Le reflux du nucléaire en France, amené à ne plus assurer en 2035 que 50% de la production d’électricité contre plus de 71,7% en 2018, est lancé. Les deux réacteurs de Fessenheim, la doyenne des centrales nucléaires françaises (Haut-Rhin), doivent être définitivement mis à l’arrêt cette année. En dépit du fait que le nucléaire et avec l’éolien le moyen de produire de l’électricité qui émet le moins de gaz à effet de serre. Et en dépit du fait que pour remplacer la puissance disponible en permanence des réacteurs de Fessenheim, il faut installer 3.000 éoliennes avec toutes les nuisance que cela représente.
Mais la fermeture de Fessenheim montre aussi comment les relations entre EDF et l’Autorité de Sûreté Nucléaire (l’ASN) se sont dégradées, notamment après les multiples déboires du chantier de l’EPR de nouvelle génération de Flamanville. L’ASN a perdu toute confiance dans l’entreprise publique.
Fin septembre, EDF a adressé à la fois au ministre de la Transition écologique et à l’ASN une déclaration de mise à l’arrêt définitif des deux réacteurs de Fessenheim. Les dates annoncées sont le 22 février pour le réacteur n°1 et le 30 juin pour le réacteur n°2. À partir de cette dernière date, EDF ne pourra plus produire de l’électricité à Fessenheim et enclencher une réaction de fission nucléaire. Un autre processus sera engagé, qui va prendre des décennies, celui du démantèlement progressif des installations.
EDF va devoir notamment procéder à l’évacuation des substances radioactives. Les déchets radioactifs bruts sont évalués par EDF entre 7.000 et 8.000 tonnes pour une masse totale de structures et matériels d’environ 320.000 tonnes, selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Cette phase devrait durer environ cinq ans. Dans un second temps estimé de 10 à 15 ans, l’ensemble des équipements sera ensuite démonté.
«L’organisation n’est pas satisfaisante»
Mais l’ASN veut des assurances supplémentaires et au passage définitivement gagner son bras de fer avec les dirigeants d’EDF. L’autorité juge que «l’organisation définie et mise en oeuvre par EDF pour préparer le démantèlement des réacteurs de Fessenheim n’est pas satisfaisante». Elle déplore l’attitude des services centraux de l’électricien, «caractérisée par des difficultés ou le refus d’accès à certains documents» et demande «des compléments concernent notamment ses opérations préparatoires, l’état des équipements qui seront employés pour les opérations de démantèlement, ainsi que la gestion des déchets.»
L’ASN estime que la planification de la période entre la mise à l’arrêt des réacteurs et le début du démantèlement à proprement parler en 2025 est insuffisante et qu’EDF propose des solutions de gestion des déchets qui ne sont «pas avérées sur le plan réglementaire et technique».
EDF assure de son côté avoir pris «les mesures nécessaires» pour apporter à l’ASN les compléments d’information demandés et ajoute avoir «mis en place une organisation interne dédiée à la phase de préparation du démantèlement (2020-2025). L’opérateur s’est enfin engagé à fournir à l’ASN une mise à jour du plan de démantèlement de la centrale de Fessenheim d’ici le mois d’avril.
Un test sur plusieurs années
Le démantèlement de Fessenheim est devenu un test qui va durer de nombreuses années. Le démantèlement à ne pourra commencer, dans cinq ans, qu’après la publication d’un décret du gouvernement reprenant un dossier très complet, nommé «Dossier de démantèlement». Ce dernier doit être déposé par EDF d’ici l’été 2020 et sera instruit pendant plusieurs années.
Ensuite et en principe, 14 autres réacteurs seront fermés en France d’ici à 2035. Cela ne se fera pas au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, le remplacement du nucléaire par des renouvelables n’aura aucun impact sur les émissions de CO2, mais au nom de la grande peur de l’atome.