Le ferroviaire est considéré à juste raison comme l’un des moyens de décarboner les transports terrestres même si par définition il s’agit d’un moyen de transport de masse qui dépend d’infrastructures dédiées. Il n’est pas adapté à tous les besoins et toutes les demandes. C’est paradoxal, mais son réseau propriétaire et sa faible résistance au roulement sont à la fois ses qualités et ses défauts. Ce mode de transport peut difficilement faire preuve de simplicité et de souplesse. Mais comme le souligne un rapport récent de l’ERFA, association européenne du Fret ferroviaire, véhiculer des marchandises par le rail consomme six fois moins d’énergie, émet neuf fois moins de gaz à effet de serre, et est responsable de huit fois moins de pollution atmosphérique que le transport routier.
Cela dit, il est tout de même nécessaire de réduire l’empreinte carbone du chemin de fer pour le transport de marchandises comme de passagers. Plusieurs innovations s’engagent dans cette voie. On peut en citer trois relativement récentes : des trains légers en fibre de carbone, la sustentation magnétique qui transforme radicalement les voies ferrées et élimine les frottements ou le remplacement des motrices diesel par des trains à hydrogène et à piles à combustibles, une technologie développée depuis des années notamment par Alstom.
Avec la sustentation magnétique, fini les frottements
Ainsi, la première rame de métro en fibre de carbone du monde a été mise en service au cours des derniers jours à Qingdao en Chine, dans la province de Shandong. Le Cetrovo 1.0 Carbon Star Express (voir la photographie ci-dessus) est le premier train de passagers construit principalement en fibre de carbone ultra résistante et légère. Les wagons de métro classiques sont construits en acier. Ils sont beaucoup plus lourd et nécessitent donc plus d’énergie pour être déplacés.
L’entreprise publique chinoise CRRC Qingdao Sifang a commencé à investir dans le projet Cetrovo en 2021 et a créé plusieurs prototypes au fil des années. Le nouveau Cetrovo est 11% plus léger que les trains conventionnels similaires. La fibre de carbone est environ cinq fois plus solide que l’acier, ce qui rend les nouveaux trains plus rigides et plus résistants aux chocs. Les trajets sont également plus silencieux grâce à la réduction des vibrations. Au cours de la phase pilote, le Cetrovo a atteint une vitesse de près de 150 kilomètres heure.
Une transformation plus radicale consiste à éliminer les frottements sur les voies de chemin de fer et donc à réduire l’entretien et surtout à améliorer l’efficacité énergétique à condition que la sustentation magnétique n’en consomme pas plus… L’an dernier, la société italienne IronLev a effectué un premier essai de son train à sustentation magnétique (maglev). Son prototype d’une tonne s’est déplacé à une vitesse de l’ordre de 70 kilomètres heure sur un trajet de 2 km près de Venise.
Utiliser les voies ferrées existantes
La technologie Maglev utilise un coussin d’air qui sépare le train de la voie ferrée, ce qui permet de réduire les frottements, le bruit et les vibrations. Cette technologie n’a en fait rien de nouveau et a été développée en Chine depuis une vingtaine d’années. Mais en fait, elle n’a jamais été déployée à grande échelle. Plusieurs autres pays, dont le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis, ont exploré le potentiel des systèmes maglev, mais les coûts de développement élevés et l’incompatibilité avec les systèmes de voies ferrées existants ont rendu cette technologie non rentable.
La technologie de IronLev pourrait tout changer car elle a pour particularité d’utiliser les voies ferrées existantes. « Le test réalisé par IronLev représente le premier et unique cas de lévitation magnétique appliquée à une voie ferrée existante… », souligne Massimo Bergamasco, directeur de l’Institut d’intelligence mécanique de la Scuola Superiore Sant’Anna de Pise.
Les rames électriques à hydrogène et piles à combustible
Enfin, les motrices électriques fonctionnant avec de l’hydrogène et des piles à combustible pour fabriquer leur propre électricité ne sont pas non plus une technologie inconnue et très récente. Alstom par exemple a développé des rames à l’hydrogène depuis de nombreuses années. Son train a été le premier dès 2018 a rouler sur les voies ferrées en Allemagne. Mais là encore se pose un problème de modèle économique lié aux difficultés de la filière industrielle de produire à des coûts acceptables de l’hydrogène bas carbone.
Aux Etats-Unis, l’an dernier, a été testé un premier train local de passagers à zéro émission à San Bernardino, en Californie. Le ZEMU (Zero Emission Multiple Unit) a une capacité de 108 passagers et devrait entrer en service au début de l’année. Il est construit par le groupe suisse Stadler et utilise une technologie hybride hydrogène-batterie. Il est alimenté par de l’hydrogène bleu (fabriqué avec du gaz naturel mais avec capture et stockage du CO2 émis) et n’émet que de la vapeur d’eau. Le Royaume-Uni et la France devraient aussi commencer à exploiter des trains régionaux à hydrogène dans les prochains mois.
Si ces différentes innovations sont techniquement prometteuses. Pour être implantées à une échelle significative, elles demanderont des investissements très importants. C’est évidemment le nerf de la guerre… et de la transition.