<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La demande exponentielle d’électricité de l’IA redonne vie à la centrale nucléaire de Three Mile Island

23 septembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : The working cooling towers of Generation Unit 1 in the foreground are emitting water vapor. The dormant cooling towers are from Unit 2, which was permanently damaged in the 1979 accident.
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La demande exponentielle d’électricité de l’IA redonne vie à la centrale nucléaire de Three Mile Island

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Les besoins énergétiques des géants de la technologie décuplés par le développement de l’intelligence artificielle (IA) posent des problèmes considérables. La production d’électricité bas carbone disponible est très insuffisante. Et d’après une enquête récente du Guardian, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) minimiseraient fortement leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. Pour s’approvisionner en électricité décarbonée, Microsoft a donc décidé de relancer un des réacteurs nucléaires à l’arrêt de la centrale américaine de Three Mile Island tristement célèbre depuis l’accident survenu en 1979. Il en coûtera 1,6 milliard de dollars au propriétaire du réacteur, le groupe Constellation, dont l’électricité alimentera exclusivement les centres de données de Microsoft. L’accident de Three Mile Island avait marqué la fin de l’expansion de l’énergie nucléaire aux Etats-Unis. Microsoft n’est pas seul à avoir recours au nucléaire. Amazon a acheté il y a quelques mois en Pennsylvanie un data center alimenté par un réacteur nucléaire.

La demande d’électricité des data centers (centres informatiques de données) augmente à une telle rapidité que la crainte grandit de voir les capacités de production incapables de répondre à la demande. Cela est notamment la conséquence du développement très rapide de l’Intelligence Artificielle (AI). Selon une étude récente de Goldman Sachs, une requête sur ChatGPT nécessite environ 10 fois plus d’électricité qu’une recherche sur Google. On compte aujourd’hui plus de 8.000 data centers dans le monde, dont 33% aux États-Unis et 16% en Europe et ce nombre devrait considérablement augmenter dans les prochaines années.

Microsoft semble avoir trouvé une solution, au moins provisoire, relancer un réacteur nucléaire de la centrale tristement célèbre de Three Mile Island (voir la photographie ci-dessus). Le 20 septembre, le propriétaire de la centrale, le groupe d’énergie américain Constellation a annoncé avoir signé un contrat de 20 ans avec Microsoft pour lui fournir exclusivement l’électricité produite par le réacteur numéro 1 de Three Mile Island, à l’arrêt depuis 2019. Constellation a racheté l’unité 1 de la centrale en 1999. Elle a une capacité de production de l’ordre de 800 mégawatts, un peu moins que les réacteurs les plus anciens du parc nucléaire français (900 MW).

Un investissement de 1,6 milliard de dollars

Le réacteur numéro 1 de Three Mile Island devrait être de nouveau opérationnel en 2028 et cela nécessitera des investissements importants de l’ordre de 1,6 milliard de dollars pour remettre en état la turbine, le générateur et les systèmes de refroidissement. Il faudra à l’issue des travaux obtenir l’approbation de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis.

Une opération qui serait impossible en France avec les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim fermés en 2020 uniquement pour des raisons politiciennes. Pour éviter tout redémarrage à des coûts acceptables, le lessivage du circuit primaire a été réalisé très rapidement après l’arrêt des réacteurs. Il est ainsi devenu presque impossible de le remettre en fonction et il n’y a pas de précédent laissant penser qu’il est possible, même avec du temps et des moyens financiers, de changer ce circuit primaire.

L’accident de Three Mile Island s’est produit le 28 mars 1979

« L’alimentation des industries essentielles à la compétitivité économique et technologique de notre pays, y compris les centres de données, nécessite une abondance d’énergie sans carbone et fiable à chaque heure de la journée, et les centrales nucléaires sont les seules sources d’énergie qui peuvent constamment tenir cette promesse », a affirmé Joe Dominguez, le Pdg de Constellation. « Avant d’être fermée prématurément pour des raisons économiques, cette centrale comptait parmi les centrales nucléaires les plus sûres et les plus fiables du réseau, et nous sommes impatients de la faire revenir sous un nouveau nom et avec la mission renouvelée de servir de moteur économique pour la Pennsylvanie », a-t-il ajouté.

Rappelons qu’à Three Mile Island qui se trouve à l’ouest de Philadelphie, le réacteur numéro 2 de la centrale a été victime le 28 mars 1979 d’un accident grave et d’un défaut de refroidissement qui a fait fondre en partie son cœur et a conduit au relâchement dans l’atmosphère d’une faible quantité de radioactivité. Classé au niveau 5 (sur 7), cet accident reste un des plus sérieux après la catastrophe de Tchernobyl (1986) et celui de Fukushima (2011) et le seul notable aux Etats-Unis. Il n’y a pas eu de victime, mais la grande crainte suscitée par l’accident a marqué le début du déclin de l’énergie nucléaire aux Etats-Unis et a frappé l’opinion publique notamment via le film catastrophe « Le syndrome chinois » avec Jane Fonda. Il est construit sur un scénario de science-fiction selon lequel une catastrophe nucléaire dans une centrale américaine et la fonte du cœur d’un réacteur pourrait lui faire traverser la croute terrestre jusqu’en Chine… Un tel accident est physiquement impossible.

Le développement de l’Intelligence Artificielle nécessite des quantités d’électricité exponentielles

Microsoft n’est pas le seul géant de la technologie à se tourner vers le nucléaire pour s’approvisionner en électricité décarbonée. Amazon a acheté en mars pour 650 millions de dollars un centre de données en Pennsylvanie alimenté par une réacteur nucléaire.

L’intelligence artificielle est une révolution technologique qui tout à la fois émerveille et effraye. Elle promet d’augmenter massivement l’efficacité d’une grande partie des activités humaines que ce soit dans les technologies de l’information, la santé mais aussi dans l’industrie ou l’agriculture. Au-delà du risque sans cesse mis en avant qu’elle porterait de voir un jour la suprématie de l’intelligence humaine menacée, elle a un autre sérieux problème. Elle a besoin pour fonctionner de quantités massives d’électricité. Car elle est construite sur la manipulation, via des puissances de calcul toujours plus grandes, de gigantesques bases de données.

La consommation d’électricité résultant des data centers et de l’IA pourrait passer de 415 TWh (térawattheure) en 2022, déjà supérieure par exemple à celle du Royaume-Uni, à 835 TWh en 2026 selon une hypothèse médiane de l’Agence internationale de l’énergie. Cela représenterait alors la demande d’électricité d’un pays comme le Japon, la cinquième du monde. A ce rythme, les besoins en énergie de liés à l’IA pourraient représenter un problème insoluble pour la transition énergétique.

Les GAFAM minimisent leur consommation et leurs émissions

Car il est impossible de produire en quelques années l’électricité bas carbone nécessaire pour les alimenter. D’autant plus, qu’il faut dans le même temps parvenir à produire chaque année suffisamment d’électricité décarbonée à la fois pour répondre à la progression de la demande « normale » et pour se substituer aux centrales thermiques.

En outre, selon une enquête très récente du Guardian, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) minimiseraient fortement leur consommation d’électricité et leurs émissions de gaz à effet de serre. Selon The Guardian, « les émissions réelles des centres de données internes ou appartenant à Google, Microsoft, Meta et Apple sont probablement supérieures d’environ 662% – soit 7,62 fois – aux niveaux officiellement déclarés » entre 2020 et 2022. Les « Big Tech » utiliseraient une « comptabilité créative » pour présenter un bilan plus flatteur en matière d’émissions. Ils achètent notamment des certificats d’énergie renouvelable. Mais, sans cette compensation, les émissions « basées sur la localisation » des data centers reviendraient, à faire des GAFAM, s’ils étaient un pays, « le 33e plus grand émetteur, après les Philippines et devant l’Algérie ».

Face aux besoins croissants d’électricité bas carbone, « il pourrait être presque impossible, même pour les entreprises les mieux intentionnées, de mettre en ligne de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable à temps pour répondre à cette demande », conclut The Guardian.

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