L’EIA américaine (Energy Information Administration) a présenté la semaine dernière devant le Center for Strategic and International Studies ses prévisions sur les évolutions des marchés de l’énergie dans le monde d’ici 2050 (International Energy Outlook 2021). Et elles ne correspondent pas vraiment aux promesses faites par les dirigeants de la plupart des grands pays et aux injonctions des grandes institutions internationales et des organisations militantes qui nous promettent l’apocalypse si nous ne les respectons pas.
Les trois principales conclusions de l’EIA sont les suivantes.
-«Si les tendances actuelles politiques et technologiques se poursuivent, la consommation d’énergie et les émissions de CO2 liées à l’énergie vont augmenter d’ici 2050 du fait de la croissance économique et démographique.»
-«Les renouvelables seront la principale source pour la production nouvelle d’électricité, mais le gaz naturel, le charbon et de plus en plus les batteries seront utilisées pour faire face à la charge et renforcer la fiabilité des réseaux».
-«La production de pétrole et de gaz naturel va continuer à augmenter, avant tout pour répondre à l’augmentation de la consommation dans les économies asiatiques en développement».
Ainsi, la consommation mondiale d’énergie primaire pourrait «augmenter de presque moitié entre 2020 et 2050» malgré l’impact de la pandémie de Covid-19 et en dépit des progrès attendus en matière d’efficacité énergétique, estime l’EIA dans son scénario de référence (voir le graphique ci-dessous la courbe noire intermédiaire). Cette forte hausse de la demande s’expliquerait principalement par la croissance économique (prévision de croissance de 2,8% dans le monde alimentée notamment par les pays asiatiques en développement) et démographique (prévision de hausse de la population mondiale de presque 2 milliards d’habitants durant cette période provenant essentiellement d’Afrique).
Les trois scénarios de consommation d’énergie dans le monde d’ici 2050.
La consommation d’énergie augmente le moins dans le monde dans le scénario dit de faible croissance et faible prix du pétrole et le plus dans ceux de forte croissance et de prix élevés du pétrole. Dans le scénario intermédiaire dit de référence, la consommation d’énergie augmente de près de 50% d’ici 2050 par rapport à 2020.
L’EIA estime, toujours dans le scénario de référence, que la consommation mondiale d’énergies renouvelables pourrait plus que doubler entre 2020 et 2050, du fait notamment des baisse des coûts des technologies utilisées et des politiques incitatives à base de subvention et de taxe carbone menées par de nombreux pays, notamment en Europe. Pour autant, les différentes filières renouvelables combinées ne compteraient que pour près de 27% de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2050. Car elles permettent avant tout de produire de l’électricité décarbonée. À cet horizon (2050), les carburants liquides (pétrole et biocarburants), le gaz naturel et le charbon pourraient encore compter pour 68,8% du mix énergétique mondial (contre 80,7% en 2020). Cela donne une idée de l’inertie des évolutions en matière d’énergie que sous-estiment les dirigeants politiques comme les militants.
Ainsi, plus qu’une transition énergétique des sources d’énergie les plus carbonées vers des sources bas carbone, c’est une hausse généralisée de la demande de toutes les énergies que prévoit l’EIA. Les sources décarbonates venant s’ajouter aux énergies fossiles et assez peu les remplacer. Même la consommation mondiale de charbon pourrait, après une baisse de la demande entre 2025 et 2030, augmenter d’ici la moitié du XXIème siècle (+13,6% entre 2020 et 2050).
La production mondiale de pétrole et de gaz naturel «continuera de croître, principalement pour satisfaire l’augmentation de la consommation d’énergie dans les économies asiatiques en développement», estime par ailleurs l’EIA dans son scénario de référence. Avec toutefois une réserve importante: «pour répondre à la demande croissante, les pays devront s’appuyer sur une exploration accrue (pour identifier les ressources), une augmentation des forages (pour disposer de nouvelles réserves prouvées) et des progrès technologiques (pour atteindre de meilleurs rendements de production)». Or, les pressions deviennent fortes pour limiter les investissements et donc la recherche de nouvelles ressources dans les énergies fossiles. Ce qui pourrait se traduire par des pénuries et des envolées des prix.
Consommation d’énergie dans le monde par sources IEA.
L’EIA prévoit par ailleurs une augmentation de deux tiers de la production mondiale d’électricité (injectée sur des réseaux) d’ici la moitié du XXIe siècle dans son scénario de référence. La transition passe obligatoirement par une électrification des usages. En 2050, les filières renouvelables pourraient compter pour 56% de la production totale d’électricité (contre 28% en 2020): le solaire photovoltaïque deviendrait la première source d’électricité à cet horizon (24,2% du mix électrique de 2050, contre 3,3% en 2020) mais le charbon serait encore la deuxième source (19,3%), devant le gaz naturel (17,4%) et l’éolien (16,3%). La production nucléaire pourrait quant à elle augmenter de «seulement» 15% entre 2020 et 2050 (comptant à cet horizon pour 7,2% du mix électrique mondial).
Production d’électricité dans le monde par sources IEA
Au total, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie pourraient, par rapport au niveau de 2020, augmenter de 5% dans les pays développés de l’OCDE et de 35% dans les autres pays d’ici à 2050 selon l’EIA. Cette dernière a par ailleurs l’honnêteté, rare, de reconnaître et exposer les limites de ses prévisions. Son scénario de référence «prend en considération des évolutions d’infrastructures (annonces de nouvelles constructions ou d’arrêts) et des progrès technologiques sur la base des tendances historiques». Par définition, il ne peut pas anticiper d’éventuelles ruptures technologiques ni d’importants bouleversements politiques et géopolitiques.