Les stations services ont-elles encore un avenir? Sont-elles condamnées à disparaitre comme les symboles et les outils de la société de consommation et de la civilisation de l’automobile? Ou vont-elles, au contraire, muter et devenir un passage obligé pour recharger les véhicules électriques et remplir les réservoirs des véhicules à hydrogène? Le journal d’architecture ArchDaily s’interroge à la fois sur l’avenir fonctionnel et architectural des stations services appelées quoi qu’il arrive à s’adapter ou à disparaitre.
Depuis les années 1950, la station service est devenue partie intégrante du paysage rural comme urbain. Avec la démocratisation de l’automobile, la station service a quadrillé le territoire et a vu ses services ne cesser de s’élargir. Il y a aux Etats-Unis aujourd’hui 130.000 stations service servant à approvisionner 268 millions de voitures en circulation.
Mais l’âge d’or de la station service appartient au passé. Les populations se concentrent dans des zones de plus en plus densément peuplées offrant de meilleurs système de transport collectifs et le véhicule à moteur thermique est menacé par son homologue électrique dont l’usage est très différent et ne nécessite pas de passer faire le plein dans une station service.
D’ailleurs, la station service est en déclin rapide. En 2016, il y en avait 116.000 en Europe. A la fin de l’année 2017, ce nombre était tombé à 77.000, dont 11.000 en France, 14.000 en Allemagne et 8.000 au Royaume-Uni. Justement au Royaume-Uni, le nombre de stations services a diminué de 80% depuis les années 1970 en dépit d’une augmentation de la consommation d’essence et de diésel de 80%. Et cette tendance doit se poursuivre. Une étude du Boston Consulting Group, rendue publique en juillet 2019, concluait que «près de 80% de la vente de carburant au détail pourrait ne plus être rentable dans 15 ans». Cela tient à l’arrivée massive de véhicules électriques et au fait également que ce type de motorisation devrait inciter au développement de la mobilité partagée et réduire sensiblement la propriété individuelle des véhicules et leur utilisation. A fortiori, si les voitures autonomes finissent par voir le jour.
Le retour du drive-in
Cela nous ramène à la question de départ. Quel est l’avenir des stations services dans un tel contexte? Une des pistes se trouve peut-être dans l’initiative de la société britannique GRIDSERVE. Elle investit un milliard de livres (1,16 milliard d’euros) dans une centaine de stations service au Royaume-Uni pour les convertir à l’usage exclusif des véhicules électriques à batteries (voir la photographie ci-dessus). Ces stations offriront la possibilité de recharger très rapidement, en 30 minutes, les voitures et offriront dans le même temps aux conducteurs et à leurs passagers une expérience comparable à celle d’un aéroport avec des cafés, des restaurants, des supermarchés, des zones de repos avec des connexions internet rapides…
Pat Romano, le Pdg de Chargepoint, le numéro un mondial des bornes de rechargement de véhicules électriques, parie lui sur la disparition et la «déforestation» des stations dans les zones urbaines et sur le fait que les possesseurs de véhicules électriques les rechargeront au travail ou à la maison. Elles n’auront alors plus aucune utilité.
Une analyse qui n’est pas forcément partagée. Le nombre de stations services va continuer à rapidement décroître, mais elles ne sont pas pour autant toutes condamnées, notamment sur les parcours longues distances pour les véhicules électriques et avec la montée en puissance annoncée des véhicules à hydrogène dont il faudra bien remplir les réservoirs. Ainsi, les pétroliers Shell et BP entendent installer des bornes de recharge électriques dans leurs stations. A l’opposé, Elon Musk, le patron de Tesla, s’intéresse à l’idée de construire des restaurants et des cinémas drive-in avec ses bornes de recharge rapides.
La question est donc loin d’être tranchée. La station service peut-elle évoluer et devenir un point essentiel de services dans la transition entre zones urbaines et zones rurales ou est-elle incapable de changer et va disparaitre, relique de notre passé automobile. Réponse dans quelques décennies.