<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les gazoducs NordStream ne sont sans doute pas irrémédiablement hors service

27 mars 2025

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Nord Stream 2
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Les gazoducs NordStream ne sont sans doute pas irrémédiablement hors service

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Patrick Pouyanné, le Pdg de TotalEnergies, n’a pas pour habitude de mettre sa langue dans sa poche. Il avait déjà provoqué la stupéfaction et même la colère du gouvernement français en annonçant en mai dernier qu’il envisageait de faire coter la compagnie pétrolière française à la Bourse de New-York pour qu’elle soit mieux valorisée. Il vient de remettre les pieds dans le plat en déclarant qu’il était loin d’être impossible de remettre en service, en partie au moins, les gazoducs NordStream reliant la Russie à l’Allemagne et qu'il ne serait pas surpris si cela se faisait. Ils ont été détruits par une opération de sabotage spectaculaire en septembre 2022, sept mois après l’invasion de l’Ukraine.

Le sabotage spectaculaire des deux gazoducs NordStream en septembre 2022 semblait avoir marqué la fin définitive des achats massifs de gaz russe par les pays de l’Union Européenne (UE). Rappelons que les deux NordStream, le 1 et le 2, d’une longueur de 1.200 kilomètres, passent sous la mer Baltique et relient directement les champs de production russe à l’Allemagne, principale consommatrice du gaz russe pour son industrie et le chauffage de ses bâtiments. NordStream 2 terminé en décembre 2021 n’est même jamais entré en service.

Les gazoducs en question ont été détruits très précisément le 26 septembre 2022, sept mois après l’invasion de l’Ukraine, à la suite d’une opération spectaculaire menée très vraisemblablement par les services spéciaux ukrainiens. Trois explosions successives à quelques heures d’intervalle d’une intensité allant jusqu’à 2,5 sur l’échelle de Richter ont créé trois grandes brèches distinctes à une profondeur allant de 80 à 110 mètres sur trois des quatre grandes canalisations posées au fond de la mer Baltique. Elles avaient pour conséquence de mettre fin « presque définitivement » aux exportations massives de gaz russe vers l’Allemagne et toute l’Europe occidentale.

Des rumeurs et puis la déclaration au débotté de Patrick Pouyanné

Les gazoducs relient donc directement la Russie à l’Allemagne et la version 2 qui n’était pas encore entrée en service et venait juste d’être terminée avait coûté la bagatelle de 11 milliards de dollars. L’existence des deux NordStream permettait de contourner totalement l’Ukraine et la Pologne pour approvisionner la partie la plus riche de l’UE. Les dégâts étaient tels que les gazoducs semblaient alors irréparables pour la plupart des experts.

Pourtant des rumeurs sur une remise en état et en service ont commencé à circuler il y a quelques semaines, relayées par le Financial Times. Des investisseurs américains contactés par Matthias Warnig, un ancien officier de la Stasi en Allemagne de l’Est proche de Vladimir Poutine, pourraient aider Gazprom à réparer NordStream 2. Une information qui a été démentie. Elle semblait alors fantaisiste. Pourquoi réparer un gazoduc si les Européens n’ont pas le moindre intention d’acheter le gaz ? A moins que…

C’est pourquoi les déclarations au débottés de Patrick Pouyanné, le Pdg de TotalEnergies, ne sont pas anecdotiques. Il estime qu’au moins deux des quatre canalisations pourraient reprendre du service… un jour. C’est ce qu’il a dit lors d’un évènement industriel à Berlin. « Je ne serais pas surpris que deux des quatre gazoducs (soient) remis en service, pas quatre sur quatre ». Pour Patrick Pouyanné, l’industrie européenne n’a tout simplement aucune chance d’être compétitive sans un certain niveau d’approvisionnement en gaz russe par gazoducs qui permet de le payer à des prix nettement moins élevés que le GNL (Gaz naturel liquéfié). « Il n’y a aucun moyen d’être compétitif par rapport au gaz russe avec du GNL provenant de n’importe où », a expliqué M. Pouyanné.

Il a ajouté que la stratégie de l’Europe visant à diversifier ses ressources énergétiques était sensée, mais que le continent devrait « faire attention à ne pas se retrouver dans la même situation avec les Etats-Unis à l’avenir », en référence aux importations croissantes de GNL des Etats-Unis. « Je pense qu’il sera intéressant de voir si nous résisterons ou non au gaz russe bon marché… Je pense que l’Europe centrale ne résistera pas complètement », a-t-il conclut.

Le gouvernement allemand ne veut pas en entendre parler

Patrick Pouyanné, n’en est pas à son coup d’essai et n’a pas pour habitude de mettre sa langue dans sa poche. Il avait déjà provoqué la stupéfaction et même la colère du gouvernement français en annonçant en mai dernier qu’il envisageait de faire coter la compagnie pétrolière française à la Bourse de New-York pour qu’elle soit mieux valorisée.

A la suite des premières rumeurs de remise en état des gazoducs, le ministre sortant allemand de l’Economie, Robert Habeck, avait affirmé au début du mois que ce n’était pas du tout une bonne idée d’envisager de ressusciter NordStream. « Les Ukrainiens subissent toujours l’agression de la Russie. Je pense que parler du potentiel de NordStream 2 ou de NordStream 1, s’il devaient être réparés, ne va pas du tout dans la bonne direction », avait-il déclaré. Le ministère allemand de l’économie a même précisé qu’il n’était pas question de discuter d’une quelconque réparation des  gazoducs. Par ailleurs, le ministre estonien des affaires étrangères, Margus Tsahkna, a été encore plus clair. Pour lui, « le bon endroit pour NordStream 2 est au fond de la mer, en morceaux, et non sur le marché de l’énergie de l’UE ».

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