Les personnes atteintes par le coronavirus dans les zones où la pollution atmosphérique est importante ont plus de risques de mourir que celles vivants dans un environnement moins pollué. Telles sont les conclusions d’une étude menée sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis par des chercheurs de l’école de santé publique de l’université d’Harvard. Publiée le 5 avril, elle établit un lien formel entre une longue exposition à une atmosphère polluée par des particules fines et le taux de mortalité au covid-19.
L’étude montre que même une légère augmentation de l’exposition de long terme à la pollution atmosphérique peut avoir de sérieuses conséquences sur les risques liés au coronavirus. Et la prise compte d’autres facteurs de risques comme la densité de la population ou le pourcentage de fumeurs n’y change rien. Ainsi, une augmentation d’un microgramme par mètre cube d’exposition à long terme aux particules PM 2.5 (d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres, soit 0,0025 millimètre) conduit à une augmentation de 15% du taux de mortalité au covid-19.
«mettre de l’huile sur le feu»
«Cette étude apporte la preuve que les comtés qui ont l’air le plus pollué auront de plus grands risques de mortalité au covid-19», explique au New York Times Francesca Dominici, professeure de bio-statistiques à Harvard, qui a dirigé la recherche. Ces comtés «seront ceux qui auront le plus grand nombre d’hospitalisations, le plus grand nombre de décès et où les ressources les plus importantes doivent être concentrées».
Dans une interview accordée à Clean Tecnica, Francesca Dominici ajoute: «pour simplifier, c’est comme mettre de l’huile sur le feu. Nous savons que les personnes qui ont respiré pendant des années un air pollué, qui ont été longtemps exposées aux particules fines, ont potentiellement une augmentation des risques d’inflammation des poumons et de leur système cardiovasculaire. Si en plus de cela, ces personnes sont affectées par le covid-19, il n’est pas surprenant, qu’ayant déjà été impactées par les particules, elles puissent répondre à l’infection de façon beaucoup moins efficace qu’une personne qui vit dans un comté où l’air est plus pur.»
Pour mener cette étude, les chercheurs ont collecté les données sur la qualité de l’air au cours des 17 dernières années dans 3.080 comtés représentant 98% de la population des Etats-Unis et 90% des morts liées au coronavirus dans le pays. Cette étude a pris en compte les décès pour chacun de ces comtés jusqu’au 4 avril.
Un surcroît de syndromes respiratoires aigus
Une autre étude réalisée cette fois en Europe, par des chercheurs des universités de Sienne en Italie et de Aarhus au Danemark, est parvenu à des conclusions similaires. Elle a été publiée quasiment au même moment que celle de Harvard dans la revue Environmental Pollution du 4 avril. Elle conclut que la mauvaise qualité de l’air est une des explications au fait que depuis le début de l’épidémie en Italie en février, le taux de mortalité en Lombardie et Émilie-Romagne est plus de deux fois supérieur à celui du reste du pays. Ces deux régions sont parmi les plus polluées d’Europe. Outre qu’elles concentrent l’essentiel de l’activité économique et industrielle du pays, la Lombardie et l’Emilie-Romagne sont situées au pied du massif alpin ce qui favorise les concentrations de polluants.
Cette situation provoque un surcroît de syndromes respiratoires aigus. Le Covid-19 aurait ainsi touché des personnes présentant déjà des faiblesses respiratoires provoquées par une exposition prolongée aux particules fines et oxydes d’azote (NOx). «La pollution de l’air représente une des causes les mieux connues d’inflammations prolongées menant éventuellement à une hyper-activation du système immunitaire», rappellent les chercheurs.
Pour autant, ils restent prudents. Ils considèrent qu’ils ne peuvent pas affirmer qu’il s’agit d’une cause majeure de la surmortalité dans cette partie de l’Italie. «Nos résultats ne constituent pas un contre-argument aux découvertes déjà faites sur la morbidité du virus, prévient Dario Caro, l’un des auteurs de l’étude. Je considère notre travail comme un apport à l’ensemble des connaissances sur les facteurs d’évolution de la maladie…»