<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Un petit sursis pour l’industrie automobile européenne

5 mars 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Un petit sursis pour l’industrie automobile européenne

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La Commission européenne vient enfin de mesurer les conséquences économiques, sociales et politiques de son fameux nouveau pacte vert et de sa mesure la plus emblématique, l’interdiction en Europe de la vente de véhicules neufs à moteur thermique d’ici 2035. La présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen, a dévoilé les contours d'un plan de soutien à la filière automobile qui sera officiellement présenté le 5 mars. Elle propose notamment de prendre en compte la moyenne des émissions de CO2 sur trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d'une seule année avant d’infliger des amendes aux constructeurs qui pourraient représenter des milliards d’euros. Ils disposeront donc de trois ans au lieu d'un seul pour atteindre l'objectif de réduction de 15% des émissions. Une façon de repousser les échéances, mais sans doute trop peu et trop tard et sans s’attaquer aux problèmes de fond. Car la transition à marches forcées vers la motorisation électrique, faute de demande et de compétitivité, provoque une crise sans précédent de l’industrie automobile dans toute l’Europe avec une avalanche de fermetures d’usines et de licenciements.

Sous la pression, la présidente de la Commission Européenne tente maintenant de limiter les dégâts économiques, sociaux et politiques de son nouveau Pacte vert lancé pourtant en fanfare en juillet 2021. Les objectifs de ce pacte constitué de milliers de pages de normes, de réglementations et de recommandations concoctées par une armée de technocrates sont inatteignables mais il est devenu en outre un danger pour la prospérité de l’Union Européenne et de ses citoyens. La mesure la plus emblématique était l’interdiction en Europe de la vente de véhicules neufs à moteur thermique d’ici 2035.

Une mesure de plus en plus violemment contestée dans les pays de l’Union par les politiques comme par les constructeurs automobiles qui voient leurs ventes et leurs équilibres financiers mis à mal. La France dont la production automobile s’est effondrée sur son sol depuis 20 ans, elle a chuté de 59% depuis 2004, fait presque figure d’exception par son indifférence. Mais en Allemagne, en Italie, en Espagne et dans les pays de l’Est, le rejet de la transition à marches forcées vers la motorisation électrique devient massif.

Un plan officiellement présenté le 5 mars

Voilà pourquoi Ursula Von Der Leyen vient de dévoiler les contours d’un plan de soutien à la filière automobile qui sera officiellement présenté le 5 mars. Elle propose notamment de prendre en compte la moyenne des émissions de CO2 sur trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d’une seule année avant d’infliger des amendes aux constructeurs qui pourraient représenter des milliards d’euros. Ils disposeront désormais de trois ans au lieu d’un seul pour atteindre l’objectif de réduction de 15% des émissions que porte la réglementation CAFE (Corporate Average Fuel Economy).

La norme CAFE prévoit un durcissement progressif des émissions moyennes de CO2 par véhicule vendu pour les constructeurs automobiles, avec un nouveau palier tous les cinq ans jusqu’en 2035. En 2025, la moyenne passe à 93,6 grammes de CO2/km. Pour y parvenir, les constructeurs doivent vendre environ un véhicule électrique pour quatre thermiques. En cas de non-respect, ils s’exposent à de très lourdes amendes (95 euros par gramme supplémentaire de CO2).

« Les objectifs restent les mêmes, mais l’industrie aura plus de marge de manœuvre », a expliqué Ursula von der Leyen. « D’une part, nous avons besoin de prévisibilité et d’équité pour les pionniers, ceux qui ont bien fait leurs devoirs. Cela signifie que nous devons respecter les objectifs convenus. D’autre part, nous devons écouter les voix qui demandent plus de pragmatisme en ces temps difficiles ». Ursula von der Leyen a aussi évoqué la mise en place possible d’une alliance pour l’innovation automobile et un « soutien direct » aux producteurs de batteries.

Il faut dire que la transition à marches forcées vers la motorisation électrique provoque une crise sans précédent de l’industrie automobile dans toute l’Europe avec une avalanche de fermetures d’usines et de licenciements. Il y a à cela trois raisons prévisibles que les politiques ont volontairement ignorées : la réticence persistante des consommateurs, la concurrence chinoise irrésistible et les erreurs à répétition des dirigeants des groupes automobiles. Rappelons que l’automobile représente 13,8 millions d’emplois et 7% du PIB de l’Union Européenne.

La demande de véhicules électriques n’est pas au rendez-vous

Avant l’annonce de la présidente de la Commission européenne, Luca de Meo, le directeur général de Renault avait évalué les dégâts de la CAFE pour 2025. Elle pouvait conduire à devoir fabriquer 2,8 millions de véhicules thermiques en moins afin de respecter un mix électrique aux alentours de 22% du total des ventes.

Car la demande de véhicules électriques n’est pas vraiment au rendez-vous parce que les consommateurs sont toujours loin d’être convaincus comme le montre la baisse des ventes de véhicules électriques en Europe en 2024. Et les oppositions politiques et économiques à la mesure phare du nouveau pacte vert ont mis du temps à se mobiliser. Mais elles existent maintenant aussi bien au Parlement européen que dans les pays de l’Union, à commencer par l’Allemagne.

A la fin de l’année dernière, quelques jours seulement après avoir été débarqué de la direction de Stellantis, Carlos Tavares, a bien résumé la situation dans une interview au quotidien portugais Expresso. Il a expliqué que les décisions politiques européennes ont conduit l’industrie automobile du continent « dans une impasse stratégique ». Elle a perdu en moins d’une décennie les avantages technologiques et industriels qu’elle avait construit tout au long du XXème siècle et se retrouve aujourd’hui avec « plusieurs années » de retard sur les constructeurs chinois et sur l’américain Tesla dans le développement des véhicules électriques.

Soulagement des constructeurs, mais juste un sursis

Le plan d’assouplissement des règlementations carbone annoncé par la Commission a été accueilli avec soulagement par l’industrie automobile, notamment allemande. « Un premier pas dans la bonne direction », a déclaré la fédération des constructeurs automobiles allemands (VDA). « Il est plus que temps et absolument nécessaire (…) d’alléger la charge des constructeurs face aux menaces de pénalités (…) et de mettre en œuvre rapidement d’autres mesures d’allègement » a réclamé la fédération.

Le premier constructeur européen Volkswagen a aussi salué le plan. Volkswagen a reconnu « l’approche pragmatique » de Bruxelles et y voit « une grande opportunité pour le groupe Volkswagen d’aligner la protection du climat, la compétitivité et le progrès économique dans cette situation géopolitique difficile ».

La question posée aujourd’hui est tout simplement celle de la survie de l’industrie automobile européenne. Seuls les groupes les plus solides auront une chance de traverser une crise créée par des décisions politiques inconséquentes et la lâcheté des dirigeants des constructeurs. Politiques et industriels ont oublié une chose essentielle. C’est toujours le client qui a raison…

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