<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Pourquoi les terres rares de l’Ukraine et du Groenland suscitent tant la convoitise américaine

6 mars 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Terres rares Chine
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Pourquoi les terres rares de l’Ukraine et du Groenland suscitent tant la convoitise américaine

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L’administration Trump a une obsession (parmi d'autres): mettre la main sur des gisements de terres rares et ne pas dépendre ainsi de l’approvisionnement chinois pour des métaux stratégiques indispensables. Voilà pourquoi elle fait du chantage à l’Ukraine pour pouvoir exploiter ses réserves de terres rares et « offre » à la population du Groenland la possibilité de devenir américaine. Pour ne pas être totalement lâchée par son « allié », l'Ukraine aurait d'ailleurs finalement accepté toutes les exigences américaines...

Cela a encore été un des éléments saillants du discours sur l’Etat de l’Union prononcé devant le Congrès des Etats-Unis le 4 mars par Donald Trump. Conclure un accord sur l’exploitation des terres rares ukrainiennes et faire du Groenland un nouvel Etat des Etats-Unis « d’une façon ou d’une autre ». Le Président des Etats-Unis semble d’ores et déjà parvenu à ses fins, au moins en partie, puisque l’Ukraine et son Président Volodymyr Zelensky auraient finalement cédé à toutes les exigences américaines, selon un document obtenu par Radio Free Europe/Radio Liberty, afin de ne pas être totalement lâchés par leur « allié ». Il ne serait pas question de garanties de sécurité américaines et l’accord passerait par la création d’un fonds d’investissement commun détenu à parts égales par les deux pays. Washington s’engagerait seulement à « maintenir un engagement financier à long terme en faveur du développement d’une Ukraine stable et économiquement prospère ».

L’obsession trumpienne pour les terres rares s’explique avant tout par les choix stratégiques gagnants faits par la Chine depuis déjà de nombreuses années. Au point que l’industrie chinoise contrôle aujourd’hui près de 70% de la production mondiale de terres rares (les Etats-Unis 11,6%) et plus encore, 85% du raffinage de ses métaux stratégiques. Et elle n’entend pas perdre son quasi-monopole. Il y a un peu plus d’un an, Pékin a interdit les exportations de technologies d’extraction et de séparation des terres rares.

Des propriétés magnétiques, électroniques, optiques et catalytiques exceptionnelles

L’industrie chinoise a déposé un grand nombre de brevets relatifs à la production de terres rares, ce qui constitue un obstacle pour les entreprises d’autres pays qui entendent se lancer dans leur exploitation à grande échelle. C’est pourquoi de nombreuses entreprises étrangères estiment qu’il est bien plus intéressant d’expédier leur minerai non traité en Chine pour le raffiner, ce qui renforce encore le contrôle par Pékin du marché mondial.

Les 17 métaux qui constituent les terres rares possèdent des propriétés magnétiques, électroniques, optiques et catalytiques exceptionnelles qui les rendent indispensables pour la fabrication de composants électroniques, d’équipements militaires, mais aussi pour l’aérospatiale, l’industrie automobile et la transition énergétique.

Les 17 métaux classés comme « terres rares » sont en fait abondants dans le sous-sol

Aujourd’hui, leur consommation est notamment portée par la production d’aimants permanents, composés pour partie de terres rares, notamment de néodyme, de praséodyme et dans une moindre mesure de dysprosium et de terbium pour les applications de haute performance. Les usages de ces aimants sont multiples : ils permettent la miniaturisation (électronique, robotique) et la fabrication d’équipements clés de nombreux matériels militaires (des lasers au radars en passant par les missiles guidés) et de la transition énergétique (générateurs d’éoliennes, moteurs des véhicules électriques, transformateurs…).

Le paradoxe est que les 17 métaux classés comme « terres rares », se trouvent en fait en abondance dans le sous-sol. Mais il faut encore pouvoir exploiter les gisements. L’an dernier, le United States Geological Survey (USGS) a estimé qu’il y avait environ 110 millions de tonnes de gisements répartis dans le monde entier. Sur ce total, environ 44 millions de tonnes se trouvent en Chine, 22 millions de tonnes au Brésil, 21 millions de tonnes au Vietnam, 10 millions de tonnes en Russie et 7 millions de tonnes en Inde. L’Ukraine ne possède que 5% des réserves, soit environ 5,5 millions de tonnes.

Drainage minier acide

L’exploitation des terres rares implique à la fois l’extraction minière et le traitement. Si la Chine est actuellement dominante dans ces deux domaines, c’est parce que pendant longtemps peu de pays ont été prêts à assumer les coûts élevés de l’extraction des terres rares et les conséquences environnementales qui en découlent. Cela nécessite l’utilisation intensive de produits chimiques et la production de déchets toxiques. La Chine exploite ainsi de nombreux gisements d’argile dans le sud du pays. Les terres rares y sont principalement récupérées selon une technique appelée « lixiviation en tas ». Elle a un impact considérable sur l’environnement du fait notamment du drainage minier acide.

L’administration Trump a trouvé le moyen de mettre la main sur des gisements, ceux de l’Ukraine. Elle considère qu’il s’agit d’un « remboursement » à Washington de l’aide militaire fournie par les États-Unis au cours des trois dernières années depuis l’invasion russe. Donald Trump a déclaré qu’il voulait 500 milliards de dollars de minerais comme dédommagement. Pour Volodymyr Zelensky, le montant de l’aide accordée par Washington à Kiev est très loin d’atteindre ce chiffre. Mais il aurait donc fini par accepter toutes les exigences américaines.

La moitié des gisements ukrainiens dans les territoires occupés par la Russie

Par ailleurs, la Russie, qui ne veut pas d’un resserrement des liens économiques entre les Etats-Unis et l’Ukraine, a même tenté de s’immiscer dans la négociation. Moscou a « offert » aux Etats-Unis la propriété d’une partie des réserves de terres rares que son armée contrôle sur le territoire ukrainien qu’elle occupe.

Maintenant, l’Ukraine ne produit aujourd’hui aucune terre rare. Et l’impossibilité d’accéder aux régions de l’Ukraine capturées par la Russie complique les choses. L’armée russe a pris le contrôle d’environ 20% du territoire ukrainien, l’est de Donbas et la Crimée, qui contiennent une part importante des terres rares et autres minéraux critiques du pays. Selon CBS et d’après les données fournies par the Institute for the Study of War (L’Institut pour l’étude de la guerre), environ la moitié des gisements de terres rares de l’Ukraine se trouvent dans les territoires occupés par la Russie.

Pour ce qui est du Groenland, si Donald Trump entend l’«acheter», c’est que son sous-sol contient d’importants gisements de terres rares dont du néodyme, du dysprosium et du scandium. En théorie, ces ressources sont même gigantesques, évaluées à 36,1 millions de tonnes par le Service national de géologie du Danemark et du Groenland (GEUS). Mais en fait, les gisements qui correspondent à des ressources économiquement et techniquement récupérables sont de l’ordre de 1,5 million de tonnes, selon le dernier rapport de l’USGS. Ce qui reste appréciable.

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