées pour que le marché pétrolier soit encore plus baissier en 2020», écrit Forbes. «Le triomphalisme de l’Opep … ne va pas changer cela».

Le cartel contrôle moins d’un tiers de la production mondiale

Si la demande reste faible et les prix poussés à la baisse notamment par l’Iran qui cherche à contourner les sanctions américaines en offrant des rabais, les quotas de l’Opep+ n’iront pas bien loin. L’Arabie Saoudite qui a déjà réduit sa production de 600 000 barils par jour en plus de l’effort commun de l’Opep+ devra encore en faire plus. Mais Riyad peut-il se permettre de voir encore baisser ses revenus? La même question se pose pour tous les producteurs et notamment la Russie. Le pétrole et le gaz comptent pour plus de 60% des exportations russes et 50% des ressources de l’Etat. La diversification de l’économie promise par Poutine quand il est arrivé au pouvoir il y a 20 ans n’a jamais eu lieu. La malédiction de la rente pétrolière…

En tout cas, la solidité de la nouvelle alliance Opep+ va être soumise à rude épreuve dans les prochains mois. Et les engagements pourraient ne pas être respectés. Cela ne serait pas une première pour la Russie qui ne s’est pas toujours conformée aux baisses de production imparties. Seulement 36% en février de ce qu’elle devait faire et 77% en avril.

Comme l’écrit le Financial Times, les jours glorieux de l’Opep appartiennent au passé. Le cartel contrôle aujourd’hui moins d’un tiers du marché mondial pour la première fois en près de trente ans. Même après un recul des cours de 110 dollars le baril au début de l’année 2014 à un peu plus de 60 dollars aujourd’hui, la tendance reste orientée à la baisse. Sauf en cas de guerre ou de révolution au Moyen-Orient qui réduirait sensiblement la production, cette situation ne devrait pas changer avant un moment.

Certains imaginent même un effondrement de l’organisation… ou le souhaite. «L’Opep peut mourir» a reconnu Bijan Zanganeh, le ministre du pétrole iranien à Vienne la semaine dernière. «L’organisation a perdu son autorité et est proche d’un effondrement».

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