Rolls-Royce, le très réputé constructeur britannique de moteurs d’avions, a annoncé cette semaine la création de 6.000 emplois sur cinq ans pour la fabrication dans les deux prochaines décennies de 16 mini-centrales nucléaires. Rolls-Royce porte ce projet au travers d’un consortium qui réunit neuf autres entreprises.
Rolls-Royce consacre en fait depuis plusieurs années des moyens importants au développement de mini-réacteurs nucléaires ou SMR (Small Modular Reactors). Il a déposé plus d’une trentaine de brevets sur la technologie de ses réacteurs et en fabrique depuis les années 1990 pour des sous-marins militaires. Il ne s’agit pas de faire voler des avions avec un réacteur nucléaire dans leur soute mais d’utiliser l’électricité décarbonée produite par les mini-centrales pour à la fois alimenter les réseaux et générer des carburants synthétiques «propres» pour l’aviation à des prix compétitifs. Pour Warren East, le Pdg de Rolls-Royce, les mini-réacteurs nucléaires représentent tout simplement l’avenir du transport aérien, accusé de contribuer massivement aux émissions de gaz à effet de serre.
De quoi alimenter une ville de 450.000 habitants
Ces SMR d’une puissance de 440MW (voir l’image ci-dessus), contre 900 MW pour les réacteurs des anciennes centrales françaises et même 1.650 MW pour les réacteurs EPR de dernière génération, seraient capables de fournir l’électricité d’une ville de 450.000 habitants pendant 60 ans sans émissions de gaz à effet de serre et sans souffrir de l’intermittence des renouvelables. L’énergie produite doit également permettre de fabriquer des carburants «propres» pour le transport aérien, hydrogène ou biocarburants. Ces derniers devraient ensuite alimenter les moteurs fabriqués par Rolls-Royce.
Mais pour que ce projet ambitieux voit le jour, il nécessite un important soutien du gouvernement britannique qui a déjà apporté 18 millions de livres l’an dernier pour contribuer à financer la conception des SMR. Selon le Financial Times, une mini-centrale coûte environ 2 milliards de livres, et le gouvernement du Royaume-Uni envisage d’investir 1,5 à 2 milliards de livres dans le programme.
Convaincre le gouvernement britannique
Pour Rolls-Royce, touché de plein fouet par la crise du transport aérien liée à la crise sanitaire, se diversifier dans les mini-réacteurs nucléaires est devenu aujourd’hui une nécessité. Le groupe a annoncé la suppression de 9.000 emplois dans ses activités de moteurs d’avions. L’ambition à terme de Rolls-Royce est non seulement de fabriquer et d’implanter des SMR au Royaume-Uni, mais aussi d’exporter cette technologie considérée par certains experts comme l’avenir de l’énergie nucléaire.
En attendant, Rolls-Royce fait tout pour convaincre le gouvernement britannique de le soutenir. Il affirme ainsi que jusqu’à 80% des composants des centrales seront fabriqués dans des usines du centre et du nord de l’Angleterre. Il assure aussi pouvoir créer 34.000 emplois en plus des 6.000 déjà annoncés d’ici le milieu des années 2030.
«Notre ambition est de produire de l’électricité à partir de 2029», affirme Paul Stein, le responsable de la technologie Rolls-Royce. Les mini-réacteurs nucléaires seront fabriqués en série et transportés par éléments dans des camions. «L’astuce est d’avoir des éléments préfabriqués, en utilisant des méthodes de soudure numérique et un assemblage robotique, et de les expédier sur les sites où ils sont assemblés», explique Paul Stein. Il ajoute que cela réduit considérablement le coût de fabrication et de maintenance d’un site nucléaire.
Le nucléaire fournit aujourd’hui environ 20% de l’électricité du Royaume-Uni et les pouvoirs publics entendent maintenir ce pourcentage. Cela nécessite de nouveaux projets que ce soit des EPR avec Hinkley Point mené par EDF ou éventuellement les SMR de Rolls-Royce.