La grande révolution énergétique allemand, la fameuse energiewende -le passage massif à la production électrique renouvelable via l’éolien, le solaire et la biomasse- n’a pas porté tous ses fruits, loin de là, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La faute à l’intermittence et au caractère aléatoire des renouvelables éolien et solaire et au renoncement au nucléaire qui contraignent le pays à recourir à ses centrales au charbon et au lignite pour alimenter son réseau quand il n’y a pas de vent et pas de soleil. Et encore, le bilan énergétique serait plus désastreux si l’Allemagne n’avait pas souvent recours, non sans hypocrisie, à l’importation d’électricité nucléaire française n’émettant pas de CO2… On peut y ajouter que les prix de l’électricité en Allemagne sont aujourd’hui parmi les plus élevés au monde, seul au Danemark le kWh est encore plus cher.
L’Allemagne ne peut pas, et aucun pays ne le peut, se passer de sources «pilotables» de production d’électricité, c’est-à-dire capables de réagir en fonction de la demande. Et cela sera le cas tant qu’il n’existera pas de moyens technologiques économiquement acceptables pour stocker massivement l’électricité renouvelable. Ces sources «pilotables» sont d’autant plus nécessaires que l’Allemagne s’est fixé un objectif spectaculaire de 65% de sources renouvelables dans son cocktail énergétique en 2030. Et cela même si les oppositions et les blocages à l’installation d’éoliennes sont devenus permanents dans tout le pays. L’Allemagne était à 46% d’électricité renouvelable l’an dernier, un niveau record. Mais la finalité de tout cela n’est pas d’afficher des pourcentages de renouvelables, mais de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Une politique «pas durable»
Ce que reconnait Friedrich Merz, candidat à la succession d’Annegret Kramp-Karrenbauer à la tête de la CDU en déclarant que «la politique énergétique en Allemagne n’est pas durable». Pour sortir d’une impasse et se rapprocher tant bien que mal de ses objectifs de réduction des émissions de CO2, la stratégie de l’Allemagne consiste aujourd’hui à se passer progressivement des centrales au charbon et à les remplacer par des centrales au gaz naturel. Ce dernier émet environ moitié moins de gaz à effet de serre pour une production d’électricité équivalente.
Aucune centrale à charbon n’a encore fermé ses portes en Allemagne, mais le pays n’a jamais produit autant d’électricité à partir de gaz naturel comme le montre un rapport de la Fédération allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW). Avec un bond de 10,3% à 91 milliards de kWh en 2019, les volumes bruts produits ont dépassé ceux obtenus à partir de la houille, dont la production a au contraire chuté de près de 31%, à 57,3 milliards de kWh. Toujours prépondérant, le lignite a aussi reculé de près de 22%, à 113,9 milliards de kWh.
Sécurité d’approvisionnement
Ce n’est qu’un début. La bascule vers le gaz a déjà permis de réduire de 6 millions de tonnes les émissions de gaz à effet de serre en 2019 et va s’accélérer. Avec la pandémie de coronavirus et la récession mondiale, l’effondrement des cours du pétrole auxquels les prix du gaz sont liés devrait y contribuer. Les prix du gaz ont d’ailleurs déjà fortement baissé au cours des derniers jours. Ils avaient déjà diminué l’an dernier. L’afflux de GNL (Gaz naturel liquéfié) en Europe et les stocks réalisés en prévention d’une crise d’approvisionnement liée aux tensions entre l’Ukraine et la Russie avaient créé une situation de surproduction.
Pour sa sécurité d’approvisionnement, Berlin mise beaucoup sur le gazoduc Nordstream 2qui déplait beaucoup aux Etats-Unis. Car l’Allemagne se met entre les mains du bon vouloir russe qui lui fournit déjà 50 à 60% de son approvisionnement en gaz. Berlin cherche donc dans le même temps à se doter de terminaux portuaires pour importer du GNL, notamment du Qatar et des Etats-Unis…