Le chauffage, autrefois simple fonction utilitaire, est devenu un enjeu majeur de notre société. Sous nos toits, une révolution s’opère en douceur, une mutation silencieuse qui redéfinit notre rapport à l’énergie et à l’environnement. Loin des brasiers d’antan, c’est un nouveau souffle qui anime nos intérieurs. La pompe à chaleur, discrète et efficace, s’impose progressivement comme la reine incontestée du chauffage, reléguant les anciennes chaudières au rang de vestiges d’un passé énergivore.
Les politiques énergétiques, toujours plus exigeantes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ont sonné le glas des chaudières au gaz et au fioul. Leur principal défaut, moins souvent évoqué, vient de leur participation à la dégradation de la qualité de l’air.
Particules fines
Les particules fines, ces minuscules particules en suspension dans l’air, représentent un enjeu majeur de santé publique. Leur taille leur permet de pénétrer profondément dans les voies respiratoires, causant de nombreux problèmes de santé, notamment des maladies cardiovasculaires et respiratoires. Les systèmes de chauffage, en particulier les chaudières, contribuent de manière non négligeable à l’émission de ces particules.
L’électrification répond donc au double objectif de réduction des émissions à effet de serre et d’amélioration de la qualité de l’air donc de réduction des impacts en termes de santé public. Et si cette électrification a longtemps reposé sur des chauffages à effet joule (les fameux « grilles pains »), ces équipements rudimentaires avaient de nombreux inconvénients. Très consommateurs, ils apportaient une pointe de consommation hivernale augmentant la thermosensibilité du réseau et nuisait à son équilibre et à la rentabilité du nucléaire.
Mais la plupart de ses problèmes sont résolus avec la pompe à chaleur, véritable alchimiste de l’énergie. Elle capte les calories présentes dans l’air extérieur, le sol ou l’eau pour les transformer en chaleur. Son coefficient de performance, bien supérieur à celui des chaudières traditionnelles, en fait un appareil particulièrement efficace, sans émissions de gaz à effet de serre, ni de particules.
Un investissement important
L’objectif ? Remplacer intégralement le chauffage thermique que ce soit les chaudières au fioul, condamnées à disparaître progressivement. Leur interdiction dans les nouvelles constructions et les aides financières incitant à leur remplacement accélèrent leur déclin. Les chaudières au gaz, bien que plus performantes, sont également concernées par les nouvelles réglementations et leur avenir est aussi limité.
Cette mutation du chauffage n’est pas sans poser de défis. Le coût d’installation des pompes à chaleur, bien que réduit grâce aux aides financières, reste un investissement important pour les ménages. De plus, le développement massif de ces appareils nécessite de former davantage de professionnels qualifiés et d’adapter le réseau électrique.
Néanmoins, les coûts d’installation devraient continuer à baisser, et les performances des pompes à chaleur à s’améliorer. À terme, ces appareils devraient équiper la majorité des logements en France, contribuant ainsi à réduire notre dépendance aux énergies fossiles et à lutter contre le changement climatique tout en améliorant la qualité de l’air dans les territoires.
Pas de pompe à chaleur sans rénovation énergétique…
Si la pompe à chaleur s’impose comme la nouvelle référence avec plus de 1,2 million d’exemplaires installés en 2023, sa mise en œuvre n’est pas anodine. Pour tirer pleinement parti de ses performances, il est très souvent nécessaire de coupler son installation à des travaux de rénovation énergétique. L’isolation des murs, des combles et des planchers, le remplacement des fenêtres, sont autant d’interventions augmentant le rendement de la pompe.
S’il est désormais admis que la rénovation énergétique ne permet pas forcément de réduire la consommation d’énergie, elle améliore cependant le confort thermique des bâtiments et la santé de leurs occupants. Mais se pose toujours le problème de l’investissement d’une part, et de la disponibilité des ressources techniques (artisans) d’autre part.
L’électrification, une transition à plusieurs vitesses
Le développement des pompes à chaleur s’inscrit donc dans une tendance plus large : l’électrification du chauffage. Cette électrification soulevait des questions importantes concernant la capacité du réseau électrique à absorber une demande croissante. Les dernières études rassurent progressivement sur ce point, sauf cas particuliers en zones rurales où le renforcement de la desserte électrique sera nécessaire.
Les dernières simulations de RTE (Réseau de transport d’électricité) montre ainsi qu’en passant de 35 à 70% de foyers chauffés à l’électrique, le remplacement des chauffages à effet joule par des pompes à chaleur, allié à une politique d’efficacité dans le logement (isolation), permettent au une baisse de la consommation globale du secteur résidentiel.
Autre atout, les pompes air/air, plébiscitées pour leur facilité d’installation ainsi que leur prix inférieur ont un autre atout : elles sont réversibles. Ce qui permet de climatiser le logement.
Cette spécificité leur vaut donc d’être encore exclues des mécanismes d’aide, la climatisation n’ayant pas bonne presse dans certains milieux ou la lutte contre le réchauffement climatique est forcément synonyme de contrition.
Une nouvelle illustration de l’incohérence de la politique énergétique du gouvernement qui par exemple tout en cherchant à réduire le nombre de chaudières gaz renforce l’avantage fiscal du gaz sur l’électricité…
Des progrès technologiques
Cela dit, les perspectives pour le chauffage électrique sont prometteuses. Les technologies évoluent rapidement, rendant les pompes à chaleur plus performantes et moins coûteuses. De nouvelles solutions de stockage d’énergie, comme les batteries, ou encore le V2H (vehicle to home, la capacité à utiliser la batterie de sa voiture électrique pour alimenter son logement) permettent de mieux gérer les pics de consommation et de valoriser les énergies renouvelables en particulier le photovoltaïque en autoconsommation.
La France pourrait ainsi atteindre un triple objectif : réduire ses émissions de CO2, améliorer la qualité de l’air et réduire les dépenses liées, réduire la thermosensibilité du réseau en déployant la climatisation l’été. Qu’attend-t-on?
Phillipe Thomazo