Les pays occidentaux commencent à réaliser qu’ils ont perdu tout accès direct à des dizaines de minéraux rares indispensables aux technologies de la transition énergétique que ce soit les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie et l’électrification. Mais pour le magazine Forbes, nos pays sont loin de mesurer encore les conséquences pour la maitrise de leur avenir énergétique et leur indépendance de cette situation. Après avoir pendant des décennies cherché à échapper à la dépendance pétrolière et au cartel de l’Opep, via le programme nucléaire ou en multipliant les sources d’approvisionnement en pétrole, nous perdons à nouveau notre indépendance. Et d’ores et déjà, cela suscite des doutes sur l’indispensable baisse des coûts dans l’avenir des énergies renouvelables et des batteries des véhicules électriques.
il n’existe pas aujourd’hui de définition unique de ce que constitue un «minéral rare». A priori, on parle surtout d’une série de métaux dont la production ne dépasse pas 100.000 tonnes par an sur le plan mondial. Parmi ces métaux figure une sous-catégorie qualifiée de «terres rares» qui réunit en son sein 14 métaux. Leur production s’avère particulièrement faible mais certaines filières comme celles des moteurs électriques, des batteries, des panneaux solaires ne peuvent s’en passer.
«La prise de conscience par les Etats-Unis et par les pays de l’OCDE est en général très lente. Nous sommes dans une position très difficile», expliquait Michelle Michot Foss, spécialiste de l’énergie et des minéraux du Baker Institute de la Rice University, lors d’une conférence sur la transition énergétique. Le problème principal tient au fait que les 36 pays développés de l’OCDE dont la France ont peu à peu abandonné toute activité minière.
A la merci du bon vouloir de Beijing
Nous sous-traitons les activités minières parce ce qu’elles endommagent l’environnement, nécessitent des investissements importants et leur rentabilité est souvent aléatoire et soumise aux fluctuations de la conjoncture mondiale. «Nous sommes très réticents face aux activités minières et au traitement des minéraux dans nos pays», résume Michelle Michot Foss. On peut y ajouter que nous avons tendance maintenant à perdre le savoir faire dans ce domaine car les universités, les écoles d’ingénieurs et les entreprises s’y intéressent de moins en moins.
Conséquence de tout cela, nous sommes à la merci du bon vouloir de la Chine. «Peu importe la façon dont vous abordez le problème, la Chine domine les minerais et leur chaîne d’approvisionnement. Ils sont très agressifs dans le contrôle de la propriété intellectuelle et dans le contrôle des investissements dans les capacités industrielles», explique Michelle Michot Foss.
Selon un rapport rendu public en mai dernier par Foreign Policy, la Chine contrôle 80% de l’approvisionnement en terres rares dont 94% du gallium, 70% du graphite, 59% du lithium, 56% du vanadium…
Pour Felix K. Chang du Foreign Policy Research Institute, la Chine se donne ainsi les moyens de faire de son contrôle sur les minéraux rares une arme économique et politique et il serait naïf de ne pas croire que Beijing ne va pas l’utiliser un jour. «A tout moment, la Chine peut limiter ou même décréter un embargo sur ses exportations de métal», souligne Félix K. Chang.
Les politiques et les décideurs économiques doivent réaliser affirme Michelle Michot Foss que la baisse des coûts des énergies renouvelables et des batteries est un élément essentiel de l’équation déjà difficile de la transition énergétique. Et cette baisse de coût est aujourd’hui à la merci d’une chaîne logistique contrôlée en partie par la Chine dont les intérêts ne sont pas forcément compatibles avec les nôtres. On voit déjà la menace que représente pour l’industrie automobile européenne et française l’absence de tout contrôle sur les batteries, l’élément essentiel des véhicules électriques.