A priori, les déserts semblent être les meilleurs endroits pour y installer des centrales solaires massives. Il s’agit d’une source d’énergie devenue très compétitive en terme de prix qui a besoin d’un ensoleillement maximum tout au long de l’année et de surfaces étendues et peu coûteuses pour y installer de grandes quantités de panneaux. En général, les déserts sont relativement plats et riches en silicium, le principal matériau avec lequel sont construits les semi conducteurs utilisés dans les panneaux solaires. De fait, les dix plus grandes centrales solaires au monde ont été construites dans des déserts ou des zones désertiques.
Le potentiel de production d’électricité solaire des déserts est gigantesque
Des chercheurs sont convaincus qu’il est tout a fait possible de transformer le plus grand désert du monde, le Sahara, en une ferme solaire géante capable de fournir en théorie sans problème quatre fois les besoins énergétiques actuels de l’humanité. Il existe d’ores et déjà des projets de fermes solaires géantes en Tunisie et au Maroc qui fourniraient de l’électricité à des millions de foyers en Europe et permettraient aussi de produire de grandes quantités d’hydrogène vert.
Mais d’après un article publié par deux scientifiques australien et suédois dans The Conversation, de tels projets pourraient créer des catastrophes. Ils expliquent que les panneaux solaires ne convertissent que 15% de l’énergie qu’ils reçoivent en électricité et le reste est renvoyé dans l’atmosphère sous forme de chaleur. Les panneaux sont noirs et bien plus sombre donc que le sol du désert. Cela signifie qu’une grande quantité de panneaux solaires va absorber bien plus d’énergie et la transformer en chaleur.
Selon les scientifiques, si les conséquences de cela étaient seulement locales, elles n’auraient pas une grande importance. Très peu de personnes vivent dans le désert. Mais compte tenu de la taille des installations nécessaires pour avoir un impact et réduire significativement l’utilisation d’énergies fossiles, des milliers de kilomètres carrés, la chaleur supplémentaire se retrouverait dans l’atmosphère et aurait un effet d’accélération sur le réchauffement.
Une boucle de rétroaction atmosphérique qui feraient reverdir le Sahara
Une étude réalisée en 2018 a utilisé un modèle climatique pour simuler les conséquences d’une baisse de l’albedo (la réverbération des rayonnements solaires) par la surface du désert à la suite de l’installation de gigantesques fermes solaires. La conclusion était que des installations solaires représentant 20% de la surface totale du Sahara, soit tout de même 1,8 millions de km2 (plus de trois fois la France), créeraient une boucle de rétroaction atmosphérique étonnante.
A savoir que la chaleur émise par les panneaux noirs, bien plus importante que les sols clairs, créerait une plus forte différence de température entre la terre et les océans et mers environnants. Cela devrait faire baisser la pression de l’air à la surface et ferait monter et condenser l’air humide en gouttes de pluie. Il y aurait plus de pluies, plus de végétation dans le désert qui refléterait encore moins l’énergie solaire ce qui contribuerait à accélérer les chutes de pluie et le verdissement. Le Sahara retrouverait une période qui s’est terminée il y a 5.000 ans pendant laquelle il n’était pas un désert.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le Sahara produirait de grandes quantités d’électricité décarbonée et redeviendrait vert et habitable. Mais le modèle des chercheurs suédois et australien montre aussi des effets bien moins désirables dans d’autres régions du monde. La transformation progressive du Sahara en une région plus verte, plus chaude et plus humide aurait des conséquences climatiques dangereuses à l’échelle de la planète. Cela pourrait se traduire par des sécheresses en Amazonie et une baisse du niveau des océans.
Une source massive de chaleur
Couvrir 20% de la surface du Sahara avec des fermes solaires augmenterait la température au sol de 1,5 degré Celsius en moyenne et de 2,5 degrés Celsius avec une couverture de 50% . Cette chaleur se transmettrait d’une façon ou d’une autre autour du globe via l’atmosphère et les courants océaniques. Cela se traduirait par une augmentation moyenne de 0,16 degré dans l’hypothèse de 20% et de 0,39 degré dans celle de 50%. Le problème est que cette augmentation ne serait pas uniforme. Elle affecterait plus particulièrement les tropiques et accélérait la fonte des glaces arctiques.
Cette source massive de chaleur dans le Sahara affecterait la circulation atmosphérique et des océans et donc les régimes de précipitation dans plusieurs régions du monde. La bande relativement étroite de fortes pluies dans les tropiques, qui représente plus de 30% des précipitations dans le monde et permet l’existence des forêts tropicales de l’Amazonie et du bassin du Congo, remonterait au nord dans la simulation des chercheurs suédois et australien. Cela signifie pour l’Amazonie de la sécheresse puisque moins d’humidité lui parviendrait de l’océan. De façon assez grossière, les précipitations du Sahara seraient enlevées à l’Amazonie. Et par ailleurs, la bande tropicale humide remontant au nord, il y aurait plus de cyclones en Amérique du nord et sur les côtes est de l’Asie.
Il ne s’agit évidemment que de modèles et d’hypothèses plus ou moins réalistes et crédibles. Mais elles montrent une chose. Exploiter l’énergie solaire du Sahara peut-être un moyen extrêmement puissant pour alimenter une partie de la planète en électricité et en hydrogène décarboné. Mais il est indispensable de comprendre les conséquences que cela pourrait avoir et d’en mesurer les avantages et les risques.