<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> ZFE, fin du mois contre fin du monde

3 octobre 2024

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ZFE, fin du mois contre fin du monde

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Les Zones à faibles émissions ou ZFE n’ont pas fini d’empoisonner la vie des automobilistes les plus modestes et celle des élus locaux tandis que se profilent en 2026 les élections municipales. Adoptée par le Parlement et imposée par le gouvernement d’Edouard Philippe en 2019, la mesure vise à restreindre progressivement la circulation des véhicules les plus anciens considérés comme les plus polluants dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Mais la ségrégation sociale de fait et la restriction de la liberté de déplacement qui consiste à rejeter la France périphérique des villes et ses conséquences politiques ont fait reculer les pouvoirs publics qui ne cessent de retarder la mise en place des ZFE. Mais pas dans le Grand Paris et la métropole lyonnaise qui interdiront dès le 1er janvier prochain la circulation entre 8 heures et 20 heures des véhicules dits Crit’Air’ 3. Les véhicules exclus représentent près d’un quart du parc en circulation…

Les ZFE pour Zones à faibles émissions ou pour leurs nombreux opposants, Zones à forte exclusion, sont l’illustration parfaite du conflit entre fin du mois et fin du monde. Elles ont pour objet de limiter la pollution atmosphérique dans les villes et les métropoles et les émissions de gaz à effet de serre et d’inciter les automobilistes à acquérir et utiliser des véhicules plus propres. Mais elles se traduisent aussi par une ségrégation sociale et géographique et une restriction de la liberté de déplacement.

Sont ainsi rejetés des zones urbaines les véhicules les plus anciens qui par définition sont les plus accessibles et les populations les plus modestes, celles de la France périphérique, qui sont totalement dépendantes de l’automobile faute notamment d’avoir accès à des moyens de transport de substitution.

La vague écologiste de la Macronie

Le gouvernement et les parlementaires ont décidé en 2019 dans la grande vague alors des engagements écologiques d’Emmanuel Macron et du gouvernement d’Edouard Philippe d’instaurer des ZFE de façon obligatoire dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants et d’imposer un calendrier strict d’exclusion progressive des catégories de véhicules polluants les Crit’Air 5,4,3… avant de se raviser et de se rendre compte des conséquences sociales, politiques et économiques des décisions prises… Les ZFE ont été ainsi qualifiées de bombes à retardement sociales. L’ancien député socialiste de Gironde Gilles Savary, auteur du livre La Ville inaccessible, a été jusqu’à considérer les ZFE comme « un apartheid socio-territorial ». Il explique que « la ville va y gagner en tranquillité publique, en convivialité et en qualité de vie au bénéfice exclusif des résidents aisés, dans la plus souveraine indifférence à l’égard des visiteurs extérieurs dont la plupart assurent quotidiennement le fonctionnement ».

Courage fuyons

Du coup, on a assisté à un sauve qui peut général marqué par le report permanent des calendriers d’applications des interdictions sous des prétextes divers, le principal étant le fait de ne pas pouvoir installer les radars automatiques de contrôle et de sanctions des véhicules exclus. Et puis devant la fronde des élus locaux, le nombre d’agglomérations concernées a été réduit. La prochaine étape qui consiste le 1er janvier prochain à interdire la circulation dans les ZFE  des voitures Crit’Air 3 concerne finalement seulement cinq agglomérations (Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, et Rouen)… et en fait deux. Rappelons que les véhicules Crit’Air 3 sont les véhicules diesel immatriculés entre janvier 2006 et décembre 2010 et pour ceux fonctionnant à l’essence immatriculés entre janvier 1997 et décembre 2005.

Mais là encore, la peur de la révolte et le souvenir du mouvement des Gilets jaunes ont incité à limiter la portée de la mesure. En mars dernier, l’ex-ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui avait déclaré être inflexible sur les ZFE a finalement décidé sous la pression d’assouplir les restrictions à la faveur d’une « amélioration continue de la qualité de l’air dans les principales agglomérations françaises ». Les métropoles de Marseille, Strasbourg et Rouen, où la qualité de l’air s’est améliorée, ont ainsi obtenu la possibilité, à leur convenance, de laisser circuler les véhicules Crit’Air 3 au-delà du 1er janvier 2025.

Ce n’est pas le cas pour le Grand Paris, avec un dépassement de dioxydes d’azote de 46 microgrammes/m3 relevé pour 2023, alors que le seuil réglementaire est fixé à 40, et de la métropole de Lyon qui se trouve également au-dessus de ce seuil.

Des élections municipales dans moins de deux ans

Un allègement du dispositif que seule l’Eurométropole de Strasbourg avait d’abord refusé d’appliquer avant de se raviser et de se rappeler que les élections municipales auront bien lieu en 2026. Il a donc été décidé de repousser de deux ans l’interdiction de circulation des Crit’Air 3. Afin « d’accompagner au mieux la sortie du parc des véhicules Crit’Air 3 », compte tenu de « la situation économique et sociale de nombreux ménages, de l’état du parc de véhicules encore en circulation, l’absence de moyens de contrôles automatisés pourtant promis par l’Etat ». Les propriétaires de Crit’Air 3 auront donc un répit jusqu’au 1er janvier 2027… après les élections municipales.

Ce sursis ne remet pas en cause les anciennes restrictions déjà en vigueur concernant les véhicules Crit’Air 4 et 5 que ce soit à Strasbourg, Marseille, et Rouen ou dans les neuf autres agglomérations qualifiées de territoires de vigilance et ayant des ZFE, à savoir Reims, Clermont-Ferrand Auvergne, Saint- Étienne, Grenoble-Alpes, Nice, Aix-Marseille, Montpellier, Toulouse.

La consultation citoyenne bidon de la métropole du Grand Paris

Mais dans les métropoles du Grand Paris et de Lyon, la situation devrait devenir plus compliquée l’an prochain pour les automobilistes désargentés. Les véhicules Crit’Air 3 ne pourront plus circuler la semaine de 8 heures à 20 heures et les week-ends. Et cela fait beaucoup de monde. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), près d’un automobiliste sur quatre (23%) ayant une voiture particulière immatriculée dans le périmètre de la ZFE de la Métropole de Grand Paris (MGP) a une vignette Crit’Air 3 ou plus. Ce qui représenterait 422.000 véhicules particuliers et 59.000 professionnels. Selon la Ligue des Conducteurs qui a des chiffres différents, ce sont au total près de 1,2 million de véhicules qui seront interdits de circulation dans la ZFE du Grand Paris.

Pour tenter de se justifier la MGP invite depuis le mois dernier les habitants à se prononcer jusqu’au 14 octobre sur le projet d’arrêté de restriction de circulation des Crit’Air 3 à l’intérieur du périmètre de l’autoroute A86, via une consultation publique en ligne qui est une pure opération de communication. La même MGP n’est pas à l’abri de la contradiction puisqu’elle se félicite dans le même temps des progrès faits depuis plusieurs années sur la qualité de l’air…

La Ligue de défense des conducteurs (LDC) a ainsi beau jeu de se demander à quoi sert cette consultation publique dont personne n’a entendu parler et qui de toute façon n’aura aucune conséquence.« L’avis des citoyens ne comptera absolument pas, puisque la ZFE parisienne, comme celle de Lyon, est « effective ». Cela signifie que son application est obligatoire, contrairement aux ZFE dites « de vigilance » qui bénéficient depuis mars 2024 d’une souplesse d’application liée à leur niveau de pollution et/ou aux décisions de leurs dirigeants ».

« Les conducteurs qui ont besoin de leur voiture tous les jours, qui nont pas dautre choix parce quils habitent dans des zones éloignées des transports en commun ou travaillent loin de chez eux en horaires décalés, à qui on n’offre donc pas d’alternative satisfaisante (…) Faire semblant de nous demander ce que nous en pensons, c’est ajouter une sacrée dose de cynisme à cette injustice », ajoute Nathalie Troussard, secrétaire générale de l’association.

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