En matière de transition énergétique, il faut bien distinguer les discours et le réel. Entre les besoins des populations, de se déplacer, de se chauffer, de produire, de communiquer… et les engagements non contraignants à long terme, le choix des gouvernements est vite fait. La Chine, l‘Inde et l’Afrique en général ont un appétit insatiable et légitime d’énergie et cherchent à le satisfaire par tous les moyens. Les émissions de gaz à effet de serre sont un problème de riches. De façon plus surprenante, le Japon, confronté à des besoins urgents d’électricité, a décidé, de fait, de ne pas faire de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre une priorité. Il n’est pas le seul. L’Allemagne a abandonné le nucléaire et investi des centaines de milliards d’euros dans les renouvelables éoliens et solaires, mais comme ils sont intermittent, elle a besoin de ses centrales au charbon… et va en inaugurer une nouvelle cet été. La France a décidé de son côté de remplacer en partie l’électricité nucléaire par de l’éolien et du solaire pour un gain nul en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Les dizaines de milliards d’euros investis ne seraient-ils pas plus efficaces contre le réchauffement climatique ailleurs?
22 nouvelles centrales au charbon dans les cinq prochaines années
Pour en revenir au Japon, il a décidé d’abandonner l’énergie nucléaire, traumatisé par la catastrophe de Fukushima en 2011, et pour satisfaire les besoins de sa population est en train de construire massivement des centrales au charbon qui émettront autant de CO2 que toutes les voitures neuves vendues chaque année aux Etats-Unis! Le mode de vie moderne -la lumière, la nourriture bon marché, les transports, le chauffage et l’air conditionné, les communications et le numériques- consomment beaucoup d’énergie. Ceux qui en bénéficient ne veulent pas y renoncer et ceux qui ne l’ont pas y aspirent. Quand le Japon a décidé de stopper ses centrales nucléaires, sa consommation d’électricité a très peu diminué montre l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), et dans le même temps, la part des énergies fossiles dans la production d’électricité du pays est passée de 62% à 80%.
Et même si le Japon a entrepris de se doter d’éoliennes et de panneaux solaires, ces installations ne sont pas assez puissantes et surtout sont intermittentes. Le Japon a aussi des handicaps spécifiques. L’ensoleillement limité et le coût très élevé des terrains rendent l’énergie solaire peu compétitive. Résultats, dans les cinq prochaines années, le Japon a prévu de construire 22 centrales au charbon.
Le Japon dépend du charbon pour plus d’un tiers de son électricité. Et tandis que les vieilles centrales au charbon vont fermer, réduisant à terme la part du charbon dans la production électrique, elle restera encore supérieure à 25% en 2030. Enfin, le Japon est aussi le deuxième pays au monde à financer les centrales au charbon derrière la Chine.
Le charbon avec le gaz naturel et le pétrole remplissent les quatre cinquième des besoins en électricité du Japon. Les renouvelables, notamment l’hydroélectricité, en représente 16%. Le nucléaire a assuré jusqu’à un tiers de la production électrique du pays et n’en assure plus que 3%.
Et pourtant, le Japon s’est officiellement engagé lors de la COP21 en 2015 à réduire de 26% en 2030, par rapport à 2013, ses émissions de gaz à effet de serre. Très certainement, il n’y parviendra pas.
Les limites des renouvelables
Comme l’explique l’agence Bloomberg, le problème tient au fait qu’abandonner le nucléaire ne permet pas une transition plus rapide vers les renouvelables. Il y a des limites physiques, techniques et politiques à la quantité d’éoliennes et de panneaux solaires qu’un pays peut installer et connecter à son réseau. Et il y a l’intermittence et l’impossibilité technique et économique de stocker dans des quantités significatives l’électricité propre. L’abandon du nucléaire crée un dilemme. Soit, le pays doit vivre avec des coupures d’électricité et une baisse de niveaux de vie qui créent de l’instabilité sociale et un rejet des politiques environnementales, soit il doit en passer par une utilisation prolongée du charbon et du gaz pour satisfaire les besoins.
L’énergie nucléaire n’est pas la clé de la transition énergétique comme peuvent l’être le solaire et l’éolien. Mais fermer dans les prochaines années les centrales nucléaires semble être une erreur majeure. Une transition brutale est impossible techniquement, économiquement, politiquement et socialement.