Parmi les problèmes créés par la dissolution de l’Assemblée nationale et l’absence d’une majorité permettant de gouverner le pays, il y a évidemment les incertitudes sur de multiples projets et investissements liés à la transition énergétique. C’est criant dans l’hydrogène, la géothermie, l’éolien et plus encore le nucléaire.
C’est dans ce dernier domaine que les conséquences peuvent être les plus lourdes. Tout simplement, parce que retarder encore des décisions et des investissements qui le sont déjà depuis des années et y ajouter l’impossible canevas réglementaire et administratif français va mettre à mal la stratégie de transition du pays qui consistait pour continuer à avoir une électricité décarbonée et faire face à l’électrification des usages à se doter de nouveaux réacteurs EPR2 au nombre de 6 ou de 14.
Interrogations sur les capacités humaine et financière à mener le projet
L’efficacité n’étant pas ou plus la caractéristique de l’appareil d’Etat en France, le grand tête-à-queue pro nucléaire pris soudain par Emmanuel Macron quelques mois avant l’élection présidentielle de 2022 tarde à se concrétiser. Les principaux problèmes ne sont pas techniques, au moins pour le moment, ils tiennent à la capacité humaine et financière à mener les projets.
EDF assure en être capable, même si ces récents déboires, encore et toujours à Flamanville et avec le projet de SMR Nuward ne sont pas vraiment rassurants. Mais la question la plus sensible aujourd’hui est celle du financement des 67,4 milliards d’euros nécessaires à la construction des six premiers nouveaux réacteurs par un Etat surendetté et mal géré. Ce qui est d’ailleurs aussi la caractéristique d’EDF qui a dû être renationalisé compte tenu d’une dette devenue insupportable.
Huit milliards seront déjà dépensés d’ici fin 2026
Les premiers coups de pioche ayant été donnés sur le site de Penly au cours des dernières semaines, il est plus que temps de mettre en place le financement. C’est ce qu’expliquait en juillet dans un rapport d’étape Hervé Guillou, ex patron de Naval Group, responsable pour EDF et pour l’Etat avec un groupe d’experts de mener une évaluation indépendante du programme de construction des EPR2.
« Trois milliards d’euros ont déjà été dépensés par EDF fin 2024 , deux milliards supplémentaires sont prévus en 2025 et trois milliards pour 2026. Un tel engagement financier implique de sécuriser des financements et un mode de régulation », a estimé Hervé Guillou dans le rapport d’étape présenté au Comité Exécutif d’EDF et cité par les Echos. Ce rapport considère qu’une décision finale d’investissement doit être prise « à la mi-2026 ». Rappelons que l’essentiel des coûts de l’énergie nucléaire proviennent de l’investissement initial et pas de son fonctionnement.
Deux pistes principales
Il existerait aujourd’hui deux pistes principales pour financer l’investissement. La première s’inspire de la façon dont a été financé le développement par Airbus du modèle A350. Il s’agirait de doter EDF d’une avance remboursable de la moitié des 67,4 milliards d’euros du coût du programme estimé aujourd’hui. L’avance serait remboursée selon des conditions dépendantes des recettes provenant de la mise en service des nouveaux réacteurs. Une opération sans risques pour EDF qui bénéficierait d’une rémunération garantie grâce à un contrat pour différence signé avec l’Etat qui lui assurerait un prix fixe d’achat de l’électricité produite par les futurs réacteurs. Cela mettrait en outre EDF à l’abri des retards et autres problèmes puisque le remboursement serait lié à la production d’électricité.
L’autre possibilité passerait par un prêt de l’Etat, qui viendrait encore alourdir le bilan d’EDF, avec toujours un contrat pour différence garantissant au groupe public le chiffre d’affaires lié aux nouveaux réacteurs. Cette solution serait plus rapide à déployer, notamment parce que la Commission européenne l’a validée pour les deux nouveaux réacteurs tchèques, mais ne lierait pas de façon mécanique le remboursement des sommes avancées par l’Etat à EDF à la mise en service des réacteurs. Maintenant, le prêt de l’Etat pourrait être à taux zéro ce qui rendrait la charge de la dette un peu plus supportable.
Dans un cas comme dans l’autre et pour ne pas faire appel seulement aux marchés financiers déjà fortement sollicités par les besoins de fonctionnement de l’Etat, le gouvernement pourrait puiser dans le Livret A géré par la Caisse des dépôts.
Rappelons que pour l’EPR de Flamanville et son chantier calamiteux, l’addition finale pour EDF est de l’ordre de 19 milliards d’euros, y compris les intérêts, sans aucune aide de l’Etat.