Avec l’hydrogène, le gouvernement affiche le zèle des nouveaux convertis. Il a présenté mardi 8 septembre un plan ambitieux de développement en France d’une filière d’hydrogène vert, produit sans émissions de gaz à effet de serre, allant de la production à la distribution et à l’utilisation, notamment dans les transports.
L’objectif premier du plan est de développer les mobilités lourdes à hydrogène: les véhicules utilitaires, les poids lourds, les trains mais aussi les avions (voir l’image ci-dessus). «Il faut qu’en 2035 nous ayons réussi à avoir un avion qui puisse fonctionner à l’hydrogène, un avion neutre en carbone, et l’hydrogène est probablement l’option la plus prometteuse», affirme Bruno Le Maire. Cela fait déjà plusieurs semaines que le ministre de l’économie a été séduit par l’avion à hydrogène.
Un virage total en moins de six mois
Du côté des transports routier et ferroviaire, le ministre se félicite que: «nous avons des entreprises à la pointe de l’innovation. Je pense en particulier aux bus à hydrogène développés par Safra, […] à Alstom et à la SNCF qui ont pour projet de développer un train à hydrogène sur des rails non électrifiés». Il a mentionné également les réservoirs à hydrogène de Faurecia, les piles à combustible de Symbio, les électrolyseurs de McPhy.
Quel virage en moins de six mois! Jusqu’au début de l’année, les pouvoirs publics étaient hostiles ou au mieux indifférents à l’hydrogène vert. La PPE, la fameuse Programmation pluriannuelle de l’énergie, rendue publique en avril pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 fait à peine allusion à l’hydrogène. Aujourd’hui, la France entend rivaliser avec l’Allemagne et son plan d’investissement public de 9 milliards d’euros. A la fin de l’année dernière, Peter Altmaier, ministre de l’Economie, déclarait déjà: «nous devons poser les jalons pour que l’Allemagne devienne le numéro un mondial des technologies de l’hydrogène». Mais cela ne se fera pas sans la France.
Bruno Le Maire, monsieur hydrogène
Tel est en substance le message du gouvernement français. Dès 2021, il souhaite construire un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur l’hydrogène, semblable à l’Airbus des batteries. «Il s’agit notamment de faire émerger en France des projets de «gigafactory» d’électrolyseurs… Ce projet pourra également concerner l’industrialisation d’autres briques technologiques (piles à combustible, réservoirs, matériaux…), dans une logique d’intégration de la chaîne de valeur au niveau européen».
Bruno Le Maire, monsieur hydrogène, annonce la mise en place d’un comité national de l’hydrogène qu’il présidera constitué de l’ensemble des industriels. «Il devra suivre l’état d’avancement des investissements, s’assurer de la réalisation industrielle, s’assurer de la formation et de la qualification des salariés et garantir la création d’emploi sur notre territoire».
Au passage, Bruno Le Maire dénonce le contre-exemple de la stratégie de la filière photovoltaïque. Il aurait pu s’abstenir. Il oublie qu’elle s’est effondrée en France… quand l’Etat a cessé de la soutenir. «Cela se solde par un coût budgétaire prohibitif, par le déclassement industriel de notre pays et par le financement de l’industrie chinoise», a-t-il expliqué.
Recherche, développement, formation, appels à projets
Mais cette fois, l’Etat met le paquet. Le montant du plan hydrogène est de 3,4 milliards d’euros pour la période 2020-2023 dont 2 milliards compris dans le plan de relance 2021-2022. Mais, d’ici à 2030, le soutien public pour cette filière pourrait s’élever au total à 7,2 milliards d’euros. Le gouvernement se fixe pour objectif d’atteindre 6,5 GW de capacité de production d’hydrogène décarboné par électrolyse d’ici à 2030. C’est un chiffre important. Il représente 10% de la puissance électrique nucléaire installée.
Pour Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, l’objectif est de «construire une filière française de l’hydrogène décarboné de portée internationale. À la clef : une économie de plus de 6 millions de tonnes de CO2 par an dès 2030, soit l’équivalent des émissions annuelles de CO2 de la ville de Paris.»
Elle a précisé que 1,5 milliard d’euros seront dédiés au développement de projets industriels et notamment à la production d’électrolyseurs en France. L’État souhaite également accélérer la recherche et développement. Un programme prioritaire de recherche sera lancé en 2020 avec un budget de 65 millions d’euros pour «préparer la future génération des technologies de l’hydrogène (piles, réservoirs, matériaux, électrolyseurs…)». La formation et l’enseignement recevront en outre 30 millions d’euros pour le renforcement des compétences dans la filière.
Enfin, l’Ademe va lancer en septembre deux appels à projets. L’un doté de 350 millions d’euros jusqu’en 2023 pour développer et améliorer les composants et les systèmes dédiés à la production et au transport d’hydrogène. L’autre, doté de 275 millions d’euros jusqu’en 2023, pour soutenir le déploiement «d’écosystèmes territoriaux de grande envergure mixant tous les usages (industrie diffuse et mobilité)», détaille Barbara Pompili.