L’industrie automobile française se trouve en grande difficulté. Déjà bien avant la pandémie, la stratégie et l’avenir de Renault et PSA étaient devenus incertains pour des entreprises confrontées à une mutation sans précédent avec le passage à la motorisation électrique. Les deux grands constructeurs étaient en outre engagés dans des alliances internationales, avec Nissan-Mitsubishi pour le premier et Fiat Chrysler pour le second, difficiles à mettre en œuvre. Et depuis deux mois, les ventes d’automobiles se sont littéralement effondrées (-72% en mars et autour de -90% en avril), les chaînes de production sont à l’arrêt et les consommateurs ont disparu.
Les usines commencent aujourd’hui à redémarrer timidement, les concessions vont ouvrir à nouveau leurs portes dans deux semaines et il faudra bien trouver des acheteurs, ce qui s’annonce presque mission impossible. Au ministère de l’économie, la relance de la filière automobile, qui représentait au sens large 2,2 millions d’emplois en France en 2018, est une priorité. Mais il va falloir y mettre les moyens pour convaincre les consommateurs de changer de véhicule, d’autant plus que faire le plein leur coûtera maintenant bien moins cher avec l’effondrement des prix du pétrole.
L’industrie automobile, notamment européenne, fait face à un défi économique et financier presque insurmontable. Elle a été contrainte d’investir des dizaines de milliards d’euros pour se doter de gammes de véhicules électriques sans aucune certitude sur sa capacité à les vendre et en se mettant sous la coupe des fabricants asiatiques de batteries. De plus, le potentiel d’amendes infligées par l’Union Européenne était évalué au début de l’année à 15 milliards d’euros dès 2021 dans une étude du cabinet britannique PA Consulting. Il estimait alors qu’aucun grand groupe automobile ne serait en mesure de respecter les nouvelles normes d’émissions de CO2 mises en place progressivement dès cette année au sein des 27 pays de l’Union. Pas étonnant, si l’industrie automobile européenne a demandé il y a trois semaines à Bruxelles un report des normes de CO2 et des amendes.
Un quatrième dispositif de bonus/malus depuis décembre 2019!
Selon des informations du Parisien, Bruno Le Maire entend soutenir la filière automobile française en lui permettant de vendre, enfin, ses voitures électriques. Le gouvernement travaille à un plan de relance avec de nouvelles aides à l’achat. Comme l’avait indiqué le ministre il y a quelques jours, «pour qu’il y ait à la fois redémarrage de l’économie et une relance de la croissance, mais une croissance durable, verte qui soit plus protectrice de notre environnement». Les aides vont cibler les véhicules électriques et hybrides.
Il s’agirait d’augmenter le bonus écologique et la prime à la conversion et, plus innovant, de créer une TVA différenciée selon le type de motorisation. On se trouvera ainsi en France avec un quatrième dispositif différent de bonus/Malus depuis décembre 2019! Pour rappel, jusqu’au 31 décembre 2019, le malus à l’ancienne n’était pas trop sévère. A partir du 1er janvier 2020, on est passé au malus «NEDC corrélé» qui s’est fortement durcit puisqu’un véhicule sur deux a été soumis à un malus. Les taxes débutaient alors dès 110 g/km de CO2 et le malus maximum, à partir de 184 g/km, était porté à 20.000 euros… Le dernier malus est entrée en vigueur le 1er mars 2020 pour se soumettre aux normes d’homologation européennes dites WLTP (pour Worldwide harmonized light vehicles test procedures), ou «Procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers»). Ce malus se déclenche à partir d’une valeur plancher de 138 grammes de CO2/km, et non plus 110 grammes comme dans l’ancien système. Il n’atteint son maximum de 20.000 euros qu’au-delà de 212 grammes. Mais sa durée de vie s’annonce très limitée…
Une TVA différente selon les motorisations
Le bonus écologique augmenté post Covid-19 devrait concerner avant tout les entreprises dont le montant avait été réduit de 50% au 1er janvier 2020. Celles-ci pourraient à nouveau bénéficier d’un bonus maximum de 6.000 euros, identique à celui des particuliers. Cette mesure réservée aux véhicules 100% électriques pourrait s’étendre aux véhicules hybrides rechargeables, avec un montant moindre. Cette mesure est calibrée pour soutenir les nouveaux modèles de Renault et PSA, qui ont largement misé sur cette technologie, les Peugeot 3008, DS7 Crossback, Renault Captur et Renault Mégane.
La dernière piste concerne la TVA. Aujourd’hui, elle est de 20% pour une voiture neuve, quelle que soit sa motorisation. Le plan de relance prévoit de la baisser pour favoriser les véhicules 100% électriques ou hybrides rechargeables. En revanche, les hybrides non rechargeables ne profiteraient pas de la mesure. Encore plus nouveau, cette TVA préférentielle pourrait aussi concerner les pièces détachées des véhicules «propres». L’objectif est de faciliter les réparations et l’entretien de ses véhicules, de soutenir le secteur de la réparation et de créer plus facilement un marché de l’occasion électrique et hybride.
Il reste une inconnue de taille. Savoir si cela sera suffisant pour vaincre les réticences et la prudence des acheteurs confrontés à une récession d’une ampleur inconnue depuis la seconde guerre mondiale et de conséquences économiques et sociales difficiles à mesurer.
L’industrie automobile n’avait certainement pas besoin de cela. Comme l’expliquait le magazine Forbes en février, elle fait face à une «menace existentielle». Pour l’auteur de l’article, Ashwini Choudhary, membre du Forbes Technology Council, «la disruption est une réalité et je pense que très peu de constructeurs automobiles vont survivre aux Etats-Unis comme en Europe». Il considère que les constructeurs automobiles doivent devenir maintenant avant tout des groupes technologiques et électroniques, même si c’est loin d’être le cœur de leur métier et de leurs compétences. Et ils doivent se transformer tout en continuant à être performants dans le domaine des véhicules à moteur thermique «qui restent un élément essentiel de la mobilité et dont les ventes financent le développement des motorisations électriques et des voitures autonomes… Seules les sociétés qui s’adapteront rapidement à ce nouvel univers survivront».