La stratégie de transition énergétique allemande, la fameuse Energiewende, tant vantée par la Commission européenne qui en a fait son modèle et par de nombreux mouvements écologistes est un échec cuisant. Après avoir investi près de 700 milliards d’euros, l’Allemagne n’a pas atteint ses objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre et a vu les prix de l’énergie s’envoler au point de mettre en péril son modèle économique industriel. C’est la Cour des comptes allemande qui le dit…
En 2023, l’Allemagne a émis 417 grammes de CO2 par kWh d’électricité produit, le même niveau qu’en 2019, quand la France n’émettait en moyenne que 59 grammes de CO2 par kWh…
Tout miser sur les renouvelables intermittents (éolien et solaire) tout en abandonnant le nucléaire revient à être dépendant de la météorologie pour produire de l’électricité et du charbon et des importations de gaz quand il n’y a pas de vent et de soleil. Mais les choses pourraient changer… Deux années seulement après la fermeture définitive des trois derniers réacteurs nucléaires en service dans le pays, l’Allemagne pourrait revenir vers l’énergie nucléaire… En tout cas, tel est le souhait du futur nouveau chancelier allemand, le conservateur (CDU) Friedrich Merz dont le parti a remporté les élections du 23 février.
Une collaboration avec la France…
Friedrich Merz a même été jusqu’à évoquer l’idée d’une collaboration avec la France. « Nous réfléchissons à la possibilité de construire ces petits réacteurs modulaires, peut-être en collaboration avec la France », a-t-il déclaré au magazine Spiegel. Un virage à 180 degrés de la politique énergétique allemande qui a consisté depuis plus d’une décennie à tenter dans les institutions européennes de saboter la stratégie nucléaire française. Cela n’a pendant longtemps pas été très compliqué puisque sous la présidence de François Hollande et d’Emmanuel Macron jusqu’en 2022, la France a elle-même abandonné sa filière nucléaire.
En tout cas, la CDU et son parti frère bavarois, l’Union chrétienne-sociale, qui devraient diriger la prochaine coalition gouvernementale ont fait de l’énergie nucléaire un enjeu électoral. Le programme du parti appelle explicitement à la recherche sur la technologie nucléaire de la prochaine génération, y compris les petits réacteurs modulaires (SMR).
La CDU est loin d’être seule, les libéraux et l’extrême-droite sont aussi pro-nucléaires
« Il est dans notre intérêt national de conserver l’option de l’énergie nucléaire », déclare Jens Spahn, leader parlementaire adjoint de la CDU à POLITICO. « Lorsqu’une nouvelle génération de petites centrales nucléaires à faible production de déchets sera prête pour le marché, nous devrons l’utiliser… La demande d’énergie dans le monde numérique augmente au lieu de diminuer. »
Et la CDU est loin d’être seule. Le parti libéral (FDP) est aussi favorable au retour du nucléaire tout comme le parti d’extrême-droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). L’AfD va même encore plus loin que les autres partis en demandant que l’Allemagne revienne complètement sur sa sortie du nucléaire et relance les grands réacteurs mis hors service.
Rafael Laguna de la Vera, directeur de l’agence publique d’innovation Sprind, estime lui aussi que l’Allemagne doit revenir et vite dans le jeu nucléaire. « Nous ne pourrons pas satisfaire la soif d’énergie des années à venir uniquement avec des éoliennes et des parcs solaires, et certainement pas de manière neutre pour le climat », affirme-t-il.
L’idéologie écologiste anti-nucléaire est née en Allemagne dans les années 1970
Cela dit l’opposition au nucléaire reste forte dans la population allemande. Ce n’est pas pour rien si l’idéologie écologiste, à l’origine uniquement anti-nucléaire, est née dans les années 1970 en Allemagne. A cette époque, l’opinion allemande mélangeait allégrement la peur de l’arme atomique, d’être le champ de bataille entre l’URSS et l’Otan, et le nucléaire civil. C’était l’époque du slogan « plutôt rouge que mort ».
Ce rejet du nucléaire a été alimenté par la catastrophe de Tchernobyl en URSS en 1986 et l’accident de Fukushima en 2011. Angela Merkel surfant alors sur la crainte du nucléaire avait décidé de la fin de cette source d’énergie en Allemagne ce qui permettait de renforcer encore les liens gaziers avec la Russie. Ce n’est pas pour rien si Gazprom a financé pendant des années outre-Rhin des mouvements écologistes opposés au nucléaire… et favorables au gaz.
L’Allemagne se réveille enfin. Il est presque déjà trop tard.