<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Rénovation énergétique, le gouvernement annonce une fois encore une révolution

6 avril 2021

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Double cloison Wikimedia Commons
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Rénovation énergétique, le gouvernement annonce une fois encore une révolution

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En matière de rénovation énergétique des bâtiments, la France a multiplié depuis des années les annonces ambitieuses, les réformes, les coups de pouce et les freinages budgétaires, et les usines à gaz administratives. Les résultats n'ont jamais été au rendez-vous. Le gouvernement promet que cette fois sera la bonne. Mais rendre obligatoire le recours à un «accompagnateur rénov'» agréé par l'Etat dont le statut, la rémunération et le contrôle des performances s'annoncent d'une rare complexité, ne présage rien de bon.

Ce n’est pas vraiment la première fois qu’un gouvernement en France promet une accélération spectaculaire des programmes de rénovation énergétique des bâtiments. Mais en mêlant depuis une décennie action sociale et écologie, en laissant la machine bureaucratique en roue libre avec une multiplication d’acteurs, de textes et de normes, les pouvoirs publics n’ont pas fait le moindre progrès mesurable. Jusqu’à aujourd’hui, les promesses n’ont jamais été tenues et se sont noyées dans la limitation des budgets ou la complexité. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a pourtant annoncé la semaine dernière un «big-bang» de la rénovation énergétique grâce au projet de loi climat et résilience.

Des mesures coercitives

Cette fois, nous allons voir ce que nous allons voir. Des mesures supplémentaires seront intégrées au projet de loi baptisé «Se loger». Et elles seront d’abord coercitives… Ainsi, selon la première annonce faite par la ministre, la majorité va étendre les interdictions de mise en location au-delà des classes F et G du diagnostic de performance énergétique. «Si nous y parvenons, nous passerons de 1,8 million de logements concernés par une obligation de rénovation à 4 millions», s’est félicitée Barbara Pompili.

On s’approche ainsi doucement mais sûrement d’une obligation généralisée de rénovation énergétique. Pour faire pression sur les propriétaires bailleurs, le gouvernement va s’appuyer sur le décret de décence qui établit la liste des caractéristiques minimales qu’un bien doit présenter pour être loué. Et notamment en matière de consommation d’énergie et d’émissions de CO2. Jusqu’à maintenant, le gouvernement s’était contenté de fixer une interdiction progressive d’ici 2028 de mise en location des passoires thermiques, c’est-à-dire les logements classés F ou G.

Un amendement porté par le rapporteur Mickaël Nogal et soutenu par l’exécutif prévoit d’étendre l’interdiction de mise en location aux logements étiquetés E à partir de 2034.  Si l’amendement est adopté, les bailleurs auront à partir de 2023, l’interdiction de louer des logements classés G dont la consommation est supérieure à 450 kWh par mètre carré et par an (600.000 logements). En 2028, l’interdiction concernera aussi les logements F (1,2 million de logements dont la consommation est comprise entre 331 et 450 kWh par mètre carré) et donc en 2034 les logements E (2,6 millions de logements qui consomment entre 231 et 330 kWh).

Un «accompagnateur rénov’» obligatoire!

La deuxième mesure annoncée par la ministre est la création d’un service d’accompagnement des ménages dans leur projet de rénovation. L’idée reprend la proposition formulée par le numéro deux de la Caisse des dépôts, Olivier Sichel, dans un rapport présenté en mars. Elle consiste à créer un statut «d’accompagnateur rénov», agréé par l’Etat. Une sorte de chef de projet qui aura pour mission de planifier et coordonner la rénovation en partant du diagnostic, en passant par les devis pour finir par le montage financier et le suivi du chantier.

Avec «l’accompagnateur rénov», le diable risque de se cacher dans les détails. Notamment, celui du recrutement, de la formation et des compétences de ce conseiller, de ces modes de rémunération, de ces éventuels conflits d’intérêt et de la mesure et du contrôle de ces performances. «Il pourra orienter les ménages vers les bons artisans et superviser les travaux», a déclaré presque naïvement Barbara Pompili.

On peut en tout cas parier que la bureaucratie française s’en donnera à cœur joie pour concocter le statut de cet accompagnateur. Il suffit d’attendre le décret. «L’idée, c’est que la mission d’accompagnement puisse s’exercer dès la promulgation de la loi. Ensuite, ces professionnels accompagnateurs feront l’objet d’un agrément de l’Etat, donc nous espérons une rapide montée en puissance», a déclaré Mickaël Nogal. On comprend déjà que l’agrément viendra après le début des missions…

Mais le plus problématique est que dès 2023 le recours à cet accompagnateur serait rendu obligatoire à partir d’un certain montant de travaux. Le rapport d’Olivier Sichel préconise de rendre l’accompagnement obligatoire à partir de 5.000 euros dépensé. Le coût de l’accompagnement est estimé à 1.200 euros par opération, ce qui semble faible. Et il sera financé par des aides…  pour les plus modestes.

Le retour du «prêt avance mutation»

Dernier point de la réforme, obtenir plus facilement le financements des travaux. En clair, tordre le bras aux banques pour qu’elles attribuent davantage de prêts aux ménages ne parvenant pas à payer le reste à charge. Cela concerne plus particulièrement les personnes n’ayant pas accès à l’emprunt et jugées insolvables. Selon les chiffres du rapport d’Olivier Sichel, pas moins de 62% des propriétaires de passoires thermiques ont plus de 60 ans et beaucoup sont jugés insolvables par les banques.

La solution existe avec le «Prêt avance mutation» ou Pam créé par la loi de transition énergétique de 2015. Encore une idée brillante… qui n’a jamais vu le jour dans les faits. Il permettait d’emprunter une somme, calibrée sur la valeur du bien à rénover, qui n’était remboursée qu’au moment de la revente du logement ou lors d’une succession. Le ménage emprunteur ne devait rembourser que les intérêts. Mais les banques n’étaient pas vraiment disposées à prendre un risque qu’elles ne pouvaient pas mesurer. Elles ne connaissaient ni la durée du crédit, ni la future valeur du bien. Le prêt avance mutation n’a donc jamais été distribué… Le gouvernement s’engagerait cette fois à apporter la garantie de l’Etat à ces prêts. Mais il faudra attendre le décret pour savoir à la fois quels sont les ménages éligibles et quelle part des prêts  bénéficiera de la garantie de l’Etat. Les «accompagnateurs rénov’» auront du travail.

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