<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Industrie automobile et baisse des subventions : la tempête du siècle

14 octobre 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Concession Peugeot Bernard Grenoble.
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Industrie automobile et baisse des subventions : la tempête du siècle

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Les constructeurs automobile, qui se trouvent déjà dans une situation très difficile du fait d’une transition à marches forcées périlleuse vers les véhicules électriques, ont encore plus de souci à se faire. Le marché automobile, qui est déjà loin d’être dynamique, va être affecté l’an prochain en France à la fois par des baisses d’aides et l’augmentation des taxes. Les primes à l'achat de voitures électriques seront rabotées. La prime à la conversion pourrait disparaître tout comme le leasing social cher à Emmanuel Macron. Dans le même temps, le malus sur les véhicules à moteur thermique sera durci et les avantages en nature des voitures de fonction réduits. Le moment de vérité approche à grands pas pour l'industrie automobile française et européenne et se traduira par des fermetures massives d'usines.

L’industrie automobile, qui traverse sa plus grande crise depuis 80 ans, n’avait pas vraiment besoin de cela. Une baisse massive des subventions et aides à l’achat de véhicules électriques et une augmentation des taxes au moment même où elle est contrainte à une transition de tous les dangers vers la motorisation électrique et où l’appétit des automobilistes pour ce type de véhicules est toujours aussi problématique. Et si les constructeurs ne vendent pas suffisamment de voitures électriques pour abaisser les émissions moyennes des véhicules qu’ils commercialisent ils risquent de subir des amendes colossales infligées par la Commission européenne. Selon les premiers calculs du cabinet Alix Partners, ces amendes pourraient représenter l’an prochain deux milliards d’euros pour Renault et Stellantis et huit milliards pour Volkswagen… On appelle cela en anglais « a perfect storm », une tempête parfaite.

On a déjà pu mesurer cette années les conséquences en Allemagne de l’arrêt soudain à la fin de l’année dernière, pour des raisons budgétaires, des aides à l’achat de véhicules électriques. Cela a mis plusieurs constructeurs et pas des moindres dans une situation très difficile, à commencer par le premier d’entre eux outre-Rhin, Volkswagen. Il n’est pas difficile d’imaginer les conséquences des réductions de subventions sur les ventes en France de véhicules électriques par Renault, Dacia, Peugeot et Citroën dans un marché déjà stagnant. La production de voitures électriques en Europe est inférieure cette année d’environ 40 à 45% par rapport aux volumes qui étaient prévus.

Un coup d’arrêt aux ventes de véhicules électriques

En fait, en-dehors de la Chine les ventes de véhicules électriques marquent le pas dans le monde. La part de marché des électriques à batteries était en Europe au mois d’août dernier de 14% contre plus de 15% en 2023 à la même période. Et en Allemagne, le premier marché européen, les ventes de véhicules électriques se sont effondrées, toujours en août, de 69%…

En France, le projet de budget 2025 prévoit que les primes à l’achat de voitures électriques seront rabotées de 500 millions d’euros et ramenées à 1 milliard, le malus durci et les avantages en nature des voitures de fonction réduits. L’exécutif annonce aussi que les économies seront l’occasion de mener « une rationalisation du nombre de dispositifs ». La prime à la conversion pourrait bien disparaître.

Le bonus écologique modifié 16 fois en cinq ans…

« Le coût des véhicules électriques baisse, et leur part dans les ventes augmente de manière dynamique (près de 20% en 2024 contre 10% en 2021), diminuant ainsi le besoin de subvention », justifie le gouvernement. Sur les 9 premiers mois de l’année, la proportion de voitures électriques dans les immatriculations est de 17% ce qui représente une stagnation par rapport à l’an dernier. Elle devrait baisser l’an prochain. Car la dynamique dont parle le gouvernement est d’ores et déjà enrayée. Le véhicule électrique peine à convaincre le cœur du marché, au-delà des adeptes de la nouveauté, de ceux qui entendent montrer leur engagement climatique, des ménages ayant les moyens d’avoir plusieurs véhicules pour des usages différents et des flottes d’entreprise.

Les aides « financeront en priorité les ménages les plus modestes », précise le document de présentation du budget. Aujourd’hui, le bonus écologique représente 4.000 euros (7.000 euros pour les ménages les plus modestes) à l’intention des particuliers souhaitant acheter une voiture électrique. Le montant était de 5.000 euros en 2023. Il devrait encore baisser sensiblement l’an prochain. En cinq ans, les modalités du bonus auront été modifiées 16 fois…

Le leasing social, une promesse de campagne intenable

Le fameux leasing social, promesse électorale d’Emmanuel Macron, a aussi du plomb dans l’aile. Il devait donner l’accès à une voiture électrique neuve pour 100 euros par mois. Lancée avec retard au début de cette année, l’aide pouvait atteindre jusqu’à 13.000 euros par véhicule et a eu, sans surprise, un succès considérable au point de contraindre le gouvernement effrayé par la dépense de fermer le dispositif au bout de six semaines et de mettre ensuite plusieurs mois pour rembourser les concessionnaires au point d’en mettre quelques uns dans une situation de trésorerie précaire… Le leasing social a coûté plus de 650 millions d’euros pour seulement 50.000 bénéficiaires. Difficile d’imaginer qu’il va être reconduit.

Il y a les aides et autres subventions qui baissent et de l’autre côté les taxes et autres malus qui vont augmenter… Le barème du malus sera durci, ce qui était prévu. Le seuil de déclenchement passera de 118 grammes de CO2 émis au kilomètre à 113 grammes au 1er janvier, puis à 106 grammes en 2026, et 99 grammes en 2027. Du côté du malus au poids, le seuil sera abaissé de 1,6 à 1,5 tonne, « dès 2026 ».

Une « saignée » industrielle

Mais le rendement annoncé de ces deux mesures semble assez incohérent : 300 millions de recettes supplémentaires « à partir de 2026 » selon le gouvernement. Peut-être une façon de ne pas donner le sentiment de matraquer l’automobiliste. Car une simulation réalisée il y a quelques jours par le cabinet Dataneo montrait qu’en décalant de 5 grammes de CO2 le seuil de déclenchement du malus les recettes pour l’Etat augmentait l’an prochain de près de 1,5 milliard d’euros…Enfin, les voitures de fonction coûteront plus cher aux entreprises. La fiscalité sur les avantages en nature liés à la mise à disposition par l’entreprise d’une voiture essence ou diesel sera durcie. La mesure non détaillée devrait rapporter 300 millions d’euros.

Tout cela va se traduire par une aggravation de la crise que traverse l’industrie automobile européenne dont les conséquences sociales et économiques seront lourdes. En l’espace de quatre ans, le marché automobile européen a baissé de 30% avec 10,5 millions de véhicules neufs vendus. Dans le même temps, la production de voitures sur le Vieux Continent a diminué de 22% à 14,24 millions de véhicules en 2023 contre 19,3 millions en 2019. Cela correspond à la production d’une dizaines d’usines et ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur l’outil de production. Volkswagen pourrait fermer deux usines en Allemagne, ce n’est que le début de ce que Les Echos appelle une « saignée » industrielle. Les premiers touchés sont d’ores et déjà les équipementiers. ZF doit fermer deux usines en Allemagne. Valeo entend en arrêter trois en France et Magneti Marelli, deux.

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