<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le nucléaire et ses déchets, une machine à fantasmes

17 mai 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Déchets nucléaires
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Le nucléaire et ses déchets, une machine à fantasmes

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La solution de l’enfouissement dans une couche géologique protectrice n’était pas indispensable. La recherche de solutions pérennes doit être privilégiée. C’était le sens des travaux entrepris avec Phénix et Superphénix. S’il est une peur savamment entretenue depuis soixante-quinze ans, c’est bien celle des dangers de l’énergie nucléaire en s’appuyant sur l’explosion de la bombe à […]

La solution de l’enfouissement dans une couche géologique protectrice n’était pas indispensable. La recherche de solutions pérennes doit être privilégiée. C’était le sens des travaux entrepris avec Phénix et Superphénix.

S’il est une peur savamment entretenue depuis soixante-quinze ans, c’est bien celle des dangers de l’énergie nucléaire en s’appuyant sur l’explosion de la bombe à Hiroshima qui a fait des milliers de morts, mais aussi d’irradiés à l’agonie plus ou moins rapide et aux séquelles insupportables. L’utilisation civile de l’énergie nucléaire dans bon nombre de pays du monde déclenche toujours l’effroi à la fois d’une explosion et d’une contamination. C’est ainsi que le mouvement écologiste qui a commencé par se préoccuper de l’avenir de notre environnement en se transformant souvent en militance antinucléaire mêlant le civil au militaire et le cataclysme aux irradiations. Rationaliser les peurs est un objectif impossible et les promoteurs de la physique nucléaire, expliquant les bienfaits de leur profession pour produire une électricité pilotable et bon marché, ont passé leur vie à essayer de convaincre des contradicteurs toujours très nombreux.

En ce qui concerne les risques d’accident nucléaire, les sinistres de Tchernobyl et de Fukushima ont permis de nourrir les préventions de nos contemporains, et on ne pourra jamais éteindre la contestation nourrie par des années de publications apocalyptiques. Cependant, les instances de sûreté nucléaire, nationales et internationales, finissent par rassurer une partie importante de la population mondiale attirée par la faiblesse de l’empreinte carbone de la production d’électricité nucléaire et donc par le caractère pro-climat de cette filière énergétique.

Les experts du GIEC, ceux qui énoncent les objectifs et les mesures à prendre pour protéger le climat, ont montré la nécessité de recourir à l’énergie nucléaire dans les prochaines années pour « sauver la planète » et les militants antinucléaires doivent donc se rabattre sur les irradiations, dangereuses pour les humains, pour conserver une justification à leur combat. Les centrales produisent des déchets irradiés qui doivent être traités pour préserver l’intégrité des citoyens.

ALIMENTER LA PEUR. Les scientifiques, les techniciens, les industriels et les pouvoirs politiques ont pris très tôt la mesure des risques et ont constitué des groupes de scientifiques dédiés au traitement des déchets nucléaires, et ceci depuis plus de trente ans en France avec des organismes dont c’est la charge exclusive. En France, à côté de l’Agence de sureté nucléaire (ASN), on a créé en 1991 l’Andra, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, dont le financement est assuré pour préparer et investir dans les solutions destinées à protéger la population. Mais les organisations antinucléaires continuent à contester mesure par mesure les travaux et les réalisations de l’Andra alimentant la peur sur l’avenir du pays qui poursuit la production nucléaire correspondant aujourd’hui à près de 75 % de son alimentation électrique.

En essayant de simplifier un débat très compliqué, sans jamais convaincre personne, les uns et les autres ont fini par jeter le trouble jusqu’à la loyauté des scientifiques engagés dans cette recherche de solutions à long terme pour prévenir les risques de contamination. Le risque nul n’existe pas et les antinucléaires ont eu beau jeu de dénoncer tous les déplacements de matériaux au cours des dernières années avec une population dont ils exacerbaient facilement la peur nucléaire.

Les déchets nucléaires sont classés en plusieurs catégories que l’on se plaît à confondre lorsque l’on s’oppose, et l’on peut s’accorder néanmoins que ceux qui ont une haute activité et une vie longue sont la priorité. Des centres de stockage ont, en effet, été créés pour la majorité des déchets à vie courte et à faible ou moyenne activité. Ces enceintes ne posent de problèmes que si l’on doit fermer rapidement des centrales et s’il faut augmenter leur nombre et leur surface. Il y a une partie des matériaux qui sont réutilisables, leur traitement était réalisé en Allemagne et les militants ont fini par faire arrêter leur transport, il n’en reste pas moins que c’est le retraitement qui reste la solution à privilégier et que les travaux de recherche vont dans ce sens depuis des dizaines d’années avec des progrès importants chaque année.

Les problèmes ne concernent plus désormais qu’un faible pourcentage des matériels qui sont entrés en contact direct avec les réactions, et l’on parle de quelques pour cent de ce qui ressort des centrales en fonctionnement ou de celles qui doivent être démantelées. Ces traces de radium, d’uranium et de thorium, on réussira un jour à en assurer le traitement et la réutilisation, mais, en attendant, l’Andra, comme les autres organismes du même type dans le monde, ont essayé de rassurer la population en les mettant le plus loin possible, en considérant comme légitimes les interrogations du public à cet égard.

 PRINCIPE DE PRÉCAUTION. C’est ainsi qu’a été imaginé le programme de Bure, dans la Meuse, projet Cigeo, où il est prévu de faire descendre à 500 mètres de profondeur dans une zone argileuse des déchets à haute activité et vie longue qui correspondent à 0,2% de l’ensemble. Ce programme était-il techniquement indispensable ? Sans doute pas car, pendant le même temps, les physiciens travaillent et considèrent qu’ils vont trouver des solutions plus rapidement que les travaux pharaoniques d’enfouissement, et pour des sommes dépensées bien moins importantes. Les pouvoirs publics, poussés par les demandes de transparence et les inquiétudes de ceux qui interprètent le fameux «  principe de précaution » de manière extensive, en ont décidé autrement et on pourra enfermer dans une couche géologique protectrice les fameux déchets qui défraient la chronique depuis des années. Tout ce qui peut aller dans le sens de la sureté des installations nucléaires doit être réalisé, mais on peut néanmoins considérer que la recherche de solution pérennes doit être privilégié et que la population doit retrouver sa confiance dans les physiciens français qui ont été toujours parmi les premiers dans la science et la technique nucléaire. C’est grâce à eux que le pays a eu depuis des années une énergie électrique abondante et bon marché, et ce sont eux les moteurs des programmes de travaux qui vont permettre de trouver les meilleures solutions au problème épineux, mais soluble, des déchets. C’était le sens des travaux entrepris avec Phénix et Superphénix, programmes arrêtés sous le gouvernement Jospin pour des raisons électorales, c’était l’idée du programme Astrid en souffrance aujourd’hui, mais tous les pays qui donnent les moyens à leurs physiciens de travailler sont toujours engagés dans la recherche d’utilisation d’uranium appauvri ou de thorium, Chine, Inde, Russie ou États-Unis.

Loïk Le Floch-Prigent

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