<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Après deux jours de prolongation, la COP 29 tourne à la mascarade

25 novembre 2024

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Après deux jours de prolongation, la COP 29 tourne à la mascarade

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Après deux jours de plus que prévu de palabres et de négociations à Bakou en Azerbaïdjan, les délégués de la COP 29 sont parvenus dimanche 24 novembre à trois heures du matin à un accord qui ne satisfait… personne. Les pays occidentaux ont tout de même accepté de financer d’ici 2035 à hauteur de 300 milliards de dollars par an, contre 100 milliards aujourd’hui, la transition des pays pauvres. Mais le Sud global en veut beaucoup plus... Il demandait la somme délirante de 1.300 milliards de dollars par an!

A l’issue d’un suspense insoutenable la COP 29, qui a joué les prolongations à Bakou en Azerbaïdjan pendant deux jours jusqu’au petit matin du dimanche 24 novembre, a débouché comme d’habitude sur un accord qui, comme d’habitude, ne satisfait personne. Il faut dire que cette fois l’accord était d’autant plus difficile à trouver qu’il s’agissait pour les pays riches et développés, en clair les Occidentaux, de fournir les moyens financiers aux pays en développement de financer leur transition énergétique. Pour les Occidentaux, notamment les européens, premiers bailleurs mondiaux du climat dont les économies ne se portent pas à merveille, il devient de plus en plus difficile de mettre leurs moyens financiers en accord avec leur intense communication climatique et pour le Sud global, les pays riches occidentaux (Europe, Etats-Unis, Canada, Japon, Australie et Nouvelle-Zélande) ne paient jamais assez… pour leurs péchés passés. Comme s’ils sont plus responsables d’émissions faites depuis deux siècles, quand personne n’avait conscience de leurs conséquences, que la Chine et l’Inde qui savent parfaitement ce qu’ils font et continuent à fabriquer à la chaîne des centrales à charbon. Les COP sont devenues une mascarade qui existe avant tout pour être mises en avant par les médias et pour désigner et fustiger les responsables et les coupables du dérèglement climatique. Comme l’explique Brice Lalonde dans Le Point, « les COP sont devenues des machines à négocier le vide ».

Résultat des courses, les pays développés se sont engagés à apporter trois cents milliards de dollars par an à partir de 2035 (contre 100 milliards aujourd’hui) aux pays pauvres menacés par le changement climatique sous forme de prêts (qui ne seront pas remboursés…) et de dons. Les pays pauvres demandaient la somme délirante de 1.300 milliards de dollars par an… oubliant au passage que la transition ne peut pas être financée que par de l’argent public. Les 300 milliards de dollars par an que se sont engagés à apporter les Occidentaux, la limite de ce qui est politiquement acceptable pour des pays qui sont des démocraties, doivent permettre en théorie, s’ils ne sont pas détournés et s’ils sont effectivement versés, de faire face aux inondations, aux canicules et aux sécheresses et d’investir dans les sources d’énergie bas carbone.

Règlements de compte

Le financement promis pour 2035 « est trop faible, trop tardif et trop ambigu », a immédiatement regretté le Kényan Ali Mohamed, parlant au nom du groupe africain. « Le montant proposé est lamentablement faible. C’est dérisoire », a ajouté la déléguée indienne Chandni Raina en éreintant au passage la présidence azerbaïdjanaise de la COP 29. Les petits Etats insulaires ont déploré eux un « manque de volonté de répondre aux besoins des pays en développement vulnérables » par la voix du Samoan Cedric Schuster. Pour le Climate action network (CAN), qui rassemble un grand nombre d’ONG de défense de l’environnement, cette COP a été « la plus horrible depuis des années » et sa directrice générale, Asneem Essop, a accusé les pays riches de « mauvaise foi » et de « trahison » des pays du Sud.

En fait, tout le monde a réglé des comptes qui n’avaient pas forcément grand-chose à voir avec la transition énergétique. Joe Biden qui n’avait pas fait le déplacement à Bakou a salué l’accord comme un « pas important » dans la lutte contre le réchauffement climatique. Au passage, il s’en est pris à son futur successeur à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump, en ajoutant : « si certains cherchent à nier ou à retarder la révolution des énergies propres (…) personne ne peut revenir dessus – personne ».

L’ONU défend sa COP…

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui n’est pas venue non plus à Bakou retenue par « des obligations institutionnelles », a fait le communiqué habituel saluant un accord qui « marque une nouvelle ère » dans la coopération sur le climat et va permettre « de stimuler les investissements dans la transition énergétique et faire baisser les émissions ». Enfin, la France qui ne joue jamais vraiment dans son camp a jugé le texte « décevant… pas à la hauteur des enjeux ». Et la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui n’était pas elle aussi à Bakou, en a profité pour regretter « l’absence de leadership de la présidence » azerbaïdjanaise, ce qui n’est pas surprenant compte tenu des relations exécrables entre Bakou et Paris.

Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui ne cesse depuis des années d’annoncer l’apocalypse climatique, a tenté de présenter l’accord sous son meilleur jour, si c’est possible. Les COP sont organisées sous l’égide de l’ONU… Il a déclaré avoir « espéré un accord plus ambitieux » y voyant néanmoins « une base sur laquelle construire » et a appelé les pays à « l’honorer dans son intégralité et dans les délais ». Ce n’est pas l’ONU qui finance et encore moins qui rend des comptes aux populations et aux électeurs… « Aucun pays n’a obtenu tout ce qu’il voulait, et nous quittons Bakou avec une montagne de travail à accomplir. Ce n’est donc pas l’heure de crier victoire », a tempéré le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell.

Un échec pour l’Azerbaïdjan

Quant à l’Azerbaïdjan, qui voulait se servir de la COP comme d’un moyen pour obtenir une reconnaissance internationale, il n’est pas sûr du tout que l’objectif soit atteint, au contraire. Les déclarations agressives de son président contre la France, les arrestations de militants environnementaux et le harcèlement de parlementaires américains ont alourdi l’atmosphère à Bakou. Sa gestion des négociations est aussi sévèrement jugée. L’Allemagne lui a reproché une proximité avec les pays pétroliers, et les délégués de dizaines de pays en développement ont claqué la porte samedi d’une réunion estimant n’avoir pas été pleinement consultés. L’un des textes qui devait être adopté et portait sur la sortie des énergies fossiles lancée par la COP 28 de Dubaï, n’a pas pu l’être.

« Les gens doutaient que l’Azerbaïdjan puisse réussir. Ils doutaient que tout le monde puisse s’accorder. Ils ont eu tort sur les deux comptes », a pourtant affirmé en conclusion le président de la COP 29, Moukhtar Babaïev, ministre et ancien cadre de la compagnie pétrolière nationale, Socar. Bakou fut une « expérience douloureuse », a pourtant conclu Marina Silva, la ministre de l’Environnement du Brésil, qui accueillera la prochaine COP dans un an. Il faudra qu’elle fasse mieux…

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