Outre les souffrances qu’elle inflige et infligera, la pandémie de Covid-19 a créé, via le confinement des économies, une récession mondiale sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Elle se traduira, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), par une baisse de 4,9% cette année de la richesse mondiale. Les organismes économiques internationaux, publics et privés, multiplient en réponse les rapports, les recommandations, les conseils aux gouvernements pour les aider à relancer les économies. Le World Economic Forum (WEF) est de ceux-là et prône depuis des mois une relance axée sur la transition énergétique.
Il vient encore de le faire dans un volumineux rapport de 110 pages rendu public le 15 juillet. Ces conclusions sont «qu’il n’y a pas d’avenir à continuer comme si de rien n’était», mais qu’en faisant les bons choix et les bons investissements l’avenir peut être radieux… En se focalisant sur des actions et des solutions «favorables à la nature», les entreprises pourraient exploiter une opportunité commerciale de 10.100 milliards de dollars (8.830 milliards d’euros) et participer à la création de 395 millions d’emplois d’ici à 2030.
Cela nécessitera dans la décennie qui vient 2.700 milliards de dollars d’investissements. «Cela représente beaucoup d’argent, mais il faut le comparer au plan de relance américain de 2.200 milliards de dollars ou au 3.300 milliards de dollars qui pourraient être perdus par l’industrie du tourisme», écrit le WEF. Il distingue trois domaines clés. Celui de l’énergie et des ressources naturelles, celui des infrastructures et des bâtiments et celui de l’alimentation, de la terre et des mers.
Ce qu’il faut faire dans l’énergie et les ressources naturelles
«L’énergie que nous produisons et ce que nous extrayons représentent près d’un quart du PIB mondial et 16% de l’emploi mondial», écrit le WEF. «La demande d’énergie augmentant, 87 millions d’emplois et 3.500 milliards de dollars d’opportunités commerciales pourraient être créés d’ici 2030». Comment? Le World Economic Forum recommande les investissements suivants.
D’abord, l’amélioration des techniques d’extraction et de récupération des ressources pourrait permettre d’économiser 225 milliards de dollars et de réduire leur consommation d’eau de 75% au cours de la prochaine décennie. «De nouvelles technologies et une mécanisation accrue pourraient améliorer les taux de récupération des matériaux jusqu’à 50%», précise le rapport.
Les perspectives offertes par les énergies renouvelables sont considérables et pourraient créer 650 milliards de dollars d’opportunités économiques et des retours sur investissement de plus de 10 % d’ici à 2030. «Les plans de relance liés à l’énergie solaire et aux autres énergies renouvelables commercialisées peuvent générer des millions de nouveaux emplois», estime le rapport. «L’énergie solaire, sans subvention, correspond aux coûts des combustibles fossiles dans plus de 30 pays et devrait être moins chère que le charbon en Chine et en Inde d’ici 2021.»
Dans les transports et plus particulièrement l’automobile, la mise en place de modèles circulaires, c’est-à-dire de récupération et de réutilisation de pièces, permettrait l’économie de 870 milliards de dollars. «La remise à neuf et la réutilisation de certaines pièces automobiles, telles que les boîtes de vitesse, conservent plus de valeur et consomment moins d’énergie que le recyclage».
Dans les infrastructures et les bâtiments
Autre domaine privilégié par le WEF, les infrastructures et les habitations et immeubles. La construction de bureaux, de logements, d’équipements collectifs et d’infrastructures de transports représente environ 40% du PIB mondial! «Les solutions favorables à la nature pourraient créer 117 millions de nouveaux emplois et 3.000 milliards de dollars de revenus supplémentaires ou d’économies d’ici 2030», affirme le rapport. Il met en avant la nécessité d’investir dans des bâtiments dits «intelligents», en modernisant ceux qui existent et en truffant de technologies les nouvelles constructions. cela pourrait permettre d’économiser jusqu’à 825 milliards de dollars d’ici à 2030.
Le WEF est plus précis en citant plusieurs moyens de faire ces économies d’énergies. La multiplication de l’usage des LED et l’utilisation de la lumière naturelle permettraient d’économiser, à elles seules, 650 milliards de dollars… Utiles pour aérer, réduire la pollution, éviter les inondations et produire de la nourriture, Les toits verts, c’est-à-dire qui pourraient accueillir des cultures, produire de la nourriture, réduire la pollution et éviter les inondations pourraient voir leur marché augmenter de 12% par an, pour atteindre 15 milliards de dollars en 2030.
L’utilisation de «capteurs intelligents» pour détecter et éviter les fuites dans les réseaux d’eau urbains permettraient d’économiser jusqu’à 115 milliards de dollars, toujours dans les dix prochaines années. Enfin, avec 305 milliards de dollars de revenus supplémentaires, le marché mondial de la gestion de déchets «pourrait doubler en 10 ans avec les bons investissements en Asie du Sud, en Asie de l’Est et en Afrique subsaharienne».
Dans l’agriculture, pour la terre et les mers
Dernier domaine, et non des moindres, la production d’aliments et de textiles, qui représente 12% du PIB mondial et emploie jusqu’à 40% de la main d’œuvre mondiale. «Les solutions favorables à la nature peuvent créer 191 millions de nouveaux emplois et 3.600 milliards de dollars de revenus supplémentaires ou d’économies d’ici 2030».
Pour y arriver, il faut diversifier les régimes alimentaires, avec plus de légumes et de fruits, et moins de viandes, optimiser les stocks de poissons ou encore recycler les vêtements. Le Forum souligne que les produits animaux fournissent 18% des calories mais occupent 80% des terres agricoles et émettent 58% des gaz à effet de serre de l’ensemble de l’agriculture. Il met aussi en avant l’amélioration technologique considérable qui peut être réalisée dans les grandes exploitations agricoles. pour produire mieux et même plus.
«Plus de 4,3 millions d’emplois et 195 milliards de dollars d’opportunités commerciales pourraient provenir des technologies d’agriculture de précision d’ici 2030… Avec une amélioration attendue de 40% des rendements, les investissements pourraient générer des rendements supérieurs à 10%.»
Une feuille de route pour les gouvernements
Non content de montrer la voie vers un monde d’après la pandémie plein de promesses, le Forum économique mondial donne aussi des clés aux différents gouvernements pour entraîner cette transformation. Il s’agit d’un document complémentaire qui explique la meilleure manière d’inciter les entreprises à changer de comportement via six mesures majeures.
Elles comprennent notamment «une meilleure mesure des performances économiques au-delà du PIB, des incitations à l’innovation, l’amélioration de la planification spatiale et de la gestion des actifs marins et terrestres, la suppression des subventions qui mettent en péril la stabilité de l’emploi à long terme, l’investissement dans la reconversion et un soutien financier accru pour les solutions naturelles».
Comme toujours avec les plans grandioses, ils semblent trop beaux pour être vrais et trop théoriques, systématiques et éloignés des réalités économiques, financières, sociales et politiques. Les pistes proposées sont réelles, mais considérer que la planète dans son ensemble peut les suivre massivement a une dimension de pensée magique.