Le rendement d’un moteur électrique est au moins le double de celui d’un moteur thermique. S’il ne s’est pas imposé depuis son invention il y a un siècle et demi, c’est à cause de la faiblesse des batteries.
Les batteries passent souvent pour le composant essentiel de la voiture électrique. Mais c’est bien son moteur qui lui donne son identité et surtout ses étonnantes performances. C’est son moteur électrique de 598 chevaux qui propulse une Tesla Model S P110d de 0 à 100 km/h en 2,4 secondes. Sur cet exercice, elle bat la McLaren P1 (2,8 secondes) équipée pourtant d’un moteur thermique V8 de 916 chevaux. Le roadster de Tesla descend même à 1,9 seconde quand le record du monde est de 1,5 seconde avec une voiture électrique de course, la Grimsel construite par des étudiants suisses.
Au-delà des records souvent assez théoriques, il suffit de se trouver à côté d’une voiture électrique à un feu rouge pour ressentir la différence avec les autres voitures à moteur thermique lors du démarrage. Au volant, cela se traduit par une sensation de puissance assez agréable qui colle au siège.
Comment expliquer une telle caractéristique ? Par le couple de la voiture électrique qui a la propriété d’atteindre son maximum quasi immédiatement. Le couple mesure la capacité d’accélération. Il s’agit d’une notion simple qui est, pour un mouvement de rotation, ce que la force est pour un mouvement de translation. Un moteur thermique atteint son couple maximum aux alentours de 1 500 à 2 000 tours par minute pour un diesel et plutôt 3 000 tours pour un essence tandis qu’un moteur électrique en dispose dès le premier tour.
SIMPLICITÉ CONTRE COMPLEXITÉ. La différence est liée au fonctionnement de ces deux types de moteurs. Un moteur thermique d’automobile, c’est-à-dire un moteur à explosion à quatre temps, a, par construction, besoin d’un certain délai pour délivrer sa pleine puissance. Il s’agit d’une véritable usine à gaz. Au sens propre et figuré. Qu’il soit à essence ou diesel, le moteur doit passer par les quatre temps (admission, compression, combustion-détente, échappement) qui actionnent les pistons et les bielles, font tourner le vilebrequin qui, via un arbre de transmission et une boîte de vitesse, entraînent les roues… Les performances atteintes par les moteurs à explosion sont de véritables exploits mécaniques. Elles permettent de transformer l’énergie du carburant en mouvement de rotation des roues à partir d’une explosion produisant une translation du piston. Difficile de prendre conscience d’une telle complexité lorsque l’on démarre une voiture thermique.
En comparaison, le moteur électrique se révèle d’une simplicité extrême. Il est fondé sur une propriété électromagnétique. L’interaction entre un courant électrique et un champ magnétique engendre une force mécanique. Il suffit de deux composants principaux, le stator et le rotor, alimentés par du courant pour obtenir le moteur. La découverte de ce phénomène d’une simplicité remarquable ne date pas d’hier. Dès 1821, le physicien anglais Michael Faraday obtient une rotation électromagnétique. Dans les années 1830, plusieurs brevets de moteurs électriques sont déposés et, en 1886, c’est Nikola Tesla qui brevète une première « machineélectrique-dynamo » avant d’autres inventions les années suivantes. Étonnamment, il se trouve que les brevets concernant les moteurs à explosion datent exactement de la même époque. 1862 : cycle à quatre temps de Beau de rochas développé par Nikolaus Otto en 1867 et Gottlieb daimler en 1887.
La suprématie du moteur à explosion n’est donc pas liée à son antériorité. Elle ne doit rien, non plus, à ses performances. En effet, le rendement d’un moteur thermique est soumis au fameux cycle de Carnot, publié par Sadi Carnot en 1824. Il varie de 36 % pour un moteur à essence à 42 % pour un moteur diesel. Ces chiffres sont théoriques et liés à la transformation de l’énergie thermique en énergie mécanique. Une partie importante de l’énergie fournie par le carburant est perdue sous forme de chaleur. dans la pratique, les moteurs à explosion sont pénalisés par la montée en température nécessaire ou les pertes dans la transmission mécanique et leur rendement moyen à la roue varie aux alentours de 20 % à 30%.
LA FAIBLESSE DES BATTERIES. Côté moteur électrique, le rendement théorique atteint les 90 %. Dans la pratique, en tenant compte des pertes liées à la recharge de la batterie, il se situe entre 55 % et 60 %. Soit environ le double du rendement d’un moteur thermique. Il s’agit là d’un avantage majeur de l’électricité lié à l’absence de chaleur dans le cycle de production de l’énergie motrice.
À ce stade, on peut s’interroger sur la différence considérable entre les destins de ces deux types de motorisation. Pourquoi l’usine à gaz a-t-elle si longtemps supplantée l’électricité ? Pourquoi des générations d’ingénieurs se sont-elles évertuées à perfectionner un moteur fatalement soumis à la règle du cycle de Carnot ? La réponse est fort simple. Si un tiers des voitures circulant en 1900 étaient électriques, l’industrialisation de la Ford T, en 1908, a changé la donne. Dans le même temps, à partir de 1910, les multiples découvertes de gisements de pétrole ont permis au moteur thermique de s’imposer malgré son faible rendement et la pollution atmosphérique qu’il engendre. Les voitures électriques, elles, n’ont pas réussi à éliminer leur talon d’Achille : les batteries.
Aujourd’hui encore, malgré les progrès considérables apportés par les systèmes nickel-cadmium, nickel-métal hydrure ou lithium-ion, et la réduction sensible des délais de recharge, les batteries restent un point faible majeur des voitures électriques. Elles freinent son développement malgré des qualités telles que l’absence de pollution et… le silence. Bien entendu, les batteries vont continuer à faire des progrès mais il est peu probable qu’elles pourront offrir rapidement une autonomie de 1 000 km pour un temps de recharge de cinq minutes…
L’HYDROGÈNE CHANGERAIT LA DONNE. Or, et c’est sans doute le paradoxe majeur du véhicule électrique, il est possible de s’affranchir du problème des batteries. À l’époque des premiers brevets sur les moteurs électriques, en 1839, le chimiste allemand Christian Schönbein découvre l’effet pile à combustible. En 1953, l’ingénieur anglais Francis T. Bacon réalise un premier prototype de 1 kW. Le principe repose sur une double réaction chimique : l’oxydation sur une électrode d’un combustible réducteur et la réduction d’un oxydant sur l’autre électrode. Le résultat de ces réactions est une production d’électricité. Pour l’obtenir, il suffit de deux combustibles : l’hydrogène (H2) et l’oxygène (O2). Le premier doit être produit à partir, par exemple, de la molécule d’eau (H2O) et le second est contenu dans l’air.
Concrètement, il suffit d’installer un réservoir d’hydrogène sous pression dans une voiture et une pile à combustible pour obtenir une voiture électrique qui se passe de batteries. Pour l’alimenter, on se contente de remplir le réservoir d’hydrogène dans une station-service équipée. L’opération ne dure que quelques minutes comme pour le remplissage d’un réservoir d’essence. Seul point faible de la pile à combustible, le catalyseur de la réaction chimique d’oxydation de l’hydrogène est le platine. d’où un coût élevé. Mais la quantité de platine nécessaire a déjà été fortement réduite. Nul doute que des améliorations pourraient survenir si la pile à combustible était produite massivement. D’où une question simple : pour quelles raisons le couple moteur électrique-pile à combustible n’apparaît-il pas, aujourd’hui, comme la solution idéale pour la transition énergétique dans le transport ? difficile de répondre sans penser au rôle du lobby du pétrole. Et l’on peut se prendre à rêver d’un grand plan national ou européen imposant cette solution à la manière dont la France a réussi à développer son électricité nucléaire…
Michel Alberganti
Des progrès permanents
Si le principe du moteur électrique remonte au XIX siècle, la technologie a tout de même beaucoup progressé au cours des vingt dernières années. Les progrès sont notamment liés à l’utilisation de matériaux magnétiques modernes à base de terres rares qui permettent d’avoir des aimants plus puissants et à des composants électroniques de dernières générations permettant le contrôle des moteurs et des rotations avec une très grande précision. Sans trop entrer dans les détails, il existe en fait une grande variété de moteurs électriques. On distingue deux grandes familles : les moteurs à courant continu et champ magnétique fixe et les moteurs triphasés à champ magnétique tournant.
Les moteurs à courant continu sont les plus simples et sont produits par millions. Des balais injectent dans un collecteur rotatif un courant qui alimente des bobinages faisant partie d’une pièce tournante, le rotor. On peut facilement contrôler leur vitesse de rotation à l’aide d’une tension électrique donnée. Mais ces moteurs ne sont adaptés qu’aux faibles puissances.
Les moteurs des voitures électriques sont ainsi tous des moteurs triphasés. Dans un moteur triphasé classique dit synchrone, le stator comporte trois bobines orientées à 120 degrés les unes des autres, et alimentées en courant alternatif avec des phases décalées de 120 degrés. L’ensemble induit un champ magnétique tournant qui entraîne le rotor. Enfin, il existe aussi des moteurs triphasés asynchrones ayant des vitesses différentes de stator et de rotor.