Aller vers de plus en plus d’électricité produite par des sources d’énergies dites renouvelables est en quelque sorte le sens de l’histoire. D’autant plus qu’en termes de coûts, elles deviennent réellement compétitives, notamment le solaire. Ceci dit, cela ne retire rien à leurs inconvénients. A savoir, leur caractère intermittent et aléatoire qui contraint à avoir en permanence des sources de production d’électricité dites pilotables pour faire face à la demande, qu’elles soient hydraulique, nucléaire ou fossiles (charbon et gaz). Cela a un coût élevé et explique pourquoi les pays et les Etats qui ont investi lourdement dans les renouvelables ont vu le coût de leur électricité fortement augmenter comme l’Allemagne ou la Californie, par exemple.
Les panneaux solaires et les éoliennes n’aiment pas la canicule
Un autre problème avec l’électricité renouvelable est qu’on en a toujours trop peu ou trop. Ainsi, pendant les périodes de forte chaleur, leur production est en général réduite. L’éolien et le solaire sont confrontés pendant les canicules à de réelles difficultés techniques. Les éoliennes sont victimes de l’absence de vent qui accompagne les périodes de fortes chaleurs et les panneaux photovoltaïques voient leurs performances se dégrader avec l’élévation de leur température de surface.
Ainsi, le 7 août dernier à 18 heures, quand le seuil des 40°C a été dépassé dans une partie du pays, les 8.000 éoliennes françaises ont fourni à peine 690 MW, soit 1% de la consommation nationale d’électricité qui s’élevait à cet instant à 47.781 MW. Pour les panneaux photovoltaïques, le problème est tout aussi sérieux. Si le rayonnement solaire fait fonctionner les panneaux, la chaleur détériore leurs performances et il est difficile de les refroidir. L’explication simple est que plus la température est élevée, plus les photons traversent les cellules photovoltaïques arrachant au passage des électrons aux atomes de silicium et réduisant la production d’électricité.
Sous des températures ambiantes de 35 degrés, les cellules peuvent atteindre 80 degrés en surface et perdre jusque 30% de leur rendement. Un panneau photovoltaïque dont la température de surface dépasse 25 degrés perd 0,45% de rendement par degré supplémentaire.
La Californie condamnée aux coupures de courant
C’est un phénomène qu’on retrouve aujourd’hui en Californie qui connaît des températures extrêmes, dépassant dans certains endroits 50 degrés. Elles mettent à mal le réseau électrique. Les nombreux possesseurs de Tesla ont ainsi vu sur leur tableau de bord s’afficher un message les incitant à modérer l’utilisation de leur voiture. S’ils souhaitent recharger leur batterie, Tesla les invite à le faire dans les stations dédiés et pas chez eux, ou à se brancher à leur domicile mais dans l’après-midi et pas la soirée et la nuit, lorsque la demande en énergie est moindre
La Californie a décidé d’abandonner le nucléaire et de faire le pari du renouvelable, qui produit environ un tiers de l’électricité via d’immenses champs de panneaux solaires et d’éoliennes qui couvrent certains endroits peu peuplés, comme le désert Mojave à l’est de l’Etat. Mais le système énergétique californien est à la peine. Non seulement la canicule affecte la production, peu de vent et des performances réduites des panneaux photovoltaïques, mais la consommation augmente avec l’usage massif des climatiseurs. Les opérateurs ont ainsi du procéder à des coupures de courant d’urgence pour éviter un effondrement du réseau sans prévenir les consommateurs. Le paradoxe est que le système électrique californien tient aujourd’hui grâce aux centrales à gaz, une source mobilisable à la demande, à l’image des centrales à charbon allemandes.
Les réseaux électriques autant fragilisés par la sous-production que la surproduction
Le problème avec les renouvelables est que leur production est aussi parfois trop abondante, quand il y a beaucoup de vent et un ensoleillement important. Les réseaux se retrouvent ainsi avec trop d’électricité renouvelable dont ils ne savent pas quoi faire et qu’il est aujourd’hui difficile et coûteux de stocker. Cette fois l’exemple vient du Royaume-Uni. Durant le confinement, la consommation d’électricité, comme dans de nombreux autres pays dans le monde, a baissé de 20% et parfois plus. A tel point qu’en mai dernier, le réseau national électrique a demandé à de nombreux producteurs de couper en urgence l’alimentation provenant de fermes éoliennes et solaires qui présentait «un risque significatif de disruption de la sécurité de l’approvisionnement». La surabondance d’électricité renouvelable risquait de provoquer un blackout et un effondrement de tout le système électrique du pays.
Tous les pays et les Etats qui ont les premiers investis massivement dans les renouvelables, la Californie, l’Allemagne, le Danemark se sont rendus compte que contre intuitivement, trop d’électricité éolienne et solaire, intermittente et aléatoire, dont on ne peut programmer et gérer précisément le niveau de production, pose un sérieux problème à la solidité de leurs réseaux. Ce qu’a mis en avant à plusieurs reprises l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
La seule solution est de développer des moyens de stockage de l’électricité
«Les opérateurs des réseaux électriques doivent constamment balancer en temps réel l’offre et la demande. Les gens pensent généralement que les coupures de courant se produisent quand la demande est supérieure à l’offre. Mais de fait, certains des blackouts récents les plus spectaculaires se sont produits pendant des périodes de faible demande», écrivait en mars dernier Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’AIE.
«Une part importante de vent et de solaire dans la production rend plus difficile le maintien de la stabilité du réseau… Cela illustre la nécessité pour les décideurs politiques d’évaluer soigneusement le potentiel disponible de sources flexibles dans les conditions extrêmes… Les réseaux électriques sont plus vulnérables que les pipelines aux évènements climatiques extrêmes -une considération vitale pour les pouvoirs publics quand ils planifient une part grandissante de l’électricité dans les systèmes énergétiques», ajoutait-il.
Dans un entretien accordé à Transitions & Energies, Vaclav Smil, un des plus grands experts de la transition énergétique, expliquait plus brutalement: «plus de la moitié de la population mondiale se concentre dans les grandes villes et de plus en plus dans les méga cités. Les renouvelables ne sont pas capables de les alimenter de façon durable. Imaginez la métropole de Tokyo, 39 millions d’habitants, face à un typhon de trois jours. Les éoliennes ne fonctionnent pas, il y a trop de vent. Il y a très peu de soleil…».
Pour être stables, les réseaux électriques doivent être en permanence à l’équilibre entre offre et demande. Cela signifie que promouvoir et subventionner les renouvelables n’a de sens et d’efficacité à long terme qu’en se donnant les moyens de stocker une partie de leur production. Cela se fait en utilisant l’électricité en surabondance pour remplir les barrages via des pompes électriques et réutiliser ensuite l’eau accumulée dans les réservoirs pour produire de l’électricité quand cela est nécessaire. Les batteries peuvent servir d’appoint, mais elles ne sont pas à l’échelle des besoins des réseaux électriques et leur coût environnemental fait qu’il s’agit d’une voie irréaliste. La production annuelle mondiale de lithium ne permettrait même pas de fabriquer le nombre de batteries nécessaire pour stocker une semaine de consommation d’électricité française.
Le pari de l’hydrogène vert
Voilà pourquoi l’hydrogène vert, produit par électrolyse avec de l’électricité bas carbone, bénéficie aujourd’hui d’autant d’intérêt et d’investissements massifs en Allemagne, en Chine, au Japon, en Corée du sud, en Australie… C’est parce qu’elle a compris les limites de sa révolution énergétique, Energiewende, que l’Allemagne investit aujourd’hui 9 milliards d’euros pour créer une filière d’hydrogène propre.
Berlin a misé massivement et depuis plusieurs décennies sur la production d’électricité renouvelable, notamment éolienne et solaire, mais se heurte au caractère intermittent et aléatoire de cette production. Cela contraint le pays à avoir en permanence des centrales capables de prendre le relais, dites pilotables, pour faire face en temps réel à la demande. Et comme l’Allemagne a décidé d’abandonner le nucléaire, les centrales pilotables fonctionnant au charbon et au lignite émettent des quantités considérables de gaz à effet de serre. L’Energiewende n’apporte donc pas les résultats escomptés. Berlin a bien annoncé la fin du charbon dans deux décennies, mais en remplaçant les centrales à charbon par des centrales à gaz… A moins que l’hydrogène change l’équation.
Comme l’explique à l’agence Bloomberg Fabian Huneke, un expert de Energy Brainpool: «l’hydrogène n’est pas une solution miracle, mais elle est la meilleure disponible aujourd’hui… Vous ne pouvez pas construire un système énergétique avec plus de 70% de renouvelables sans hydrogène».