Avec un an de retard, sortez les cotillons ! La baisse du prix de gros de l’électricité sur le marché européen a enfin été répercutée sur les tarifs réglementés français (TR) au 1er février 2025. Le gouvernement se targue de cette baisse, alors que les consommateurs auraient pu en bénéficier depuis début 2024 si une communication transparente avait été faite sur l’évolution des prix de marché. La fanfaronnade autour de cette baisse occulte non seulement ses véritables causes, mais elle masque aussi une augmentation des taxes à venir.
Et si on remettait les pendules à l’heure ? Accuser les fournisseurs de la crise passée ou attribuer cette baisse à une décision politique relève du même malentendu. La vérité est simple : la crise de 2022 était avant tout une crise de production, et si les prix baissent aujourd’hui, c’est grâce au bon fonctionnement du marché européen.
Une crise de production
Pour comprendre l’évolution des prix de l’électricité, il faut remettre les projecteurs sur les acteurs clés de la chaîne de valeur : les producteurs et les fournisseurs. Les premiers, chargés des centrales électriques, des parcs éoliens ou solaires, vendent leur énergie sur les marchés de gros. Les seconds achètent cette énergie pour la revendre aux consommateurs finaux.
Or c’est bien une crise de la production qui a frappé l’Europe en 2022. Entre l’envolée des prix du gaz liée à la situation géopolitique, la sécheresse qui a limité la production hydraulique, et les indisponibilités records du parc nucléaire français, l’offre européenne d’électricité a été mise sous tension, déclenchant une flambée des prix.
Aujourd’hui, la situation s’apaise car les niveaux de consommation ont baissé, la production d’énergies renouvelables bat son plein, le parc nucléaire a retrouvé un fonctionnement quasi normal et la consommation française a diminué. Ces facteurs conjugués permettent enfin aux prix de redescendre – preuve, s’il en fallait une, que la crise de 2022 était avant tout une crise de production, et non un problème lié à la fourniture ou à une quelconque spéculation.
Camoufler les hausses de charges derrière la chute des prix de gros
Cette amélioration sur le plan de la production sera contrebalancée par une autre composante essentielle de la facture : les charges. Primo, avec la fin du bouclier tarifaire, l’accise sur l’électricité – principale taxe pesant sur la facture – revient en 2025 à son niveau d’avant crise plus inflation, soit 33,70€ par mégawattheure pour les particuliers, contre 22€ en 2023 et 2024. Secundo, l’augmentation du TURPE (Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité), prévue ce mois-ci, vient également alourdir la note. Et pourtant, les tarifs réglementés afficheront une baisse. L’habile tour de passe-passe consiste à camoufler les hausses de charges derrière la chute des prix de gros. Un effet d’optique qui ne suffira toutefois pas à rendre les Tarifs Réglementés plus compétitifs que les tarifs de marché, ni à rattraper les économies que les consommateurs indexés aux Tarifs Réglementés ont manquées depuis début 2024.
Les prix ne retrouveront pas leur niveau d’antan
Si cette baisse démontre l’influence majeure du coût d’approvisionnement sur le marché de gros sur le prix final, c’est également ce facteur qui explique que l’électricité ne retrouvera pas à court terme son prix antérieur à la crise de 2017. L’électrification des usages et en particulier des mobilités devrait en effet faire croître la demande de façon continue et ainsi maintenir les prix à un niveau relativement élevé, à moins que des moyens de production et de stockage ne soient développés rapidement. Par ailleurs, la TVA sur les abonnements d’électricité passera de 5,5% à 20%, comme le prévoit le Projet de Loi de Finances 2025. Les coûts de réseau, troisième tiers constitutif du prix final, ne seront pas en reste puisque le développement du smart grid et des opérations de maintenance nécessaires à l’optimisation de l’usage du réseau devraient amener à une augmentation significative du Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE).
Stabiliser les prix dans le temps
Stabiliser les prix de l’électricité ne relève pas de coups de baguette magique mais de choix politiques éclairés et cohérents. C’est pourquoi investir dans des moyens de production compétitifs et faciles à déployer est une priorité. Les énergies renouvelables répondent à ce cahier des charges, avec un bonus : chaque kilowattheure vert ajouté au réseau réduit notre dépendance aux fossiles et à l’uranium, et contribue à la réalisation des objectifs climatiques.
Dans le même temps, les clés d’une stabilité tarifaire sont à chercher du côté de mesures conciliant économies et écologie, comme le développement de l’autoconsommation ou encore une politique ambitieuse de rénovation énergétique, pour permettre aux consommateurs de reprendre le contrôle sur leur consommation et leurs factures. Enfin, une stratégie durable ne peut se concevoir sans impliquer les acteurs au plus près des consommateurs. Les fournisseurs, trop souvent réduits à des boucs émissaires, doivent être pleinement intégrés à cette équation.
Cette tribune a été publiée en premier lieu par Les Echos.