Le plus long câble électrique sous-marin du monde, qui relie la Norvège au Royaume-Uni, est entré en service le 1er octobre. Cela ne pouvait pas tomber à un meilleur moment, tout comme d’ailleurs la mise en service très prochaine du très controversé gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. Ces deux équipements, permettant d’importer pour le premier de l’électricité et pour le second du gaz naturel, voient le jour en pleine crise d’approvisionnement énergétique et de flambée des prix de l’électricité et du gaz. S’il fallait justifier leur existence, voilà qui est fait. Et voilà pourquoi certains accusent la Russie de volontairement limiter ses exportations de gaz avant Nord Stream 2 même si Moscou a respecté les contrats signés.
Pour ce qui est de la liaison électrique sous-marine entre la Norvège et le Royaume-Uni, de 720 kilomètres, elle aura dans un premier temps une capacité maximale de 700 megawatts (MW) qui va monter graduellement à 1.400 MW dans les trois prochains mois. «A pleine capacité, North Sea Link pourra alimenter 1,4 million de foyers», selon National Grid, qui gère le réseau électrique britannique et est actionnaire à 50% de la liaison avec Stattnet, son homologue norvégien.
Limiter les conséquences de l’intermittence des éoliennes
La raison d’être de ce câble sous-marin est de limiter les conséquences négatives de l’intermittence des éoliennes installées au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni pourra fournir de l’électricité produite par ses éoliennes à la Norvège lorsqu’elles produiront des surplus, ce qui est fréquent. Le pays scandinave pourra par ailleurs envoyer côté britannique son électricité hydraulique qui a l’avantage d’être «pilotable», c’est-à-dire activé à la demande, tout en étant renouvelable. Cela doit permettre au système électrique anglais de moins avoir recours aux centrales à gaz voire encore au charbon quand les éoliennes ne produisent pas suffisamment faute de vent. Ce qui est le cas depuis plusieurs mois.
Déjà connecté à la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Irlande, le Royaume-Uni prévoit l’ouverture d’autres interconnexions électriques avec les pays du continent, notamment grâce à un autre câble sous-marin d’une plus grande longueur encore le reliant au Danemark, Viking Link (765 kms).
Le Royaume-Uni a besoin de pouvoir importer de l’électricité des pays voisins
La leçon de la crise énergétique des dernières semaines est que la sécurité d’approvisionnement électrique du Royaume-Uni nécessite des capacités importantes d’importation d’électricité décarbonée d’autres pays, qu’elle soit hydraulique (Norvège), nucléaire (France) ou éolienne (Danemark). Ainsi, à la mi-septembre un incendie affectant une liaison électrique majeure avec la France a réduit la capacité du pays à importer de l’électricité et a contribué ensuite à faire flamber les prix du gaz qui ont atteint la semaine dernière de nouveaux records historiques.
Les conséquences de cette envolée des prix du gaz au Royaume-Uni ont été importantes. Elle a provoqué une série de faillites d’opérateurs, pris en étau entre des cours du gaz record et une limite sur les prix de l’électricité qu’ils peuvent facturer aux ménages. Près de deux millions de foyers britanniques se sont ainsi retrouvés privés de fournisseur d’énergie à l’orée de l’hiver, même si l’autorité de supervision a promis que tous se verront attribuer un nouvel opérateur. Pour l’ensemble des consommateurs, la hausse des prix du gaz signifie en tout cas que les factures électriques vont fortement augmenter, d’autant plus que les plafonds de tarification ont été relevés depuis la semaine dernière.
Problème de sécurité alimentaire
Autre sérieux problème: la flambée du gaz a mis à l’arrêt le plus gros fournisseur de CO2 du pays, ce qui risque de fragiliser sérieusement la sécurité alimentaire du pays car ce gaz est crucial dans la chaîne du froid et l’abattage. Le gouvernement est venu à la rescousse de cette entreprise la semaine dernière et un autre fournisseur important de CO2 a repris sa production. L’exécutif britannique a annoncé aussi qu’il exemptait temporairement certaines entreprises productrices de CO2 des règles de la concurrence pour les aider à «livrer en priorité les branches qui en ont le plus besoin, comme l’industrie alimentaire».
Mais l’exécutif se refuse pour l’instant à renflouer les énergéticiens en dépit de demandes insistantes. Les groupes les plus importants, comme E.on ou Centrica, devraient pourtant sortir gagnants, tout comme les groupes les plus axés sur les renouvelables, comme SSE et Octopus Energy. Octopus vient notamment de récupérer des centaines de milliers de clients d’exploitants qui ont mis la clé sous la porte, et d’obtenir de nouveaux capitaux à hauteur de 600 millions de dollars du fonds d’investissement Generation Investment Management, co-fondé par l’ancien vice-président américain Al Gore. Mais le Pdg d’Octopus, Greg Jackson, met en garde, «la prochaine fois qu’un gros opérateur fait faillite, nous ne pourrons pas intervenir».
Cette crise s’ajoute à une pénurie d’essence dans les stations-service, la plus grave depuis plus de dix ans, à cause d’un manque de chauffeurs routiers pour livrer le carburant.