La pression économique et politique pour reporter l’échéance de l’interdiction en Europe de la vente de véhicules neufs à moteur thermique ne cesse de grandir sur la Commission européenne. Mais même si l’industrie automobile européenne est confrontée à une crise existentielle, la plus grave depuis 80 ans, les eurocrates ne veulent surtout pas admettre s’être lourdement trompés et ne pas avoir mesuré, une fois encore, les conséquences des décisions qu’ils imposent. Le fameux nouveau pacte vert européen lancé en fanfare en juillet 2021 par la Commission et par sa présidente Ursula von der Leyen, ce sont des milliers de pages de normes et de réglementations. Il est vrai que les commissaires et les fonctionnaires européens sont par nature irresponsables devant les populations et les électeurs.
S’attirer les bonnes grâces des parlementaires européens
Adolfo Urso, le ministre italien des entreprises, a demandé que la révision à mi-parcours des normes d’émission automobile et de fait de l’interdiction de commercialisation de véhicules neufs à motorisation thermique soit avancée au premier semestre 2025 au lieu de 2026. En face, la nouvelle Commission qui va entrer en fonction dans un peu plus d’un mois, se veut pour le moment conciliante. Ainsi, Wopke Hoekstra, le prochain commissaire au climat, et Teresa Ribera, la future vice-présidente de la Commission chargée de la politique climatique, qui sont tous deux des idéologues de la transition climatique et, par exemple, des adversaires résolus de l’énergie nucléaire, essayent de s’attirer les bonnes grâces de l’industrie automobile et surtout de l’Allemagne qui pourrait voir une majorité CDU (conservatrice) prendre le pouvoir en février. Ils ont ainsi déclaré qu’ils souhaitaient « réévaluer » les carburants synthétiques produits avec de l’hydrogène vert décarboné et du CO2 capturé dans l’atmosphère.
« Une approche technologiquement neutre sera nécessaire, dans laquelle les carburants synthétiques ont un rôle important à jouer, grâce à une modification ciblée du règlement dans le cadre de la révision prévue », a expliqué Wopke Hoekstra aux députés européens. Un aveu extraordinaire qui est que la Commission impose des solutions techniques, ce qui n’est pas sa mission, plutôt que de fixer des objectifs d’émissions aux industriels. Et dans l’histoire quand des administrations imposent des solutions techniques, c’est la plupart du temps pour de mauvaises raisons… Même la présidente reconduite de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis devant le Parlement européen d’ouvrir un « dialogue stratégique » sur l’avenir de l’industrie automobile. Il serait temps, maintenant que le mal est fait…
En théorie, le meilleur des deux mondes
Il faut se souvenir que le gouvernement allemand sous la pression des libéraux avait contraint en 2023 les institutions européennes à accorder à contrecœur un sursis après 2035 aux véhicules neufs à moteur thermique à condition qu’ils utilisent des carburants synthétiques ou électro-carburants. Les eurocrates se rassuraient alors en expliquant que les carburants de synthèses resteront coûteux, marginaux et difficiles à produire en quantité. Mais ils négligeaient et négligent toujours plusieurs arguments essentiels en faveur de ses carburants à la fois en termes d’empreinte carbone, d’acceptabilité sociale, de coûts réels et de besoins d’investissements.
Les électro carburants (e-fuels) offrent en théorie le meilleur des deux mondes… Ils sont totalement neutres en matière d’émissions et peuvent être des substituts chimiquement identiques à l’essence, au diesel, au kérosène… Ils offrent la possibilité en quelque sorte d’une électrification indirecte des transports en permettant d’utiliser tous les équipements et infrastructures existants, et tout cela avec une empreinte carbone nettement inférieure à celle des batteries. Ils ont juste deux problèmes… de taille, il faut beaucoup d’électricité bas carbone pour les produire et si on ajoute à cela le coût de la capture du CO2 dans l’atmosphère, leur prix est très élevé et mettra du temps avant de baisser.
La pression des constructeurs allemands
Cela n’empêche pas les constructeurs allemands de militer depuis des années pour les carburants synthétiques et d’être en pointe dans ce domaine, notamment Porsche, Volkswagen et BMW. Luca de Meo, Pdg de Renault et président de l’ACEA, l’organisation européenne des constructeurs, a insisté sur la nécessité d’avoir une approche flexible à Bruxelles sans privilégier une « technologie particulière ».
Et celle des carburants de synthèse a le vent en poupe. Le Bureau français des e-fuels, qui regroupe des groupes énergétiques et aussi des utilisateurs potentiels de carburants synthétiques comme Airbus, Air France-KLM ou CMA-CGM, a recensé plus de 500 projets d’électro carburants dans le monde avec des modes de production à partir d’hydrogène vert produit à partir d’électricité bas carbone renouvelable ou nucléaire.