Elon Musk, le génial, fantasque et controversé fondateur et patron de Tesla n’en est pas à son premier coup de communication pour renverser une situation devenue compliquée à Wall Street. On allait voir ce qu’on allait voir et Tesla promettait depuis des semaines avec le «Battery Day» (jour de la batterie) la révolution en matière de batteries.
Un coup de communication raté
Plusieurs médias en ligne notamment américains, qui relayent fidèlement et depuis longtemps la propagande de Tesla, annonçaient monts et merveilles. Par exemple, une batterie d’une durée de vie de plus de dix ans ou capable de faire plus d’un million de kilomètres et même plus d’un million de miles… Une voiture électrique à un prix inférieur à son équivalent avec un moteur à essence. Il n’y a rien eu de tout cela. Et le coup de communication est plutôt raté.
Le constructeur américain de voitures électriques a surtout dévoilé le 22 septembre sa nouvelle stratégie pour réduire le coût de ses batteries et donc de ses véhicules. Mais déçus par des annonces qui n’avaient rien de révolutionnaires et rien d’immédiat, les investisseurs ont à nouveau sanctionné l’entreprise en Bourse.
Le diagnostic fait par Tesla est incontestable. La rentabilité des voitures électriques se joue avant tout sur les batteries. Elles représentent environ 40% de la valeur du véhicule et sont le composant technologiquement le plus important pour ces performances. C’est pourquoi les constructeurs automobiles européens dépendants de leurs fournisseurs de batteries asiatiques sont dans une situation concurrentielle si difficile.
Des innovations à venir… dans plusieurs années
Mardi 22 septembre, Tesla a promis de diviser par deux en moins de trois ans le coût des batteries qu’il produit notamment avec son partenaire japonais Panasonic ce qui lui permettra d’être rentable durablement et d’élargir ses parts de marché. Mais Elon Musk a souvent fait dans le passé des promesses qu’il a été incapable de tenir. Au moins dans les délais annoncés.
En 2023, «nous pourrons produire une voiture à 25.000 dollars qui sera fondamentalement comparable, ou peut-être même un peu meilleure, qu’une voiture à essence similaire», a-t-il déclaré. Et il a surenchéri en annonçant que ce véhicule sera complètement autonome… Aujourd’hui, le modèle le moins cher de la gamme Tesla le Model 3 de base, est vendu 37.990 dollars.
Pour construire la Tesla de milieu de gamme, le model 2, le constructeur annonce pouvoir réduire de 50% le coût de construction des batteries et entend en faire un élément structurel de la voiture pour diminuer son poids. Tesla annonce aussi pouvoir se passer du cobalt. Le cobalt est aujourd’hui indispensable car il permet d’obtenir la densité énergétique nécessaire pour que les batteries permettent d’alimenter les moteurs électriques pendant quelques centaines de kilomètres.
La nouvelle technologie qu’a choisi Tesla est celle dite au lithium iron phosphate (LFP). Ces batteries seront fabriquées par le groupe chinois CATL. Elles seront notamment utilisées dans les Tesla model 3 construites dans la nouvelle usine de Shanghai du constructeur californien et ne diminueront pas leurs performances. Tesla ne cesse de réduire la quantité de Cobalt utilisée dans ces batteries. Elle serait passée de 11 kilos en 2009 à 4,5 kilos en 2018. Mais cette fois, le cobalt disparait.
L’autre avancée technologique de Tesla concerne le nombre de cycles de recharge que peut supporter une batterie tout au long de sa vie. Les batteries actuelles ont une durée de vie de 1.000 à 1.500 cycles de décharge-recharge. Une nouvelle technologie brevetée par Tesla permettrait près de 4.000 cycles. Il s’agirait notamment d’un changement de nature de la cathode de la batterie faite à partir d’un cristal unique et non plus à partir d’un assemblage poly cristallin.
Peu de tangible
Problème, la plupart des innovations promises n’atteindront pas «une réelle production de masse avant 2022»… dans le meilleur des cas. Par ailleurs, la stratégie de Tesla avec les fournisseurs de batteries est pour le moins ambigüe. Tesla souhaite fabriquer ses propres cellules de batterie plus performantes, mais va continuer à travailler étroitement avec ses fournisseurs actuels à savoir Panasonic, le sud-coréen LG Chem et le chinois CATL. «Même si nos fournisseurs de cellules vont à leur vitesse maximale, nous prévoyons toujours des pénuries importantes en 2022 et au-delà, à moins que nous n’agissions nous-mêmes», a prévenu Elon Musk.
Conséquence, l’action Tesla a perdu 5,6% le 22 septembre et encore plus de 10% le 23 septembre. Ce qui ne l’empêche pas d’afficher une progression spectaculaire de plus de 300% depuis le début de l’année. Mais la phase de pure spéculation et d’exubérance irrationnelle autour de Tesla semble se terminer. L’action Tesla a même été qualifiée de «plus dangereuse de Wall Street» il y a quelques jours par David Trainer, qui dirige le groupe New Constructs spécialisé dans l’analyse financière des sociétés. «Rien de ce dont Musk a parlé à propos des batteries n’est acquis. Il n’y avait rien de tangible», a pour sa part expliqué à l’agence Reuters, après les annonces du 22 septembre, Craig Irwin, analyste chez Roth Capital Partners.
Tesla qui construit deux nouvelles usines à Austin au Texas et à Berlin en Allemagne annonce pouvoir livrer 500.000 voitures cette année, une augmentation de 36% par rapport à 2019 et cela en dépit de la crise sanitaire. À terme, l’entreprise a aussi déclaré avoir l’ambition de produire pas moins de… 20 millions de véhicules par an. Mais qui peut accorder du crédit à une telle annonce? Le premier constructeur automobile du monde en 2019, Volkswagen, en a commercialisé 11 millions. Il est vrai qu’avec Elon Musk tout est possible. Il a bien envoyé sa Tesla roadster dans l’espace.