DNV est une entreprise norvégienne spécialisée dans la gestion des risques et l’assurance. Elle est reconnue mondialement pour ses compétences dans le transport maritime, l’énergie et plus particulièrement le pétrole et le gaz. Elle est indépendante à la fois des gouvernements, des institutions internationales, des organismes militants et des intérêts économiques. Ces prévisions et ces études font autorité parce qu’elles ne répondent pas à des impératifs de communication ou d’incantations, mais se veulent réalistes et sont des outils pour construire des stratégies d’entreprises et de gestion des risques. DNV n’a pas d’objectifs cachés, c’est assez rare.
DNV vient ainsi de rendre publique ses dernières prévisions à long terme sur la transition énergétique. C’est un document qui fait plus de 280 pages et présente plusieurs points particulièrement intéressants.
Tout d’abord, dans les prévisions de DNV (voir le graphique ci-dessous), les émissions de CO2 liées à l’énergie ne vont pas commencer à baisser dans le monde avant 5 ans. Ensuite, cette tendance va s’accélérer avec un recul de 9% d’ici 2030 et de 45% d’ici 2050. L’électricité va représenter 38% de l’énergie consommée en 2050 contre 19% aujourd’hui et les véhicules électriques représenteront 50% des ventes neuves en 2032. Enfin, l’utilisation des pompes à chaleur sera multipliée par trois d’ici 2050. Elles assureront ainsi 32% du chauffage des bâtiments tout en consommant seulement 9% de l’énergie consacrée à les réchauffer ou les refroidir.
Pour autant, les émissions de carbone seront encore de l’ordre de 20 gigatonnes par an en 2050 et donc très loin de l’objectif de ramener à zéro les émissions nettes à cette date. L’écart sera d’ailleurs encore bien trop important pour que la généralisation d’une technologie comme la capture et le stockage du CO2 permette de compenser. D’autant plus que cette technologie ne permettra d’ici 2050 que de capturer 3,6% des émissions de carbone provenant des carburants fossiles. Du coup, l’augmentation moyenne des températures sera de l’ordre de 2,3 degrés Celsius d’ici la fin du siècle.
Autre enseignement, l’accélération de la production d’électricité renouvelable devrait être spectaculaire. Elle représente aujourd’hui 25% de l’électricité produite, notamment grâce à l’hydraulique. Mais l’éolien et le solaire vont prendre le relais et connaitre une progression impressionnante. Ils seront d’un poids quasiment équivalent en 2050 et la consommation de charbon aura alors été réduite des deux-tiers. Mais ce ne sera pas le cas des centrales thermiques au gaz qui assureront encore plus de 20% de la production d’électricité mondiale (voir le graphique ci-dessous).
Toujours dans la logique d’une accélération de la transition à partir de 2025, DNV anticipe une baisse de la production de pétrole et de charbon à partir de cette date (voir le graphique ci-dessous). Ce recul sera de 66% pour le charbon et de 50% pour le pétrole d’ici 2050. En revanche, la production de gaz naturel devrait rester stable. Et en 2050, 85% du gaz consommé ne sera pas décarboné, les 15% restant étant du biogaz et du gaz naturel combiné avec de la capture de CO2. Au total, les carburants fossiles représenteront encore au milieu du siècle la moitié de la consommation d’énergie mondiale.
DNV croit à une baisse sensible de la consommation d’énergie par personne, au moins en Europe, dans les prochaines décennies grâce à l’amélioration importante de l’efficacité énergétique, notamment dans le transport et les bâtiments. Au cours des deux dernières décennies, l’efficacité énergétique (l’énergie utilisée pour produire un dollar de PNB) a augmenté dans le monde de 1,7% par an. Ce rythme devrait passer à 2,4% par an d’ici 2050. Cela signifie qu’en 2050, il faudra utiliser moitié moins d’énergie pour produire un dollar de richesse.
Mais il sera très difficile de réduire les émissions de certains secteurs industriels comme le montre le graphique ci-dessous. Ce sera le cas dans les transports sur longue distance et de marchandises et plus encore dans la sidérurgie et la production de ciment. Si les émissions de CO2 vont diminuer de 45% d’ici 2050, les secteurs industriels très difficiles à transformer représenteront près de la moitié des émissions restantes.
Enfin, DNV ne croit pas au basculement vers une économie de l’hydrogène, avant tout pour des questions de coûts et du temps nécessaire pour créer des filières. L’hydrogène représentera selon son scénario, seulement 5% de la consommation d’énergie d’ici 2050. Parce qu’il arrive trop tard. L’hydrogène vert, fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, est aujourd’hui très coûteux et le restera longtemps selon DNV. Il faudra attendre 2033 pour qu’il se trouve à des prix comparables à ceux de l’éolien et du solaire dans les années 2010-2015. Et il faudra attendre 2045 pour que son prix soit comparable à celui de l’éolien et du solaire en 2020.
Pour DNV, ces prévisions sont construites à partir des réalités actuelles. Il reste possible d’accélérer la transition pour être plus proche de l’objectif de ramener à zéro les émissions nettes de carbone en 2050. Pour cela, il faudra encore accélérer la production d’électricité décarbonée et celle d’hydrogène vert.