Renationaliser EDF pour lui éviter la faillite 

29 mai 2019

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Centrale EDF Belleville
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Renationaliser EDF pour lui éviter la faillite 

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À la demande de l’État, la direction d’EDF travaille sur une refonte totale du groupe public. Cette transformation radicale porte le nom de code d’Hercule. On ne pouvait choisir meilleure façon d’illustrer l’ampleur de la tâche. Il s’agit de totalement réorganiser EDF et d’apporter une sécurité financière de long terme au géant électrique français pour […]

À la demande de l’État, la direction d’EDF travaille sur une refonte totale du groupe public. Cette transformation radicale porte le nom de code d’Hercule. On ne pouvait choisir meilleure façon d’illustrer l’ampleur de la tâche. Il s’agit de totalement réorganiser EDF et d’apporter une sécurité financière de long terme au géant électrique français pour lui permettre de gérer la transition énergétique. Le comité stratégique du conseil d’administration d’EDF s’est réunit mardi 28 mai pour examiner les premières pistes. Le 7 juin, les 300 cadres dirigeants de l’entreprise seront consultés et ce sera au tour des organisations syndicales le 20 juin.

La feuille de route a été donnée par Emmanuel Macron au président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, dont le mandat vient d’être renouvelé pour quatre ans. L’idée directrice est d’isoler la production nucléaire et ses risques financiers du reste du groupe. Cette entité nucléaire pourrait aussi comprendre l’hydroélectrique (les barrages) et serait renationalisée. Il faudra alors que l’Etat débourse environ 8 milliards d’euros pour racheter leurs actions aux investisseurs privés.

Une autre entité serait créée et comprendrait les énergies renouvelables restantes (éolien, solaire, biomasse et géothermie), les réseaux (Enedis), les services énergétiques et le commerce. Délestée du risque nucléaire et des dettes, cette seconde entité propriété de la première, serait introduite en Bourse où sa valorisation devrait être supérieure à celle d’EDF aujourd’hui (38 milliards d’euros).

«Nous pourrions dissocier les activités de production centralisées du reste du groupe avec deux bilans à l’intérieur d’un seul groupe qui restera intégré, et nous pourrions ainsi recréer des marges de manœuvre pour lever de la dette et investir dans les énergies renouvelables d’une part, dans le nucléaire d’autre part», expliquait Jean-Bernard Lévy le 16 mai dans une entretien au Figaro.

Car si l’électricité nucléaire permet à la France d’être l’un des pays industrialisés les plus vertueux en matière d’émission de CO2, il s’agit d’une charge financière presque impossible à supporter par une entreprise tant elle représente de dette et d’investissements à réaliser. La dette d’EDF est de 33,4 milliards d’euros. Elle atteint 70 milliards si on intègre les engagements hors bilan. La dette se creusait au cours des dernières années au rythme de 4 milliards d’euros par an. L’Etat a fait des efforts pour stabiliser provisoirement la situation en apportant 3 milliards via une augmentation de capital et en acceptant depuis 2016 de recevoir 5 milliards de dividendes en titres et non en liquidités. Des cessions d’actifs pour 10 milliards et un plan d’économies d’un milliard par an ont évité le pire. Mais cela a permis seulement de gagner du temps. EDF fait face à un mur d’investissements de 100 milliards d’euros avec la prolongation inévitable de la durée de vie des centrales de quarante à cinquante ans, voire soixante ans. La renationalisation est devenue la seule solution. Le coût de l’énergie nucléaire redeviendra ainsi une dépense publique.

D’autant plus qu’EDF a d’autres problèmes encore plus immédiats à commencer par celui de la construction de l’EPR de nouvelle génération de Flamanville. Le retard atteint maintenant dix ans… et les surcoûts 6 milliards d’euros. Des soudures défectueuses pourraient encore rallonger les délais et alourdir la note… Il faut y ajouter les 15 milliards engagés dans la construction de la centrale nucléaire d’Hinkley Point (Royaume-Uni).

Le nouvel EDF devra voir le jour avant la présidentielle de 2022 et sans doute dès 2021. C’est en effet en 2021 que le gouvernement devra prendre une décision sur le lancement d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires. Jean-Bernard Lévy doit remettre des propositions au gouvernement avant la fin de l’année. Lors de l’assemblée générale du 16 mai, le Pdg d’EDF a affirmé qu’il ne s’agissait «en aucun cas un démantèlement». Le statut très privilégié des agents d’EDF dont bénéficie les deux tiers des salariés ne sera pas remis en cause. Mais EDF se trouve clairement à un tournant de son histoire et doit devenir un véritable instrument de la transition énergétique.

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