Déjà fragilisée par sa conversion forcée vers l’électrique, l’industrie automobile a été touchée de plein fouet par l’effondrement de son marché lié à la pandémie de coronavirus. Au point que Renault «joue sa survie» a reconnu le ministre de l’économie Bruno Le Maire.
Au-delà des prêts garantis par l’Etat (cinq milliards d’euros pour Renault), la filière automobile attend aussi un plan de soutien de la demande pour lui permettre de redémarrer. Les grandes lignes devraient en être présentées mardi 26 mai par Emmanuel Macron. Il comportera un volet d’aides à l’achat, visant notamment à accélérer la transition vers l’électrique, et un autre pour améliorer la compétitivité des usines françaises. Ce plan devait initialement être dévoilé par Bruno Le Maire. Le Président de la République entend montrer l’importance qu’il lui accorde. Il faut dire que contrairement à certains commentaires irréfléchis, la filière automobile est vitale pour l’économie du pays. Elle représente au sens large 2,2 millions d’emplois.
Bonus écologique et prime à la conversion
Dans son édition du 23 mai, Le Parisien détaille certains contours du plan, qui doit encore faire l’objet de derniers arbitrages entre Bercy et le ministère de la Transition écologique. Selon le quotidien, l’exécutif devrait renforcer toutes les mesures d’accompagnement à l’achat. Ainsi, le plafond du bonus écologique pour l’acquisition d’un véhicule 100% électrique, passerait de 6.000 euros à 7.000 ou 8.000 euros. Pour les flottes d’entreprise, ce même bonus passerait de 3.000 à 5.000 ou 6.000 euros. Les véhicules hybrides feraient l’objet d’un bonus plus limité de l’ordre de 2.000 euros.
La prime à la conversion, permettant d’acquérir un véhicule thermique neuf ou d’occasion récent et peu polluant, devrait être à la fois revalorisée et élargie. Pour les ménages modestes, elle passerait de 1.500 à 2.000 euros et pourrait concerner les véhicules Crit’Air 4. Pour les ménages très modestes, elle passerait de 3.000 à 4.000 euros, et s’appliquerait aux véhicules Crit’Air 3. On se trouvera ainsi en France avec un quatrième dispositif différent de bonus/Malus en moins de six mois, depuis décembre 2019!
Reste à savoir si cela sera suffisant pour sauver l’industrie automobile française qui fait face au plus grand défi de son histoire depuis 75 ans. En avril, les ventes de véhicules particuliers se sont effondrées de 88,9% par rapport à l’année précédente. Ce recul enregistré le mois dernier par le Comité de constructeurs français d’automobiles (CCFA) porte à 48% la contre-performance sur quatre mois.
Désindustrialisation
L’effondrement des ventes de voitures neuves n’est pas spécifique au marché français. En mars, tandis que le nombre des immatriculations de voitures particulières diminuait de 72% dans l’Hexagone, la déconfiture au niveau européen atteignait 55%, selon l’Association des constructeurs automobiles (ACEA). Jamais le monde de l’automobile n’a essuyé un tel revers de situation après une année 2019 qui s’était plutôt bien terminée (1,2% de hausse en Europe sur douze mois, dont 1,9% en France).
Pour l’industrie française dont l’automobile est l’un des moteurs historiques, ces crises sont dévastatrices et accélèrent le processus de désindustrialisation à l’œuvre depuis la fin des années 1990. Depuis le record de production en France de l’an 2000 (près de 2,76 millions de voitures particulières), la baisse est continue et régulière. Avec 2,38 millions en 2006, 2,16 millions en 2007, 1,66 million en 2010 et 1,44 million en 2018.
Les informations du Canard Enchaîné, dévoilant le fait que Renault envisage la fermeture de quatre sites de production en France donnent une idée de l’ampleur de la crise. Mais elle ne peut pas être totalement une surprise.
L’industrie automobile, notamment européenne, fait face à un défi économique et financier presque insurmontable. Elle a été contrainte d’investir des dizaines de milliards d’euros pour se doter de gammes de véhicules électriques sans aucune certitude sur sa capacité à les vendre et en se mettant sous la coupe des fabricants asiatiques de batteries. De plus, le potentiel d’amendes infligées par l’Union Européenne était évalué au début de l’année à 15 milliards d’euros dès 2021 dans une étude du cabinet britannique PA Consulting. Il estimait alors qu’aucun grand groupe automobile ne serait en mesure de respecter les nouvelles normes d’émissions de CO2 mises en place progressivement dès cette année au sein des 27 pays de l’Union. Pas étonnant, si l’industrie automobile européenne a demandé sans succès au débit du mois d’avril un report des normes de CO2 et des amendes.
Comme l’expliquait le magazine Forbes en février, l’industrie automobile mondiale fait face à une «menace existentielle». Pour l’auteur de l’article, Ashwini Choudhary, membre du Forbes Technology Council, «la disruption est une réalité et je pense que très peu de constructeurs automobiles vont survivre aux Etats-Unis comme en Europe». Il considère que les constructeurs automobiles doivent devenir maintenant avant tout des groupes technologiques et électroniques, même si c’est loin d’être le cœur de leur métier et de leurs compétences. Et ils doivent se transformer tout en continuant à être performants dans le domaine des véhicules à moteur thermique «qui restent un élément essentiel de la mobilité et dont les ventes financent le développement des motorisations électriques et des voitures autonomes… Seules les sociétés qui s’adapteront rapidement à ce nouvel univers survivront».