Cette fois, on ne pourra plus dire que les constructeurs automobiles pratiquent la langue de bois. Le nouveau patron de Renault, l’italien Luca de Meo, a dit tout haut ce que les constructeurs automobiles en Europe pensent tout bas depuis des mois. A savoir que pour des raisons électorales, par démagogie, par manque de courage ou par incompréhension et méconnaissance des enjeux énergétiques, environnementaux et industriels, les dirigeants des principaux pays européens et de l’Union Européenne sont en train de détruire leur industrie automobile pour des résultats presque inexistants.
Seuls Carlos Tavares, le Pdg de PSA, et certains dirigeants de BMW avaient dénoncé des réglementations inefficaces qui allaient mettre au tapis une des rares industries dans laquelle l’Europe est (était) encore dominante. Luca de Meo s’est en quelque sorte lâché à la fin de la semaine dernière lors de l‘émission Omnibus de la chaîne de télévision italienne La7.
Des mesures coûteuses et inefficaces
«Les aides à l’achat devraient accélérer le renouvellement du parc, mais cela ne se fait dans aucun pays», a commencé par expliquer Luca de Meo . «Ces mesures sont structurellement coûteuses, mais inefficaces parce que les gens gardent les voitures anciennes puisqu’elles sont de meilleure qualité», a-t-il ajouté.
Le nouveau Pdg ne remet pas en cause la nécessité de subventionner l’achat de véhicules électriques, car il faut compenser leurs coûts plus élevés à l’achat et le fait que leurs fonctionnalités sont inférieures à celle d’une voiture à moteur thermique. Mais selon le dirigeant italien, l’argent devrait être investi en priorité pour stimuler la recherche et l’innovation et permettre d’offrir ainsi de meilleurs véhicules à des prix plus compétitifs. Cela serait aussi le moyen de permettre à l’industrie automobile de retrouver son avance technologique et de ne pas être dépendante de fournisseurs asiatiques, notamment pour les batteries. Mais aujourd’hui, les subventions et les aides servent à permettre de vendre à tout prix des véhicules que les consommateurs n’achèteraient pas sans cela. Ce qui est une aberration économique et industrielle. L’économie dirigée qui oublie le marché et, les exemples ne manquent pas, conduit en général à la catastrophe.
Un problème social
Il ne faut pas perdre de vue que la transition vers les véhicules électriques est dictée par les gouvernements et l’UE, mais ne vient pas d’une demande des consommateurs ou même des constructeurs. Cela explique pourquoi les ventes de ces véhicules dépendent étroitement des subventions. Quand elles sont retirées brutalement, comme cela s’est fait au Danemark et à Hongkong, les ventes de véhicules électriques s’effondrent.
Luca de Meo a aussi souligné que ces subventions posent un vrai problème d’équité sociale. Elles financent généreusement avec de l’argent public l’acquisition de véhicules chers, hybrides ou purement électriques, qui sont achetés par des personnes ayant déjà un pouvoir d’achat élevés. Les subventions vont ainsi aux catégories les plus favorisées…
Pour le patron de Renault, non seulement il faut aider l’industrie européenne à innover, mais il faut encourager en priorité, pour avoir un vrai impact sur les émissions de gaz à effet de serre, l’achat de voitures d’occasions plus propres. «Malheureusement, ce sont des politiques que le régulateur et les pouvoirs publics ont du mal à accepter», reconnait-il.
Les bornes à la traîne
Autre problème mis en avant, celui du manque flagrant de bornes de recharge. Les pouvoirs publics ne tiennent pas leurs promesses et ne développent pas les infrastructures indispensables pour accompagner le développement de véhicules électriques qu’ils imposent et subventionnent par ailleurs. «La vérité est que, surtout ces derniers mois, le nombre de présentations de nouvelles voitures électriques par les constructeurs va plus vite que le développement des infrastructures», affirme Luca de Meo.
Il est inquiet. «Bientôt, nous allons vendre beaucoup de voitures électriques, mais nous ne pourrons pas les recharger. Ce que je demande, c’est une accélération et nous devrons trouver toutes les solutions dans un écosystème, car ce sera un travail d’équipe».