<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Stocker l’électricité renouvelable intermittente avec de l’air comprimé

16 avril 2025

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Stocker l’électricité renouvelable intermittente avec de l’air comprimé

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Tous les moyens économiquement et techniquement acceptables pour stocker de l’électricité renouvelable intermittente (éolienne, solaire) sont bons à prendre, même s’il ne faut pas se faire d’illusion sur leur potentiel réel. Il est très loin d’être aujourd'hui à l’échelle des besoins d’un réseau électrique et ne le sera pas demain. Une initiative originale est portée en France depuis plusieurs années par le groupe d’ingénierie Segula Technologies qui propose de stocker de l’électricité solaire et éolienne dans des bouteilles d'air comprimé. Deux premiers pilotes, l’un à l'échelle industrielle et l’autre domestique, sont prévus pour l’année prochaine.

Le stockage de l’électricité renouvelable intermittente et décarbonée est l’une des clés de la transition énergétique. Elle figure dans tous les modèles et toutes les études prévisionnelles dont nous sommes inondés et qui pour la plupart sont construites sur des hypothèses contestables. Notamment, parce que le stockage à grande échelle de l’électricité intermittente (éolienne et solaire) est aujourd’hui une vue de l’esprit. D’ailleurs, la France gaspille chaque année des milliers de GWh.

Rappelons d’abord que d’un point de vue physique, l’électricité ne se stocke pas. Elle se transforme de façon chimique (batteries, hydrogène…) ou mécanique (hydraulique, gravité, air comprimé…) avant de permettre de produire de l’électricité avec une perte plus ou moins importante. Ensuite, le problème du « stockage » de l’électricité est avant tout une question d’échelle. Seules les installations hydrauliques, à savoir les STEPs (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) peuvent être à la hauteur des besoins d’un réseau électrique, et encore.

Des capacités de stockage totalement insuffisantes qui se traduisent par un gaspillage considérable

Aujourd’hui, la capacité en France des STEPs est limitée à 3GW et six équipements. EDF investit, mais trop peu et trop lentement avec il est vrai des moyens limités compte tenu de tous les impératifs qui lui sont imposés. Il faudrait aussi que les mouvements écologistes radicaux qui empêchent par la violence tout projet de développement soient amenés à la raison et comprennent que stocker de l’électricité décarbonée est le meilleur moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Comme l’explique l’Académie des sciences dans une étude publiée il y a quelques jours, les capacités de stockage massif de l’électricité intermittente « non disponibles aujourd’hui… ne seront pas beaucoup plus disponible dans 10 ans ». Elle ajoute en note de bas de page que « le chapitre du projet de PPE [Programmation pluriannuelle de l’énergie] sur le stockage d’énergie est particulièrement creux ».

Une technologie développée depuis des années par le groupe Segula Technologies

Maintenant, tous les moyens économiquement et techniquement acceptables sont bons à prendre pour stocker de l’électricité décarbonée. Une initiative originale est portée en France depuis plusieurs années par le groupe d’ingénierie Segula Technologies qui propose de stocker de l’électricité solaire et éolienne dans des bouteilles d’air comprimé. Il avait commencé à travailler sur des équipements sous-marins associés à des parcs éoliens marins avant de mettre en avant aujourd’hui des équipements terrestres nécessitant des investissements moins lourds. Ils existent à l’état de projets sous deux formes, Remora Stack (voir l’image ci-dessous), un système à l’échelle industrielle intégré dans un conteneur, et Remora Home, miniaturisé pour un usage domestique comme son nom l’indique (voir l’image ci-dessus).

Remora Stack DR.

Le principe est le suivant. L’électricité renouvelable intermittente produite dans les périodes météorologiques favorables mais inutile pour le réseau alimente alors un moteur électrique qui actionne un compresseur à piston qui comprime l’air ambiant à 250 ou 300 bars. Quand l’air se détend et reprend son volume, il repousse le piston qui remet en mouvement le moteur électrique, restituant ainsi quand cela est nécessaire l’énergie emmagasinée avec un rendement très intéressant de 70%. Et c’est là où se trouve l’apport de la technologie développée par Segula Technologies. « Cela ressemble à un compresseur normal, mais personne n’avait réussi à le faire fonctionner dans les deux sens », explique aux Echos David Guyomarc’h, responsable de la R&D de la société.

Remora Stack pour l’industrie et un petit quartier

L’autre avantage de la technologie développée par Segula tient à son caractère dit isotherme. La très forte chaleur générée par la compression de l’air est dissipée dans l’environnement. Et, dans l’autre sens, le froid créé par la détente de l’air est aussi évacué de la même façon.

Remora Stack dispose d’une puissance installée de l’ordre de 200 kW, ce qui correspond aux besoins d’une centaine de foyers. Il se loge dans un conteneur standard de 12 mètres et peut donc alimenter un site industriel ou un petit quartier.

En termes économiques, l’avantage théorique du système est le coût relativement limité de l’extension de ses capacités. Le compresseur à double usage est l’équipement qui coûte le plus cher. Mais ensuite, la quantité d’électricité stockée dépend du nombre de bonbonnes d’air comprimé dont le coût est assez faible. C’est en fonction de ce paramètre que l’air comprimé prend l’avantage en termes économiques sur les batteries. Il bénéficie aussi d’un avantage environnemental considérable. Il ne faut pas fabriquer les batteries en utilisant de nombreux métaux dits critiques et les recycler en fin de vie.

Un prototype de Remora Home l’an prochain

Remora Stack est financé en partie dans le cadre du programme européen sur le financement de l’innovation dans le stockage de l’énergie Air4NRG. Associé au projet, l’espagnol ABC Compressors fabriquera un premier prototype qui sera testé fin 2026 sur un site de l’énergéticien portugais EDP. L’intention, si tout se passe bien, est de démarrer le déploiement industriel avec de premières unités de série en 2028-2029.

Pour ce qui est de Remora Home, sa puissance sera de l’ordre de 2 kW. Une maison située près de Nantes devrait accueillir et permettre de tester un premier prototype l’an prochain.

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La rédaction

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