Affaibli humainement et financièrement. Critiqué à juste titre pour ses errements dans le chantier de l’EPR de Flamanville et les difficultés de maintenance de son parc vieillissant de réacteurs nucléaires. Soumis depuis deux décennies à des injonctions contradictoires de l’exécutif. Comme la décision de fermer une grande partie du parc nucléaire et puis soudain, quelques mois après l’arrêt définitif des deux premiers réacteurs à Fessenheim, l’annonce de la relance d’un programme de construction de centrales… Où la décision pour satisfaire Bruxelles de créer une concurrence artificielle en le contraignant à vendre à ses concurrents et à prix cassé une partie de sa production électrique nucléaire. Ponctionné depuis plusieurs mois de milliards d’euros pour financer le bouclier tarifaire sur l’électricité des ménages français en lieu et place de l’Etat. Et finalement renationalisé et bientôt doté d’une toute nouvelle équipe dirigeante.
EDF, le géant public français de l’électricité, peut-il remonter la pente ? Il veut en tout cas prouver, notamment à l’opinion, que le pays peut encore compter sur lui pour assurer sa sécurité énergétique et la production d’électricité au cours du prochain hiver dans des circonstances particulièrement défavorables. Comme l’explique Xavier Piechaczyk, président du directoire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE), nous assistons à la combinaison d’une «crise gazière européenne, d’une crise du nucléaire française, et d’une sécheresse mondiale».
Déficit de compétences
Mais les 26 réacteurs nucléaires français aujourd’hui à l’arrêt devraient avoir redémarré dans les tout prochains mois, a annoncé mercredi 14 septembre la direction d’EDF. A l’origine de cette situation, le retard important des maintenances décennales de réacteurs, dû au Covid, et la découverte il y a un an de problèmes de corrosion sous contrainte sur des réacteurs des dernières séries entrées en service. Plus précisément, des micro fissures sur des coudes de canalisation à 90 degrés servant en cas d’accident à refroidir les réacteurs. Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un problème de maintenance. Ces canalisations ne sont pas utilisées, sauf lors de tests. La raison de leur fragilité vient d’un problème de conception, de géométrie des canalisations, qui se traduit par des phénomènes de torsions de métal.
Mercredi devant les députés, le Pdg d’EDF sur le départ, Jean-Bernard Lévy, a indiqué que «les chantiers liés à la corrosion avançaient à un bon rythme: Tricastin 1, le premier, est terminé… A ce jour, 27 réacteurs sont connectés au réseau et trois sont en économie de combustible afin de pouvoir produire l’hiver prochain», a ajouté M. Lévy. Sur les 26 réacteurs aujourd’hui à l’arrêt, cinq doivent repartir en septembre, cinq en octobre, suivis de sept supplémentaires en novembre, trois en décembre, trois en janvier puis deux en février, a expliqué Cédric Lewandowski, directeur exécutif d’EDF. Un 26e aujourd’hui en arrêt «fortuit» doit redémarrer incessamment.
«Nos équipes et celles de nos partenaires industriels sont pleinement mobilisées pour remettre sur le réseau le maximum de réacteurs possible pour le prochain hiver», a affirmé M. Lévy, ajoutant que le groupe avait désormais «un moyen de contrôle non destructif» pour poursuivre les diagnostics de corrosion… «Nous faisons face à un cumul inattendu d’activités, qui mobilise des compétence pointues et rares, de tuyauteurs, soudeurs, robinetiers, chaudronniers… Ce déficit de compétences affecte notre capacité à réparer au rythme que nous souhaiterions». a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron a beaucoup varié sur le nucléaire
Le patron d’EDF, dont le nom du successeur sera annoncé officiellement dans les prochains jours, en a profité pour revenir sur ses récents propos critiques de la stratégie de l’État concernant le nucléaire. Des propos jugés «inacceptables» par Emmanuel Macron qui a beaucoup varié sur l’énergie nucléaire et n’aime pas qu’on le lui rappelle. Car après l’avoir rejeté, avoir fermé les deux réacteurs de Fessenheim et mis fin en catimini au programme de recherche Astrid sur les réacteurs de 4ème génération, il s’est soudain rallié à cette énergie. En février, en pleine campagne électorale, il a annoncé lors d’un discours à Belfort la construction d’au moins six nouveaux réacteurs.
Mercredi 14 septembre, Jean-Bernard Lévy a lui insisté sur l’impact de Fukushima et sur «le contexte politique de 2012», très défavorable alors au nucléaire en France, en Europe et dans le monde entier. Aujourd’hui, «la dynamique positive [en faveur du nucléaire] est réenclenchée, avec le discours de Belfort en particulier, mais cela prendra du temps, c’est le temps industriel… Mais, si il y a dix ans, on avait pu lancer deux ou trois chantiers de réacteurs, on aurait pu les avoir».
«Un plan Marshall pour relancer la construction d’EPR»
Le Pdg d’EDF a aussi demandé que paroles annonçant une relance du nucléaire soit suivies par des actes. «Nous avons besoin des textes, des autorisations pour lancer les chantiers. Nous avons besoin d’un plan Marshall pour relancer la construction d’EPR. Le terme me paraît justifié pour avoir des moyens» à la hauteur de l’ambition de l’Elysée, a-t-il réclamé dans son adresse finale aux parlementaires. Une manière de les inciter à voter des lois facilitant l’établissement de nouveaux réacteurs sur tout le territoire.
Un journplus tôt, face à cette même Commission des affaires économiques de l’Assemblée, la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher avait évoqué un projet de loi «début 2023 probablement (…) qui introduira des dispositions pour gagner du temps de procédure sur le lancement des chantiers» nucléaires.