<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Pétrole en Guyane, la France ne veut surtout pas savoir

19 mars 2025

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Pétrole en Guyane, la France ne veut surtout pas savoir

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La prospérité soudaine et insolente du Guyana voisin dont la production et les exportations de pétrole connaissent une croissance très rapide, agite la Guyane française. La croissance économique du Guyana a atteint l’an dernier 43,6% ! Les élus locaux de la Guyane, de droite comme de gauche, sont convaincus qu’il y a des gisements d’hydrocarbures au large de leurs côtes. Le gouvernement et même TotalEnergies, échaudés par la violence des mouvements écologistes radicaux, ne veulent surtout pas le savoir. Et il faudrait en outre que le Parlement modifie la loi Hulot votée en 2017 avec la bénédiction d’Emmanuel Macron. Elle interdit tout simplement l’attribution de tout nouveau permis de recherche d’hydrocarbures en France.

La réussite insolente du Guyana voisin a réveillé un vieux débat sur le potentiel pétrolier des eaux se trouvant au large de la Guyane française. Il faut dire que la production et les exportations d’hydrocarbures du Guyana connaissent un essor spectaculaire au point d’attiser la convoitise du Venezuela qui a multiplié les menaces et les gesticulations militaires. L’économie du Guyana, qui était un des pays les plus pauvres du monde, a connu l’an dernier une croissance hallucinante de 43,6%

Aujourd’hui le Guyana a une production supérieure à 660.000 barils par jour qui devrait atteindre 1,3 million de barils par jour d’ici 2030. Et elle pourrait dépasser ensuite 1,7 million de barils par jour. Une nappe de 11 milliards de barils a été découverte en 2015 par ExxonMobil.

Du pétrole au Guyana mais aussi au Suriname

Et il n’y a pas que du pétrole. ExxonMobil et ses partenaires étendent leurs activités, planifient des projets d’acheminement du gaz vers les côtes, augmentent la production de gaz et envisagent même d’exporter du GNL (Gaz naturel liquéfié). Enfin, l’Europe est le principal acheteur du brut guyanais et a absorbé l’an dernier 66% de ses exportations.

Et il n’y a pas que le Guyana. En 2021, le Suriname, pays aussi limitrophe de la Guyane, situé sur l’autre rive du fleuve Maroni, a fait une découverte de gisements importants. Et TotalEnergies est de la fête en investissant 10 milliards d’euros pour exploiter les premiers barils qui sont attendus en 2028.

Même le Brésil, qui est déjà le 9ème pays exportateur de pétrole (avec 3,5 millions de barils par jour), devrait lancer l’exploration de l’embouchure de l’Amazone dans les prochains mois. Non loin de Bélem où se tiendra la COP 30 à la fin de l’année…

TotalEnergies ne veut pas se lancer dans une bataille qui deviendra politique

Pour en revenir à la Guyane française, les élus locaux, de droite comme de gauche, sont persuadés qu’il y a du pétrole et du gaz à portée de la main et qu’il est dans leur intérêt et celui de la France de l’exploiter plutôt que de l’importer. Mais l’histoire de la recherche pétrolière en Guyane n’est pas nouvelle et n’a jamais été fructueuse. Il est vrai dans des conditions techniques différentes de celles d’aujourd’hui. Toujours est-il que toutes les campagnes d’exploration menées depuis les années 1970 ont déçu. En 2011, un espoir était né avec un forage prometteur, mais les puits suivants n’ont jamais confirmé son potentiel. En 2019, TotalEnergies a jeté l’éponge. Son Pdg, Patrick Pouyanné, a été formel : « Il n’y a pas d’hydrocarbures accessibles en Guyane ».

De toute façon, pour ne pas déchaîner encore une fois une campagne contre lui et TotalEnergies, il a toutes les raisons de dire cela. Patrick Pouyanné mesure bien la violence des mouvements écologistes radicaux. Et pour relancer une campagne d’exploration, il faudrait aussi que le Parlement modifie la loi Hulot votée en 2017 avec la bénédiction d’Emmanuel Macron. Elle interdit tout simplement l’attribution de tout nouveau permis de recherche d’hydrocarbures en France. Pour ne pas être tenté, autant ne pas savoir…

Autant continuer à acheter du pétrole au Guyana

La remise en question de la loi Hulot, perçue par certains comme un « verrou colonial » qui participerait à la « mise sous cloche » de l’ancienne colonie devenue département en 1946 serait très bien accueillie en Guyane, tant par les milieux patronaux que par des figures de la gauche autonomiste et indépendantiste.Mais au sein du gouvernement, les positions sont loin d’être unanimes. Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, a provoqué un début de polémique en expliquant il y a quelques semaines « vouloir ouvrir le débat ». Il a déclaré sur FranceInfo, « tous les pays autour » investissent dans les hydrocarbures. « C’est le cas du Brésil, du Venezuela, c’est le cas du Guyana et du Surinam, où Total va investir plus de 10 milliards d’euros, où il y a, dans les sols et en mer, des nappes de pétroleEt le seul territoire où ce débat ne pourrait pas avoir lieu, où on ne pourrait pas se poser ces questions, ce serait la France ».

La déclaration a provoqué évidemment un tollé chez les écologistes. Mais même Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, ne veut pas en entendre parler. Elle estime que revenir en arrière serait « incompréhensible ». Il vaut mieux continuer à acheter du pétrole au Guyana…

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