Les militants écologistes, qui sont derrière l’extraordinaire succès médiatique et diplomatique de Greta Thunberg, ont décidé de mener aussi sur le terrain juridique le combat contre les gouvernements accusés d’irresponsabilité. Ainsi, un panel de seize jeunes venus de douze pays et âgés de 8 à 17 ans, dont Greta Thunberg, a annoncé le 23 septembre le dépôt d’une plainte contre cinq pays «pollueurs», à savoir l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, la France et la Turquie.
Les avocats du cabinet international Hausfeld, qui ont monté l’opération avec la bénédiction de l’Unicef, entendent caractériser juridiquement «l’inaction» des dirigeants de ses pays comme une atteinte à la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant. Cette convention est un traité international adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989.
Au total, 197 pays l’ont ratifiée il y a 30 ans, s’engageant à protéger la santé et les droits des enfants. Mais la plainte n’est juridiquement possible que dans le cadre d’un «protocole optionnel» de la convention, signé fin 2011 et entré en vigueur en 2014. Il autorise des enfants à porter plainte devant le comité des droits de l’enfant de l’ONU s’ils estiment que leurs droits sont bafoués. Si la plainte est jugée fondée, le comité fait alors des recommandations publiques aux États coupables pour mettre fin aux violations. Le problème, c’est que seulement une soixantaine de pays ont ratifié le protocole et pas ceux qui émettent le plus de gaz à effet de serre…
Mauvaise foi
Greta Thunberg et ses avocats s’en sont donc pris aux cibles possibles, pas à celles qui sont le principal obstacle à la transition énergétique. Une position à priori difficile à justifier… Pas quand on est de mauvaise foi. Le cabinet Hausfeld explique ainsi que la France et l’Allemagne sont responsables d’une part importante des émissions historiques…
Pour remettre les choses en place, les deux plus grandes puissances mondiales, la Chine et les Etats-Unis, sont à l’origine, dans cet ordre, de plus de 40% des émissions de CO2. Dans le classement des pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre, les différences sont considérables. Les émissions du numéro un, la Chine (27,2% avec 9.839 MtCO (millions de tonnes équivalent CO2)), sont près du double de celles du numéro deux, les Etats-Unis (14,6% 5.269 MtCO), qui sont à leur tour le double de celles du numéro trois, l’Inde (6,8% 2.467 MtCO). La France est 18ème avec des émissions de CO2 inférieures de moitié à celles de l’Allemagne (6ème) à 356 MtCO contre 799 MtCO. Si on prend un autre classement, plus qualitatif cette fois, l’Environmental Performance Index de l’université Yale de 2018, la France est deuxième… et l’Allemagne treizième. Les Etats-Unis sont 27ème, la Chine 120ème et l’Inde 177ème.
Mais la Chine et l’Inde n’ont tout simplement pas adopté le protocole optionnel et ne sont donc pas «attaquables». Les Etats-Unis non plus d’ailleurs. Ces derniers ont bien signé la convention relative aux droits de l’enfant le 16 février 1995, mais ils ne l’ont toujours pas ratifié.
On commence à comprendre pourquoi Emmanuel Macron, qui avait reçu Greta Thunberg à l’Elysée en février et saluait alors les initiatives de la passionaria du climat, est aujourd’hui bien plus critique de «ses positions très radicales… de nature à antagoniser nos sociétés». «Je n’ai pas le sentiment que le gouvernement français ou le gouvernement allemand, aujourd’hui, sont en train de bloquer. […] Quand je vois qu’on va fermer l’ensemble de nos activités charbon, qu’on stoppe l’exploitation d’hydrocarbures, qu’on est en train de bouger, je ne suis pas sûr que ce soit la voie la plus efficace», a déclaré mardi 24 septembre le Président sur Europe 1. La Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, n’a pas été en reste au micro de France Inter: «…on ne peut pas mobiliser avec du désespoir, presque de la haine».