Le niveau d’information de l’opinion en France sur l’énergie nucléaire, ces avantages et inconvénients, est assez catastrophique. On peut même parler de lavage de cerveau. On se souvient encore de ce sondage BVA de 2019 dont il ressortait dans l’esprit d’une grande majorité de Français (69%) que les centrales nucléaires contribuent au réchauffement de la planète. Ce qui est totalement faux. Les émissions de gaz à effet de serre des centrales nucléaires, qui posent d’autres problèmes, sont minimes. Elles correspondent à 12 grammes par kWh produit, l’équivalent de ce que rejettent dans l’atmosphère les éoliennes (11 grammes)! Et compte tenu du mode de fabrication des panneaux solaires, très coûteux en énergie et matières premières, ils rejettent quatre fois plus par kWh (45 grammes). Quand au gaz naturel, le niveau est de 490 grammes par kWh. Plus préoccupant encore, les moins bien informés parmi les Français étaient les plus jeunes. Toujours selon le sondage BVA de 2019, 86% des 18-34 ans interrogés jugeaient le nucléaire néfaste pour le climat!
On pouvait donc s’attendre logiquement, dix ans après l’accident de Fukushima, que l’image de l’énergie nucléaire soit particulièrement dégradée. EDF qui réalise depuis des années un sondage sur la perception qu’ont les Français de cette source d’énergie, avait bien mesuré l’impact de la destruction en mars 2011 de la centrale japonaise. En juillet 2011, la part des Français qui voyaient dans le nucléaire une énergie d’avenir avait brutalement dégringolé de 52% un an plus tôt à 34 %. Et 46% des personnes sondées se montraient résolument opposées à cette source d’énergie contre 34% en 2010.
Mémoire courte
Mais l’opinion a la mémoire courte et n’est pas à l’abri des contradictions. En 2021, selon la dernière vague du sondage réalisée en février, 43% des personnes interrogées estiment que le nucléaire est une énergie d’avenir, et 30% des sondés sont convaincus du contraire. Didier Witkowski, responsable des études à EDF, explique au Point en s’en félicitant que le niveau d’opposition n’a jamais été aussi bas depuis 1986, c’est-à-dire depuis la catastrophe de Tchernobyl qui contrairement à celle de Fukushima a été meurtrière. Si le tremblement de terre du 11 mars 2011 et le tsunami qui a suivi ont tué 19.000 personnes au Japon, l’accident de la centrale de Fukushima n’a fait directement et indirectement aucune victime selon les enquêtes de l’ONU, directe et indirecte via les radiations. Ce qui n’a pas empêché l’accident d’avoir un impact considérable sur le développement de l’énergie nucléaire au Japon et dans le monde. De nombreux pays ont gelé leur programme nucléaire civil ou décidé de renoncer à cette forme d’énergie, à l’image par exemple de l’Allemagne.
Mais il semble aujourd’hui que dans la perception des Français, la sécurité de l’approvisionnement électrique soit devenue une question majeure, d’autant plus que la transition énergétique signifie une utilisation accrue dans de nombreux domaines de l’électricité. D’après le sondage, pour 48% des personnes interrogées la garantie de fourniture est un argument fort en faveur du nucléaire (+ 2% en un an) et 46% apprécient également la souveraineté énergétique qu’il assure à la France (+ 5 %).