Compte tenu de la situation budgétaire du pays, de la remontée des taux d’intérêt, de la perte de confiance des marchés financiers dans la qualité de la signature de la France et plus encore de l’imbroglio politique dans laquelle elle se trouve, financer la relance du nucléaire près de trois ans après son annonce par Emmanuel Macron est devenu encore plus difficile. C’est pourtant indispensable si le pays ne veut pas se retrouver dans une à deux décennies avec la nécessité de fermer des réacteurs trop âgés et trop difficiles à entretenir et sans solution pour les remplacer autres que des centrales à gaz et des renouvelables malheureusement intermittents.
Cela fait presque déjà trois ans de perdus… Une illustration supplémentaire de la difficulté de l’appareil d’Etat et des entreprises publiques à prendre des décisions et surtout à les mettre en œuvre. L’ambition annoncée d’avoir un premier EPR2 en fonctionnement en 2035 est d’ores et déjà irréalisable tant les retards se sont accumulés. Le prochain conseil de politique nucléaire, prévu avant la fin de l’année, qui doit justement se pencher sur le financement des nouveaux réacteurs, devrait être repoussé. EDF a pris du retard sur les devis « améliorés » des six réacteurs… L’entreprise doit prendre une décision finale d’investissement dans un peu plus d’un an, au début de l’année 2026. Pas sûr que ce calendrier-là soit aussi tenu. Et cela même si les premiers coups de pioche ont été symboliquement donnés à l’été dernier sur le site du premier EPR2 qui sera construit au sein de la centrale de Penly.
Un prêt à taux zéro pendant la durée du chantier
En tout cas, la solution qui se dessine pour financer EDF, qui rappelons-le en quasi-faillite a été renationalisée à 100% l’an dernier par l’Etat, consisterait à accorder un prêt à taux zéro à l’entreprise pour financer la construction de la première tranche de six EPR2 (il pourrait y en avoir huit de plus) dont le coût a été estimé en début d’année à 67,5 milliards d’euros. Il était de 51,7 milliards d’euros il y a trois ans…
En fait, le prêt serait à taux zéro pendant toute la durée du chantier, même en cas de retard, ce qui est presque inévitable avec EDF. Il n’y aurait donc pas de dérapage de la facture, au moins du côté financier. Rappelons que pour le chantier catastrophique de l’EPR de Flamanville, le coût total de la construction a atteint 13,2 milliards d’euros et plus de 19 milliards d’euros avec les frais financiers. Une somme entièrement assumée par EDF qui n’a pas été pour rien dans la nécessité de renationaliser totalement l’entreprise.
Un système acceptable par la Commission européenne
Une fois les EPR2 en service, un taux d’intérêt « raisonnable » sera appliqué au prêt à taux zéro accordé. Le remboursement du capital et des intérêts sera financé par EDF via un contrat pour différence passé avec l’Etat qui lui assurera un prix fixe d’achat de l’électricité produite par les futurs réacteurs et une rentabilité également assurée.
C’est un système qui ne devrait pas être rejeté par la Commission européenne, même si tout est possible, car il a été accepté pour le financement des deux réacteurs de la centrale tchèque de Dukovany dont la construction a été confiée par Prague, pour 17 milliards d’euros, au groupe coréen KHNP au nez à la barbe d’EDF… EDF aurait préféré un financement des EPR2 via une avance remboursable, plus souple encore. Mais il n’est pas sûr du tout que la Commission accepte un tel montage.