Le pétrole et le gaz naturel sont des hydrocarbures, c’est-à-dire un ensemble de molécules riches en carbone et en hydrogène. Les hydrocarbures sont des molécules que l’on appelle organique. Sur terre, celles-ci sont en ultra majorité fabriquées par, et présentes dans, les êtres vivants : les protéines, les glucides, les lipides, l’ADN… mais ce sont aussi celles provenant de leur dégradation. Dans les sols, on trouve l’accumulation de feuilles mortes dans la litière ou encore la matière organique dégradée de l’humus. On trouve également la matière organique sédimentaire, celle qui s’enfouit dans les sédiments marins, lacustres ou au niveau des deltas.
Ainsi, pétrole et gaz naturel sont le résultat de l’enfouissement de certains types de matière organique, sur des millions d’années. Lorsque les organismes meurent, ils tombent au fond de l’eau, s’enfouissent peu à peu dans les sédiments où température et pression augmentent, transformant les cellules accumulées en hydrocarbures si les conditions physiques et géologiques sont les bonnes. Les géologues étudient cette matière pour comprendre d’où elle vient et à partir de quels organismes vivants elle s’est formée en étudiant des molécules spécifiques, appelées « biomarqueurs », qui sont en quelque sorte des fossiles de matière organique.
Pas de restes de T-rex ou de Diplodocus dans le pétrole
L’étude des gisements de pétrole révèle plusieurs choses. D’abord, ce sont des dépôts océaniques, ce qui suggère déjà qu’ils ne contiennent pas de restes de T-rex ou de Diplodocus. Le pétrole pourrait-il contenir des restes de dinosaures marins ? En réalité, les biomarqueurs indiquent que la matière organique à l’origine du pétrole est essentiellement une accumulation de microorganismes et d’algues.
On trouve par exemple dans les pétroles le produit de la dégradation de la chlorophylle, essentielle à la photosynthèse dans les végétaux et les bactéries. Par ailleurs, les roches sources, c’est-à-dire celle contenant la matière organique à l’origine du pétrole, présentent des âges allant de -15 à -550 millions d’années (voire un milliard d’années) ! Par comparaison, les dinosaures n’étaient présents sur Terre « que » de -230 à -66 millions d’années. Donc la formation de pétrole est indépendante de la présence des dinosaures, ou même des animaux.
Cela dit, il est vrai que la plupart des ressources pétrolières exploitées par nos sociétés se sont formées au cours des époques Jurassique et Crétacé, alors que les dinosaures parcouraient le globe. En effet, ces périodes chaudes étaient propices à l’enfouissement de grandes quantités de matières organiques. Il est ainsi possible d’imaginer que certains pétroles contiennent des morceaux des dinosaures.
Les dinosaures ne pesaient pas très lourd
Mais, s’ils pouvaient être gigantesques, il ne faut pas oublier que, tout comme les mammifères, ils ne représentaient très certainement qu’une petite fraction de la biomasse (la masse totale des organismes vivants). De nos jours, si l’on accumule le poids de tout le carbone de toute la matière vivante, les animaux dans leur ensemble représentent à peine 0,5 % de ce total. Et les mammifères, terrestres et aquatiques, ne représentent même pas… 0,05 % du total. En réalité, insectes, mollusques ou vers sont bien plus abondants. Et cela n’atteint de toute façon pas l’écrasante présence des plantes, suivies par les bactéries, sur terre comme en mer.
Il est ainsi logique d’imaginer que l’accumulation de zoo- et de phyto-plancton surpasse au final l’accumulation de carcasses de gros animaux comme les dinosaures. Et de noter que les gisements de pétrole se forment lors de périodes chaudes de l’histoire de la Terre. Puisque l’enfouissement de matière organique dans les sédiments contribue à stocker du CO₂ hors de l’atmosphère, la formation de pétrole et de gaz naturel sur des millions d’années a contribué à refroidir la surface de la Terre, alors que leur émission abrupte par les humains vers l’atmosphère contribue à la réchauffer.
Guillaume Paris Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de Lorraine.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original sur The Conversation.