L’hydrogène bas carbone ou vert est une des clés de la transition énergétique, même si ce vecteur d’énergie, ce n’est pas une source il faut le produire comme l’électricité, présente de sérieux inconvénients. Il s’agit notamment: de son coût très élevé de fabrication lié à la grande quantité d’électricité décarbonée nécessaire pour le produire par électrolyse, d’un rendement énergétique faible, de la nécessité de créer des infrastructures lourdes pour le produire, le stocker et le transporter, et enfin des technologies d’utilisation loin d’être matures dans l’industrie et les transports. Mais il y a un argument massue en faveur de l’hydrogène vert. Il n’existe quasiment pas d’autres alternatives aux carburants fossiles dans les transports sur longue distance et notamment de marchandises (sur mer, sur terre et dans les airs), pour produire de la chaleur (chauffage), pour l’industrie lourde (sidérurgie, cimenteries…) et pour stocker à grande échelle l’électricité renouvelable intermittente (solaire, éolienne).
Trop peu d’investissements
Voilà pourquoi l’Agence internationale de l’énergie (AIE) exhorte dans un rapport publié le 4 octobre, à quelques semaines de la COP26, à accélérer la création de filières et surtout à accélérer les investissements. «Une adoption beaucoup plus rapide de l’hydrogène bas carbone est nécessaire pour mettre le monde sur la voie d’un système énergétique durable d’ici 2050» affirme l’AIE.
L’Agence estime dans son scénario «Net Zero» (visant à atteindre «zéro émissions nettes» de CO2 dans le monde à l’horizon 2050) que la consommation d’hydrogène dans le monde devra être «multipliée par six par rapport aux niveaux actuels pour atteindre 10% de la consommation totale d’énergie finale d’ici 2050». Mais il faut que cet hydrogène soit produit de manière décarbonée, c’est-à-dire principalement par électrolyse en utilisant de l’électricité dont la production est elle-même décarbonée (éolienne, solaire, hydraulique, nucléaire), ou en ayant recours à des dispositifs dits «CCUS» (capture, stockage et utilisation du CO2).
Du côté positif, l’AIE souligne que 17 Etats ont maintenant lancé des plans de développement ambitieux de l’hydrogène et plus de 20 y travaillent. «Dans le passé, l’hydrogène bas carbone a donné lieu à des faux départs. Cette fois, nous voyons de réjouissants progrès», explique Fatih Birol, le directeur de l’AIE. «Les gouvernements doivent agir rapidement pour abaisser les barrières qui brident sa croissance, essentielle si le monde veut garder une chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050.»
Toujours parmi les «signes encourageants», l’AIE met en avant le fait que les capacités d’électrolyse ont doublé au cours des cinq dernières années dépassant 300 MW à la mi-2021 (dont 40% en Europe) et pourraient, compte tenu de plus de 350 projets à différents stades de développement, s’élever à près de 90 GW à l’horizon 2030. Cela permettrait de produire 8 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici à 2030 et 17 millions de tonnes avec plus de 9 Mt d’hydrogène bleu (produit à partir d’énergies fossiles mais avec CCUS). Mais tout cela reste encore très très loin des objectifs fixés par l’agence. Pour donner une idée du chemin à parcourir pour atteindre le fameux «Net Zero», la production d’hydrogène bas carbone devrait atteindre 140 Mt en 2030 dont 80 Mt par électrolyse. La demande mondiale d’hydrogène pourrait quant à elle atteindre 200 Mt, toujours dans le scénario «Net Zero», à l’horizon 2050.
Le principal obstacle est le coût de production
Les pays dotés d’une stratégie hydrogène ont prévu 37 milliards de dollars d’investissements publics et le secteur privé a annoncé 300 milliards de plus. Mais pour atteindre la neutralité climatique en milieu de siècle, il faudrait déjà avoir investi 1.200 milliards d’ici à 2030, a calculé l’Agence… L’AIE présente aussi l’hydrogène comme le «pilier de la décarbonation dans l’industrie» (citant notamment le projet pilote Hybrit de production décarbonée d’acier grâce à l’hydrogène en Suède) mais souligne également les perspectives de développement dans les transports (routier, ferroviaire, maritime et aérien).
Maintenant, beaucoup reste à faire. Les filières sont embryonnaires et les principaux obstacles sont plus économiques que technologiques. «Le principal obstacle reste son coût de production», note l’AIE, «car il nécessite de grandes quantités d’électricité décarbonée. En attendant les avancées technologiques et les économies d’échelle pour le rendre compétitif, il faudra des mesures et des financements pour compenser l’écart de prix avec l’hydrogène d’origine fossile (qui, selon les cours du gaz, peut coûter deux à sept fois moins que celui produit avec des renouvelables).»
Prix du carbone, quotas, commandes publiques sont autant d’outils pour parvenir à imposer l’hydrogène vert. Des mesures manquent aussi pour soutenir la demande de cet hydrogène décarboné, pointe l’AIE. Sans cela, il sera difficile de développer les infrastructures de stockage et d’acheminement.
Le principal frein au développement à grande échelle de l’hydrogène bas carbone est son coût de production aujourd’hui non compétitif. Selon les estimations de l’AIE, le coût de revient de l’hydrogène produit à partir du gaz s’élève actuellement entre 0,5 et 1,7 dollar par kilogramme (selon le prix du gaz dans les différentes régions du monde). Le couplage de cette production avec des dispositifs CCUS augmente le prix entre le 1 et 2 dollars le kilo. Mais la production d’hydrogène à partir d’électricité d’origine renouvelable coûte entre 3 et 8 dollars le kilo.
L’Agence internationale de l’énergie prévoit une baisse majeure des coûts de production par électrolyse entre 1,3 à 3,5 dollars le kilo en 2030 et entre 1 et 3 dollars à l’horizon 2050 rendant «la production d’hydrogène à partir du solaire photovoltaïque compétitive avec une production à partir du gaz» dans plusieurs régions du monde. Mais pour y parvenir, il faut que les investissements massifs nécessaires pour construire des filières et faire des économies d’échelle aient lieu et rapidement…