A l’origine de près d’un tiers des émissions de CO2, l’industrie lourde est un élément majeur dans la transition énergétique et l’abandon des énergies fossiles. Rien ne se fera sans l’industrie lourde, par ailleurs indispensable à nos économies et à notre civilisation.
Mais cela s’annonce technologiquement compliqué et économiquement difficile. Notamment pour certains secteurs d’activité, grands consommateurs d’énergies fossiles, comme l’aluminium, le ciment, la chimie, la sidérurgie, l’aviation, le transport routier et le transport maritime. Ces huit industries émettent à elles seules, à l’échelle de la planète, 11.2 gigatonnes par an de gaz à effet de serre, 20% environ du total des émissions. Et aujourd’hui, il n’existe pas pour certaines de ses activités industrielles irremplaçables de technologies de substitution développées et éprouvées réduisant les émissions.
Ainsi, pour la production du ciment, la chimie même du processus nécessite des énergies fossiles. Il faut donc complètement la changer avec de nouveaux matériaux. Dans d’autres cas, la très importante quantité d’énergie nécessaire fait que la conversion vers les sources renouvelables est lente. Pour l’aviation et le transport maritime, les carburants fossiles sont la seule réponse, même s’il existe des perspectives assez prometteuses comme l’hydrogène mais qui ne verront pas le jour avant des années.
Soumettre tous les acteurs aux même contraintes
Il n’est donc pas surprenant si jusqu’à maintenant les gouvernements, les entreprises et les organisations de toutes sortes se sont concentrés sur ce qui est relativement facile, passer à des sources d’énergie «propres», notamment pour produire de l’électricité, qui émettent peu de CO2, et faire des économies. Mais il va bien falloir accélérer la transition de l’industrie lourde.
Certains groupes en sont bien conscients. La Energy Transitions Commission (ETC), qui regroupe des multinationales industrielles, et le World Economic Forum travaillent sur des solutions technologiques et économiques à travers une plateforme baptisée «Mission Possible».
Leur ambition est de multiplier les partenariats entre les secteurs industriels et les gouvernements pour créer un cadre stable et incitatif à la transition. Il faut notamment s’assurer que tous les acteurs d’une filière soient soumis aux mêmes contraintes pour changer les processus de production et absorber les coûts de revient plus élevés.
Selon l’ETC, un certain nombre de solutions existent, il faut maintenant les mettre en oeuvre. Même si la question des coûts reste un obstacle important.
Pour les produits dits intermédiaires, qui sont fournis par les producteurs aux industries transformatrices ou utilisatrices, le bâtiment et les travaux publics ou les transports, les coûts vont exploser. Une tonne de ciment fabriquée avec beaucoup mois d’énergie fossile et des matériaux différents ou un litre de biocarburant pour l’aviation coûteront au moins deux fois plus cher. C’est pour cela que toute l’industrie doit suivre la même voie.
Pour ce qui est du consommateur final; l’ETC se veut plus optimiste. Le prix d’une maison, d’une voiture ou d’un emballage ne devraient pas beaucoup augmenter. Mais il y aura des exceptions comme le transport aérien.
Un rapide tour d’horizon montre quelles sont les technologies qui vont prendre le relais. Pour le transport sur courte distance, les véhicules électriques devraient être la solution. Pour le transport lourd et sur de longues distances, les biocarburants et plus encore l’hydrogène devraient apporter une réponse. L’industrie du ciment doit totalement changer de mode de production, de matériaux utilisés et de fours. La sidérurgie doit elle cesser d’utiliser le coke dans ses hauts fourneaux et passer au gaz et à l’hydrogène. L’aluminium, grand consommateur d’électricité, doit passer aux renouvelables et/ou au nucléaire. Et la chimie doit réduire son empreinte carbone en utilisant des matières premières synthétiques et biologiques et en adoptant des processus de fabrication électrochimiques.
Le chemin sera long pour l’industrie lourde. Et elle n’y parviendra pas seule, sans un soutien important des gouvernements et des organisations internationales.