La nouvelle PPE descendue en flammes par l’Académie des sciences

14 avril 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Solaire Eolien
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La nouvelle PPE descendue en flammes par l’Académie des sciences

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En matière de transition énergétique et écologique, les sachants ont enfin commencé à se révolter contre des stratégies conçues par les politiques et les technocrates qui ne mènent nulle part faute d’aborder les problèmes à surmonter de façon rationnelle et pas sous la pression des modes, des idéologues, des lobbys et des prophètes de malheur. Il est plus que temps. Ainsi, l’Académie des sciences vient de publier un avis en forme de réquisitoire dans lequel elle souligne les « incohérences » et le caractère totalement « irréaliste » de la PPE révisée, la fameuse Planification pluriannuelle de l’énergie qui sera adoptée par décret dans les prochaines semaines sans passer par le Parlement. « Ce document est mal fait, il n'y a pas eu de travail de mise en cohérence des contributions des différents services ». Un niveau de rigueur « indigne d'une production des services de l'État », écrit l’Académie. Elle dénonce à la fois les ambitions irréalistes... comme d'habitude et la méthode qui consiste à fixer des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre, et sans se soucier des conséquences économiques, financières, politiques et sociales. Résultat, la transition est rejetée de plus en plus massivement par les populations.

Les bonnes consciences, les donneurs de leçons et les grands prêtres de la transition écologique et énergétique se réfèrent en permanence à la science avec un grand S. Mais la plupart du temps, ils ne le font que quand elle renforce leurs à priori politiques, idéologiques et technologiques. Ils devraient pourtant se pencher sur l’avis que vient de rendre l’Académie des sciences sur la nouvelle version révisée de la fameuse Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). Il s’agit, en théorie, de la feuille de route en France de la transition énergétique pour les 10 prochaines années. Et cela même s’il a fallu quatre années laborieuses pour la concocter et si la dernière PPE n’était plus opérationnelle et ne correspondait plus du tout à la réalité depuis de nombreuses années… depuis la volte-face d’Emmanuel Macron sur le nucléaire et les conséquences de l’invasion de l’Ukraine.

Cette nouvelle PPE devrait entrer en vigueur par décret dans les deux prochaines semaines et pourrait être ensuite, éventuellement, amendée en fonction de débats parlementaires intervenant quelques temps plus tard. Etonnant comme méthode sauf si on considère que cela permet au gouvernement de limiter les critiques sur un texte qu’il sait problématique. Un débat inutile et sans vote sur la « souveraineté énergétique » de la France aura tout de même lieu à l’Assemblée nationale le 28 avril.

Dans ce contexte, le texte de l’Académie des sciences a un grand mérite, celui de vouloir rendre enfin réaliste et efficace la transition énergétique en évitant les calculs politiques à la petite semaine, les modes et les intérêts particuliers. Résultat, la PPE révisée est considérée comme « irréaliste » et « incohérente ». L’Académie des sciences dénonce à la fois la méthode suivie pour la construire et les ambitions affichées qui n’ont aucune chance d’être atteintes… comme d’habitude.

« Indigne d’une production des services de l’État »

« Ce document est mal fait, il n’y a pas eu de travail de mise en cohérence des contributions des différents services ». Un niveau de rigueur « indigne d’une production des services de l’État », écrit l’Académie. Elle met en cause l’incapacité de l’Etat à prendre en compte les avis extérieurs, souvent bien plus pertinents que les siens, et à reconnaître les erreurs passées. « Les rédacteurs du document ont accordé bien peu de considération aux nombreux avis formulés lors de la consultation publique », souligne Marc Fontecave, président du comité de prospective sur l’énergie de l’Académie et principal auteur de l’avis. Il est également professeur au Collège de France. L’institution avait déjà, fin 2024, pointé « de façon extrêmement détaillée » les multiples incohérences du texte initial.

La PPE est marquée par un flou artistique permanent. La consommation d’énergie finale prévue pour 2035 est estimée à 1.100 TWh page 11 et se retrouve à 1.302 TWh quelques pages plus loin. La consommation électrique à cet horizon connait des variations tout aussi aléatoires à 429 TWh, 508 TWh ou « entre 580 et 600 TWh », selon les pages du document public. « Quel est réellement le niveau de consommation visé pour 2035 ? », s’interroge l’Académie…

Et puis le principal problème tient aux objectifs fixés. « L’obsession d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conduit à écrire des scénarios irréalistesTout le monde souhaite naturellement que nous remplissions nos objectifs climatiques. Mais les scénarios ne peuvent pas ignorer la réalité ».

L’électrification des usages est dans les modèles… pas dans la réalité

L’électrification massive des usages (transports, chauffage et climatisation, industrie) annoncée et considérée comme allant de soi est une pure spéculation. Depuis 2017, la consommation électrique française a en fait diminué, revenant de 480 TWh à 449 TWh en 2024. La PPE ne s’en est pas aperçue… « L’électrification n’est pas qu’une question de volonté politique, mais aussi scientifique et technologique », rappelle Marc Fontecave. « Les scénarios sont construits sur l’idée qu’il sera facile d’électrifier la production d’acier, l’habitat, les voitures, alors qu’en réalité les progrès sont lents, ce qui est très regrettable ».

La PPE projette donc une très forte augmentation de l’offre d’électricité pour faire face à une demande qui pourrait éventuellement se matérialiser ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Le plan vise une production comprise entre 666 et 708 TWh en 2035, dont l’augmentation est portée quasi exclusivement par le solaire et l’éolien.  « Cette production repose principalement sur une augmentation massive des énergies solaire et éolienne intermittentes, passant de 73 TWh en 2023 à 254-274 TWh en 2035. Cette évolution entraînerait des surcapacités considérables, coûteuses et inutilesC’est complètement fou. C’est incohérent », écrit l’Académie. La France a déjà exporté l’an dernier un excédent record de 89 TWh de production électrique.

L’intermittence des productions éoliennes et solaires tout simplement ignorée

Autre problème majeur éludé, celui de l’intermittence des parcs éoliens et solaires qui devraient représenter près de 40% de la production électrique à côté d’un parc nucléaire puissant mais dont la qualité première n’est pas la flexibilité de la production pour s’adapter aux aléas météorologiques. Sans stockage massif de l’électricité intermittente produite qui « ne sera pas beaucoup plus disponible dans 10 ans » qu’aujourd’hui explique l’Académie, le système électrique français sera en mauvaise posture. Victime d’une « volatilité accrue des prix », d’une « modulation excessive de la production nucléaire… et un sous-emploi de ce parc » et d’une « tension sur les réseaux » entraînant des « coûts considérables supplémentaires ».

Les recommandations de l’Académie des sciences sont claires. Elle demande d’« explorer des scénarios alternatifs limitant les surcapacités et s’appuyant sur des hypothèses de consommation plus réalistes ». Elle appuie les objectifs de construction de nouveaux réacteurs EPR2, seule « voie possible pour maintenir une électricité décarbonée », et de ramener les objectifs de production renouvelable « aux besoins réelsL’Académie des sciences déconseille un développement précipité et massif des sources d’énergie non pilotables sur la base de prévisions de consommation surestimées ». Difficile pourtant d’imaginer que le gouvernement, qui a décidé d’adopter la PPE par décret pour éviter toute contradiction, renonce à multiplier les inutiles et coûteux parcs éoliens.

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