Cherchez l’erreur. Dans un jugement soi-disant historique rendu le 3 février, le tribunal administratif de Paris a condamné les «manquements» de l’État français dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il serait ainsi responsable d’un préjudice écologique. Deux ans après le lancement de «l’Affaire du siècle», les quatre ONG requérantes (Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France) avaient crié victoire. Au passage, rappelons tout de même que l’impact climatique d’une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre par la France à l’horizon 2030 n’est pas mesurable en terme climatique à l’échelle de la planète. Cela reviendrait, en s’appuyant sur les calculs du GIEC sur l’impact d’un doublement des émissions de gaz de serre et ceux du physicien François Gervais, à limiter la hausse des températures de 0,0002° C!
Dans la même logique, il y a quelques jours, le 28 mars, une centaine de manifestations plus ou moins importantes dans toute la France ont été organisées par plusieurs organisations écologistes pour dénoncer le manque d’ambition de la loi climat et résilience examinée à l’Assemblé nationale.
La France juste derrière trois pays nordiques disposant d’atouts énergétiques uniques
Et pourtant, à en croire le classement mondial réalisé par la MIT Technology Review et baptisé Green Future Index, la France est le quatrième pays le plus vert au monde derrière l’Islande, le Danemark et la Norvège… Excusez du peu. Trois pays nordiques qui bénéficient d’atouts énergétiques uniques pour verdir leurs économies. A savoir, un potentiel géothermique sans équivalent pour l’Islande. Un potentiel éolien tout aussi exceptionnel pour le Danemark et un potentiel hydraulique pour la Norvège qui finance par ailleurs sa position de champion mondial des véhicules électriques en exportant… du pétrole et du gaz.
La France ne dispose pas de ses atouts naturels. Mais elle s’est dotée d’un programme nucléaire sans équivalent qui lui assure 90% de son électricité sans émission ou presque de gaz à effet de serre dont 70% grâce à l’atome. Et elle est d’ailleurs en train d’y renoncer… La France bénéficie aussi du fait que sa population achète surtout, pour des raisons de pouvoir d’achat, de petites voitures qui consomment peu.
Le Green Future Index du MIT (Massachusetts Institute of Technology) passe en revue 76 pays à partir de cinq critères: les émissions de CO2, la transition énergétique, la société verte, l’innovation verte et la politique climatique. Les pays qui sont les derniers du classement sont la Russie, l’Iran, le Paraguay et pour finir le Qatar qui sont considérés comme des «abstentionnistes du climat».
Le rapport considère l’année 2020 comme un «moment décisif» dans la réponse au changement climatique. «La Covid-19 a été la démonstration la plus spectaculaire de la force de la nature. Elle a d’un côté augmenté la prise de conscience de l’interconnexion entre les habitats, le climat, la santé humaine et la prospérité mondiale et de l’autre créé des circonstances uniques qui permettent aux gouvernements de reconstruire leurs économies en investissements dans les technologies vertes, les infrastructures, les transports et l’industrie.»
Sur les 20 premiers pays du classement Green Future Index, 15 sont européens. Les mieux classés qui ne sont pas situés en Europe, sont le Costa Rica, septième et la Nouvelle-Zélande huitième. Ils ont tout deux fait de «grands progrès», écrit le rapport, dans l’utilisation de renouvelables et la décarbonation de leurs industries et leurs agricultures. Par ailleurs, l’Irlande, la Corée du sud, Taiwan, l’Allemagne et la République Tchèque sont mis en avant en étant les leaders dans le monde des efforts de reforestation.
Les 16 derniers pays du classement, qualifiés dans le rapport d’«abstentionnistes», sont pour une bonne part des pays pétroliers et gaziers qui évidemment n’ont rien à gagner à la transition et la perçoivent comme une menace pour leur prospérité et leur modèle économique. On retrouve ainsi l’Arabie Saoudite, le Koweït, l’Algérie, la Russie, l’Iran, le Qatar. Il y aussi en bas du classement une autre catégorie de pays ou d’entités politiques qui politiquement et économiquement ont des priorités toutes autres à l’image de l’Ukraine, Hong Kong, la Turquie, le Bangladesh.
Les pays les plus avancés dans la transition en retireront de grands avantages économiques
Le MIT met en avant en conclusion deux éléments clés de la transition. D’une part, l’importance de la décennie qui commence et sera déterminante pour approcher en 2050 des objectifs massifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’autre part les avantages que vont obtenir les pays qui seront les plus avancés dans ce domaine. Les Etats-Unis viennent de comprendre cet enjeu avec l’annonce par le Président Joe Biden d’un plan d’investissement de 2 mille milliards de dollars sur huit ans.
«La décennie sera marquée par plusieurs transitions, vers des énergies propres, la décarbonation de l’industrie, l’arrivée à maturité des systèmes de taxe carbone et d’autres changements majeurs dans les transports, l’agriculture, la façon de s’alimenter et les normes sociales», écrit le MIT. Il souligne aussi que «si les économistes soulignent la difficulté de maintenir le système capitaliste traditionnel tout en passant à un modèle durable qui consiste à réduire plutôt que continuer à augmenter la consommation, il y a un aspect à cette transformation qui permet d’être optimiste. Il consiste à mettre l’accent sur les avantages compétitifs qui seront gagnés par les économies qui feront la transition le plus rapidement. Leurs entreprises seront les plus modernes, les plus avancées technologiquement et les mieux placées pour naviguer dans un nouvel environnement réglementaire et attirer les investissements et les talents. Dans l’avenir, vert sera synonyme de compétitivité».