Sortir de la dépression mondiale née de la pandémie de coronavirus et du confinement d’une bonne partie de l’humanité nécessitera des plans d’investissement et de relance massifs. Un «New Deal», comme l’ont connu les Etats-Unis de Franklin Delano Roosevelt à partir de 1933, mais à l’échelle planétaire. Parmi les grands investissements énergétiques, créer des économies de l’hydrogène pourrait figurer parmi les priorités. Avant l’épidémie, des pays comme la Chine, la Corée du Sud, le Japon et l’Allemagne s’étaient déjà engagés dans cette voie… La Corée du sud et le Japon en annonçant la création de toutes pièces de villes nouvelles fonctionnant exclusivement à l’hydrogène et l’Allemagne en préparant un plan ambitieux de fabrication et d’importation massives d’hydrogène vert (sans émissions de gaz à effet de serre).
Au moins 150 milliards de dollars de subventions sur dix ans
Une étude de Bloomberg NEF (New Energy Finance) en date du 30 mars montre que la baisse rapide des coûts pour produire de l’hydrogène vert à partir d’électricité renouvelable «offre une voie prometteuse pour réduire les émissions [de gaz à effet de serre]». L’hydrogène est en effet aujourd’hui la seule forme d’énergie qui puisse réellement se substituer aux carburants fossiles, dans les transports (maritime, aérien et routier) et dans l’industrie. Mais faut-il encore que l’hydrogène vert soit compétitif avec les carburants qu’il remplace. Et c’est loin d’être le cas aujourd’hui. Pour Bloomberg NEF, cela ne se fera pas sans un engagement massif des gouvernements évalué à 150 milliards de dollars sur dix ans. Dans cette hypothèse, le succès de l’hydrogène vert pourrait devenir planétaire et permettre de réduire de 34% les émissions de gaz à effet de serre dans le monde d’ici 2050
L’hydrogène vert est fabriqué par électrolyse en séparant les atomes d’hydrogène et d’oxygène de l’eau (H2O) et en utilisant exclusivement de l’électricité produite en émettant peu de CO2 solaire, éolienne, hydraulique et nucléaire. Selon Bloomberg, si les gouvernements apportent 150 milliards de dollars au cours des dix prochaines années sous forme de subventions, cela permettra de réduire de moitié le coût de fabrication de cet hydrogène vert.
L’utilisation aujourd’hui d’hydrogène vert se fait à une très petite échelle. Les filières n’existent pas. Et les coûts d’une production qui n’est pas passée à un stade industriel sont élevés. Cela ralentit la création d’économies de l’hydrogène allant de la fabrication à la distribution en passant par le stockage et les véhicules et installations adaptés à son usage. Il faut donc une impulsion publique forte pour amorcer la création de l’ensemble de ses infrastructures afin d’attirer les investisseurs privés. Par exemple, Bloomberg NEF estime qu’il faudra investir au total 367 milliards de dollars d’ici 2050 en capacité de stockage d’hydrogène pour garantir la même sécurité d’approvisionnement que celle offerte aujourd’hui par le gaz naturel.
Compétitif contre le pétrole et le gaz naturel
«Tout cela rend indispensable une coordination des politiques gouvernementales pour créer un cadre favorable offrant des opportunités aux investissements privés», prévient Kobad Bhavanagri, principal auteur du rapport et responsable de la décarbonisation de l’industrie de Bloomberg NEF.
Le coût de la fabrication d’hydrogène par électrolyse à partir d’électricité renouvelable a baissé de 40% au cours des cinq dernières années en Europe et en Amérique du nord. Et les équipements fabriqués en Chine sont 80% moins chers que ceux des pays occidentaux, toujours selon Bloomberg NEF. Cela commence à inciter des industries comme la sidérurgie, le ciment, le transport maritime, le transport routier, les engrais… à envisager de remplacer le charbon, le gaz naturel, le diesel, le fuel lourd par de l’hydrogène. Mais il faut que ces possibilités technologiques, parfois à peine esquissées, deviennent économiquement compétitives. Il faut aussi que les filières de l’hydrogène deviennent une réalité.
Si les 150 milliards de subventions publiques sont mis en place, Bloomberg estime que le coût du kilo d’hydrogène vert peut être ramené entre 1,14 et 2,71 dollars en 2030 contre 2,53 à 4,57 dollars aujourd’hui et entre 0,80 et 1,6 dollars en 2050. L’hydrogène sera alors très compétitif avec le pétrole et le gaz naturel.