Les ventes de voitures électriques semblent sur le point de décoller en France depuis le début de l’année, même si la pandémie fausse les comparaisons statistiques. En tout cas, leur part de marché est passée de 1,8% au premier semestre de 2019 à 6,3% au premier semestre de 2020. Mais le succès à moyen et long terme de ses véhicules dépendra de la satisfaction des utilisateurs et donc, notamment, de l’accès facile à des bornes de recharges. Il en faut rapidement en plus grand nombre. Il faut qu’elles soient capables de délivrer une forte puissance électrique pour une recharge rapide. Il faut enfin qu’elles soient facilement utilisables par l’ensemble des utilisateurs de véhicules électriques à batteries.
Pas de succès durable des voitures électriques sans infrastructures de recharge à la hauteur
A la question toute bête, qu’est-ce qui doit exister en premier, les voitures électriques ou les bornes pour les recharger? La réponse faite par la plupart des experts est la suivante: avant tout les infrastructures!
Cela signifie que la France a beaucoup à faire et des investissements importants sont nécessaires et vite. Le nombre de bornes est bien trop faible et le réseau électrique n’est pas à même d’apporter la grande puissance nécessaire à la recharge rapide. En février, EDF a pris la décision surprenante, pour des raisons de sécurité, de fermer définitivement 189 des 217 bornes de recharge rapides de son réseau autoroutier! L’exemple, une fois encore, vient d’Allemagne puisqu’Angela Merkel a promis d’installer un million de bornes dans le pays d’ici 2030.
Une des premières choses à faire, impérativement, est d’imposer une norme pour les bornes, les protocoles de connexion des véhicules, les badges, les systèmes de paiement… qui rendrait les points de recharge existant au moins utilisables et accessibles à tous. Car recharger un véhicule électrique représente encore souvent un parcours du combattant. Ce reportage hilarant en est une démonstration. Sans parler de certaines pratiques d’un autre âge de réseaux régionaux qui imposent de se faire enregistrer des semaines à l’avance pour obtenir une carte d’accès… Le modèle, c’est évidemment Tesla et ses Superchargeurs que le constructeur américain a implanté pour assurer ses consommateurs de pouvoir recharger leurs véhicules.
Un comité ad hoc
Les choses ont l’air de commencer à bouger avec la naissance il y a quelques semaines d’un comité ad hoc, le Comité d’initiative pour la recharge de nouvelle génération. Ces membres ont signé un protocole dont l’Avere, l’association nationale pour le développement de la mobilité électrique. Cette dernière est de fait un organe de lobbying et de propagande, mais elle a bien compris que si le réseau de bornes ne suit pas le développement du marché, la voiture électrique court à la catastrophe. «Par les subventions que nous versons à l’installation des bornes de recharge, nous pouvons influer le choix de la technologie. Ainsi, nous comptons mettre en place dans le cahier des charges donnant lieu à subvention la conformité à la norme ISO 15118», explique à Challenges Joseph Beretta, le Président de l’Avere.
La norme ISO 15118 a pour objet de normaliser les communications entre toutes les bornes et les véhicules. Elle devrait permettre théoriquement de rendre très facile la recharge de n’importe quelle voiture électrique.
Vous avez dit harmonisation européenne
Voilà pour la promesse. Car il y a encore de nombreux obstacles à franchir. Sur le plan technique, la norme ISO 15118 ne présente pas de difficultés majeures. Il s’agit avant tout de mettre tout le monde d’accord, les opérateurs et les constructeurs, notamment en ce qui concerne les protocoles de cybersécurité. Mais il ne servira à rien de créer une norme franco-française sur un marché de la recharge qui est au moins à l’échelle européenne. La nécessité de l’harmonisation est comprise par tous, mais cela va prendre du temps. Rien ne se fera, au mieux, avant 2023…
Cela signifie que la génération actuelle des véhicules électriques n’en bénéficiera pas. Les acheteurs auront peut-être droit dans quelques années à des mises à jour. L’accès au réseau de bornes de recharge restera encore, au moins trois ans, avec l’autonomie des véhicules et leur coût à l’achat, l’un des obstacles au développement de la voiture électrique.
Les exemples allemands et anglais
En attendant l’harmonisation européenne, la France pourrait déjà s’inspirer de ses voisins. Outre l’Allemagne et son million de bornes, le Royaume-Uni donne aussi l’exemple. Il vient d’imposer l’installation d’un terminal de paiement par carte bancaire sur chaque nouvelle borne. Pourquoi faudrait-il une carte de paiement spécifique?
L’enjeu des bornes est l’accès et la facilité d’utilisation, mais aussi la qualité de l’infrastructure. Si une borne sur deux est en panne et s’il faut huit heures pour recharger une batterie à 70%, l’accès facile ne sera pas d’un grand secours. En France, les bornes sur les autoroutes, là où elles sont le plus nécessaires pour des trajets longs et à grande vitesse, sont en voie de disparition…
Le gouvernement français a promis la mise en place de 100.000 bornes de charge publiques à l’horizon 2021, soit dans un an et demi. Il y en a 30.000 aujourd’hui. Même s’il est capable de tenir ces engagements, faut-il encore que les bornes soient alimentées avec une puissance suffisante. Cela signifie qu’Enedis va devoir investir vite et en avoir les moyens…