<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le GNL est-il une très mauvaise solution?

11 octobre 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Méthanier qatari
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Le GNL est-il une très mauvaise solution?

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L’Europe s’est-elle fourvoyée en faisant le pari du GNL (Gaz naturel liquéfié) comme « énergie de transition » entre le charbon et les renouvelables, selon le qualificatif même de la Commission européenne ? Plusieurs études scientifiques, publiées par différentes universités et institutions au cours des dernière années, affirment que les émissions de gaz à effet de serre, sur l’ensemble du cycle de vie, du GNL sont catastrophiques. Cela est lié notamment à des émissions massives de méthane, un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2, bien avant la combustion finale du GNL. La dernière étude réalisée par la Cornell University, publiée au début du mois par The Energy Science & Engineering Journal, affirme que l’impact sur le climat des émissions du GNL serait parfois nettement supérieur à celui du charbon…

Le monde est devenu au cours des dernières années de plus en plus dépendant de l’approvisionnement en GNL (Gaz naturel liquéfié). C’est vrai de l’Asie depuis une décennie, notamment la Chine, le Japon et la Corée du sud, mais c’est aussi vrai de l’Europe qui a trouvé ainsi le moyen de se passer du gaz russe transporté par gazoducs. Et cet appétit pour le GNL est appelé à croître encore significativement lors des prochaines années au point de créer d’ailleurs des problèmes éventuels de pénuries. Il faut du temps pour développer de nouvelles infrastructures : de production, de liquéfaction et de transport (terminaux et méthaniers).

Selon l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis 64 millions de tonnes de capacités supplémentaires de liquéfaction annuelle seront mises en service dans les années à venir. D’ici 2027, le Qatar va faire passer sa capacité de production de 77 à 126 millions de tonnes de GNL, une augmentation de 64%. Les Etats-Unis doivent se doter rapidement de 38 millions de tonnes supplémentaires de capacités de production annuelle après avoir battu l’an dernier leur record d’exportations à 91 millions de tonnes. Il n’y a pas de précédent à une telle rapidité dans l’histoire de l’industrie mondiale du gaz. Et dans le même temps, l’Europe va considérablement augmenter ses capacités de regazéification, de largement plus de 50 millions de tonnes par an d’ici 2027 d’après une étude du cabinet Wood Mackenzie.

Avec la bénédiction de la Commission européenne

Tout cela se fait avec la bénédiction des institutions internationales qui ont même, dans le cas de la Commission européenne, qualifié le gaz naturel d’énergie de transition entre le charbon et les renouvelables… notamment pour faire plaisir à l’Allemagne.

Mais le GNL pose en fait de sérieux problèmes environnementaux et climatiques. D’abord, il ne faudrait pas l’oublier, cela reste un combustible fossile. Les grandes compagnies pétrolières et gazières affirment que le GNL permet de réduire les émissions de carbone de 40 à 50%. Les porte-parole de l’industrie parlent souvent de « science établie », mais les chiffres ne sont pas aussi clairs. Pas du tout même, au point d’être violemment contestés par des études scientifiques publiées en 2018, 2020 et 2022 et au début de l’année par la Cornell University. De ce fait, l’administration Biden a imposé un moratoire sur le développement aux Etats-Unis de nouveaux terminaux de GNL.

L’ensemble du cycle de vie du carburant

Après une évaluation par ses pairs, l’étude de Cornell University vient d’être publiée au début du mois par une revue scientifique réputée, the Energy Science & Engineering journal. Elle affirme que le GNL pourrait en fait émettre sur l’ensemble de son cycle de vie 33% d’émissions de gaz à effet de serre de plus que le charbon sur une période de 20 ans ! « Même si l’on considère une période de 100 ans, qui sous-estime fortement les dommages climatiques du méthane, l’empreinte du GNL est égale ou supérieure à celle du charbon ».

Bien que le charbon soit le combustible fossile le plus polluant au moment de sa combustion, la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie du combustible donne des résultats très différents. La plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre associées au GNL est liée aux activités en amont, notamment le forage et l’extraction, la liquéfaction du gaz puis le transport de ce gaz naturel liquéfié dans le monde entier et sa remise à température normale (regazéification). Le GNL lors de son cycle de vie émet notamment beaucoup de méthane en plus de CO2 lors de sa combustion. Et le méthane est un gaz à effet de serre bien plus puissant que le carbone même si sa durée de vie est inférieure. Au final, la combustion proprement dite du gaz naturel ne représenterait qu’un tiers des émissions de ce combustible.

« Mettre fin à l’utilisation du GNL devrait être une priorité mondiale… »

« L’idée que le charbon est pire pour le climat est fausse. Le GNL a une empreinte en termes d’effet de serre plus importante que n’importe quel autre combustible fossile », affirme l’auteur de l’étude, le professeur Robert Howarth de Cornell University. « Penser que nous devrions transporter ce gaz partout dans le monde comme une solution climatique est tout simplement fausse. C’est de l’écoblanchiment de la part des compagnies pétrolières et gazières qui ont gravement sous-estimé les émissions de ce type d’énergie ». Robert Howarth ajoute qu’il n’y a « aucun besoin de GNL en tant que source d’énergie de transition » et que « mettre fin à l’utilisation du GNL devrait être une priorité mondiale ».

Un lobby en faveur du GNL basé à Paris

Sans surprise, l’industrie pétrolière et gazière conteste violemment ses conclusions. Un lobby en faveur du GNL, le International Group of Liquefied Natural Gas Importers, a été récemment créé. Il est basé en France à Paris. Il a lancé un appel public lors de son assemblée générale annuelle qui s’est tenue il y a peu de temps à Hiroshima au Japon, affirmant que « la réduction des investissements [dans le Gaz naturel liquéfié] aura un impact à la fois sur l’accès à une énergie abordable et fiable et sur la croissance économique pour les producteurs et les consommateurs ».

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